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Rentrée littéraire : une histoire d'amour pas comme les autres signée Jean-Pierre Montal
Publié le 11/10/2024 , par Lisez
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Il a 48 ans, elle en a 72 ans. Ils se rencontrent dans un cinéma où, inlassablement, ils regardent « Elle et lui » de Léo McCarey, une tragi-comédie sur deux amants que tout sépare. Et si la fiction dépassait la réalité ?
Il est apparu parmi les centaines de romans de la rentrée littéraire mais il n’est pas tout à fait comme les autres. On est loin, très loin, des récits à la mode, du style approximatif, des héros narcissiques. La Face nord est, tout simplement, un merveilleux ovni. Jean-Pierre Montal, auteur du très remarqué « Leur chamade », est un nostalgique qui sait écrire et sait aussi créer une atmosphère. On se glisse dans ses pages avec volupté, on relit une phrase simplement pour le plaisir et pour espérer la retenir. Son œil est celui d’un cinéaste, et, si ce livre devait être un jour adapté sur grand écran, on ne l’imagine pas autrement qu’en noir et blanc. Du cinéma, justement, il en est question : c’est dans une de ces salles obscures du Quartier Latin que le narrateur, Pierre, un homme de 48 ans, légèrement désabusé et plutôt misanthrope, rencontre une femme bien plus âgée que lui. Elle s’appelle Florence, a 72 ans, vit seule, et « c’est stupide à dire, mais (sa) nuque ne faisait pas son âge. » Cet improbable duo a une passion commune : le film Elle et lui. Ils admirent les deux versions de Leo McCarey : celle de 1931 avec Charles Boyer et Irene Dunne, et celle de 1957 avec Cary Grant et Deborah Kerr. Les commenter, préférer l’un des films à l’autre, avouer pleurer devant l’écran, sont leurs sujets de conversation favoris, il y en aura d’autres… Florence est mystérieuse, sereine et terriblement séduisante. Pierre en tombera amoureux. Ses rides l’émeuvent, son intelligence et son allure de reine le subjuguent. La différence d’âge, ils en parlent, s’en amusent parfois, comprennent déjà qu’ils « se sont connus à contretemps ». Florence et Pierre, des amants lucides, deux mots qui ne vont pas bien ensemble. Le héros regarde la femme aimée avec l’ardeur de celui qui sait : un jour elle disparaîtra. Il ne veut pas en perdre une miette, filme avec ses yeux, zoome sur son visage. Les nuits dans les bras de Florence sont évoquées avec une pudeur digne des plus grands écrivains, quelques lignes suffisent à révéler ces instants-là.
Et puis c’est à elle de raconter son histoire, celle du Vienne des années 70 où elle fera la rencontre d’un architecte-philosophe de quarante ans son aîné. Une aventure passionnée pour la jeune fille d’alors, dans une ville « si étrange après la guerre…difficile à imaginer aujourd’hui ». Là encore, l’auteur nous plonge dans une ambiance saisissante, là encore, il retrace un amour impossible.
Jean-Pierre Montal nous promène dans ces deux mondes avec cette élégance qui fait le charme de ses livres. C’est un sentimental dans une époque qui n’aime plus ça. Et puis, il ironise sur les travers d’un siècle auquel il ne semble pas vraiment appartenir, se moque, amusé, de cette société sans imagination, sans esprit. De l’esprit, Jean-Pierre Montal n’en manque pas. Il ose le romantisme. Et, si pour certains c’est un péché, pour d’autres, et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, c’est une bénédiction.
Lisez ! · Minute Lecture - La Face nord, Jean-Pierre Montal