Le code d'Esther : Le livre de Bernard Benyamin, Yohan Perez

Je l’ai lu il y a longtemps et suis retombé dessus à l’occasion d’un réaménagement de bibliothèque. Les auteurs mènent une enquête fascinante sur une possible prophétie contenue dans le Livre d’Esther, un texte biblique vieux de plus de deux mille ans. Le point de départ de leur investigation est une déclaration énigmatique faite par Julius Streicher, un dignitaire nazi, lors de son exécution le 16 octobre 1946. Avant d’être pendu à l’issue du procès de Nuremberg, Streicher s’exclama : « C’est Pourim 1946 ! » Cette référence à la fête juive de Pourim, qui commémore les événements relatés dans le Livre d’Esther, intrigue les auteurs et les pousse à explorer les liens entre ce texte ancien et les événements du XXe siècle. Ça ne parle pas de centrifugeuse… mais impossible de ne pas faire le rapprochement avec stuxnet.

Livre lu dans le cadre de mon défi personnel de lectures 2024, item : "Lire 20 récits, témoignages, essais, enquêtes ou romans sur le thème de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah". Tout le monde connaît Bernard Benyamin, le journaliste, producteur et animateur vedette du magazine hebdomadaire "Envoyé Spécial qu'il coprésentait (sur Antenne 2 puis France 2) avec Paul Nahon jusqu'en 2001. Sa réputation de sérieux et de rigueur le précède. Raison pour laquelle je me suis intéressée à cette enquête "sur la prophétie la plus troublante du XXe siècle" issue d'un très ancien livre de l'Ancien testament, le Livre d'Esther. Ce récit écrit avec la complicité et la collaboration de Yohan PEREZ débute par l'évocation d'un pan intime de la vie de Bernard Benyamin, à savoir ses liens privilégiés avec sa maman et les circonstances dans lesquelles il a eu à vivre son décès et à remplir ses obligations filiales. Dans ce cadre, un jour, il croise dans sa synagogue de quartier Yohan PEREZ. Hasard ou signe du destin ? Celui-ci, le reconnaissant, l'informe d'un projet sur lequel il travaille depuis plusieurs années et pour lequel il aurait besoin de ses compétences - et de ses moyens - de journaliste-enquêteur pour aboutir. A la clé, l'accès à des connaissances que peu connaissent et la possibilité, in fine, de faire un documentaire destiné à être proposé à la télévision. Hasard ou signe du destin ? Immédiatement, la curiosité du journaliste est titillée. Rationnel et pragmatique, il ne peut concevoir, dans un premier temps, qu'il puisse y avoir un lien quelconque entre une prophétie lancée par la reine Esther (épouse du roi de Perse Assuérus), retranscrite dans un ouvrage biblique vieux de 2300 ans et les dernières paroles lancées par un dignitaire nazi Julius Streicher (éditeur antisémite allemand ayant contribué, via son journal, à la circulation de la propagande nazie) au moment de sa mort sur l'échafaud en 1946 . Pourquoi et comment celui-ci pourrait-il être au courant à la fois du contenu de cette prophétie : "Si cela te semble bon, ô roi, qu'il soit aussi permis aux Juifs de Suse d'agir demain comme aujourd'hui, et qu'on pende les dix fils d'Aman à la potence", de la raison d'être de la célébration de la fête juive de Pourim célébrée chaque année les 23 et 24 mars, ainsi que de leurs possibles connexions avec l'histoire du XXe siècle et notamment l'extermination des Juifs par les nazis ? Et l'ouvrage d'être sous-titré : "Et si tout était écrit" sous-entendu, et si le prochain Holocauste à venir (durant la Seconde Guerre mondiale) avait été annoncé et même écrit en filigranes dans ce livre ? Comme si les anciens - désireux de garder trace de la parole d'Esther - avaient couché sur le papier cette prophétie pensant qu'elle avertirait les hommes que le massacre des Juifs tel qu'il avait été envisagé à l'époque d'Esther - et empêché in extremis - allait immanquablement se produire dans d'autres temps lointains... Mais, apparemment, personne n'a été capable durant des siècles de donner un sens à cette prophétie, et donc, contrairement à Esther, de l'empêcher. Bernard Benyamin mène donc l'enquête sur le terrain. A Nuremberg (en Allemagne), en Israël, en Suisse, en Autriche. Peu à peu, ce qui semblait être une élucubration d'un croyant profondément mystique poursuivant une chimère commence à prendre corps dans une certaine réalité. Au contact des religieux, des érudits, des scientifiques et des témoins qu'il côtoie, Bernard Benyamin se trouve contraint à reconnaître - non pas l'évidence - mais pour le moins des coïncidences certaines entre ce qu'il est advenu en des temps très anciens et la réalité du XXe siècle. Ce qui est intéressant, c'est que bien que largement documenté et très érudit (on a un peu de mal à s'y retrouver dans les textes bibliques de référence), l'auteur fait figure de candide et d'avocat du diable, tendant ainsi à ne pas "gober" systématiquement les connaissances qu'on met à sa disposition, à conserver son esprit critique et son libre arbitre... mais aussi, à travers ses questionnements et la nécessité d'obtenir des réponses claires, fait oeuvre de vulgarisation et de pédagogie à l'endroit de ses lecteurs. Il n'en reste pas moins que ce qu'il découvre à la source des connaissances dispensées, des entretiens obtenus, des constats fait sur le terrain, des sources documentaires consultées... est fort troublant. Il n'affirme pas que tout cela est vrai, mais il donne à voir qu'il y a là matière à s'interroger sur les liens potentiels entre la prophétie et l'holocauste perpétré. Après, la porte reste ouverte. A chacun de se forger sa propre conviction en fonction de son éducation, de ses croyances religieuses, de sa disponibilité pour étudier plus avant les sources documentaires proposées. J'ai lu cet ouvrage à toute vitesse tant j'avais envie de savoir, et j'ai apprécié la simplicité avec laquelle il est possible de suivre le cheminement de l'auteur dans ses certitudes, ses questionnements et ses doutes, et dans son ressenti aussi vis-à-vis de sa foi. Je me suis intéressée à l'histoire d'Esther ainsi qu'à la figure de Streicher, dont je méconnaissais l'histoire, son rôle et son devenir. J'ai apprécié les nombreuses références bibliographiques et même si je ne les ai pas utilisés (je ne suis pas familiarisée avec leur utilisation), la présence de QR Codes permettant d'approfondir l'accès aux sources. Je ne sais pas si ce fameux documentaire a été, depuis la publication de ce livre en 2012, réalisé mais en le recherchant je suis tombée sur une courte vidéo de Yohan Perez sur Youtube, dont je vous mets ici le lien : https://www.youtube.com/watch?v=9hWDP7wj8Wo