Le karaté est un état d'esprit : Le livre de Harry Crews

Le karaté est un état d’esprit est donc le quatrième roman de Harry Crews. Depuis Le Chanteur de Gospel, il publie un roman par an et de nombreux articles pour des magazines. Ce roman-là fait partie des plus déjantés de l’auteur. John Kaimon a délaissé ses études à l’université pour traverser les Etats-Unis. Il débarque sur une plage de Floride, alors que des sportifs s’entrainent au karaté. Tous ont des couleurs de ceinture différentes, du blanc au noir en passant par le jaune, l’orange et le marron. Ils sont entrainés par une superbe jeune femme blonde, aux abords d’une piscine. Elle se déshabille totalement pour poursuivre son cours et tous les élèves doivent se détacher de toute tentation matérielle. Malheureusement, un « ceinture jaune » la regarde avec envie. La conséquence ne se fait pas attendre et elle le démolit. John Kaimon, impressionné par ce cours, va rejoindre cette communauté dirigée par Belt. Petit à petit, il fait la connaissance de certains membres. Tous ont laissé tomber leur vie antérieure pour se consacrer au karaté et à l’esprit de ce sport qui demande de se concentrer sur le mental pour se détacher des tentations matérielles. Il apprend ainsi le passé de chacun, et la gestion de son corps, jusqu’à ignorer la douleur. Des quelques romans de Harry Crews que j’ai pu lire jusqu’à maintenant, celui-ci est le plus délirant et le plus décalé, où on peut être surpris de l’humour et de la violence. Outre les aspects descriptifs sur le karaté et le mode de pensée, l’abandon total de la vie matérielle pour une optique spirituelle, Harry Crews va nous présenter les différents élèves et leur passé (peu glorieux pour certains). Cette communauté propose d’abandonner tout lien avec la consommation ou même les désirs, y compris sexuels. Ils se retrouvent donc souvent nus, face à eux-mêmes et à leur douleur quand il s’agit de se casser leurs membres (ah oui, j’ai oublié de vous dire que c’est violent, mais avec un ton délirant ; d’ailleurs j’adore quand l’un des élèves perd son œil en verre). Et il termine son roman sur une note d’optimisme. On retrouve donc des éclopés, des blessés de la vie, qui retrouvent un sens dans leur vie en oubliant ce qui les rattache au quotidien et leur souffrance. On peut y lire aussi une résistance à la souffrance et à l’environnement, ou même une critique acerbe et cynique de la société américaine bouffée par la consommation ou les concours du plus fort, du plus beau qui ne servent à rien. Ce n’est surement pas le meilleur de Harry Crews, mais ce fut une lecture bien agréable.