Les Echappés : Le livre de Renaud Rodier

L'année 2025 commence fort avec, dès janvier, un premier coup de cœur. Les Échappés suit 5 personnages principaux issus de contextes très différents dont les chemins se croisent, se séparent, se suivent en parallèles... Les personnages sont tous attachants et complets, ce qui n'est pas forcément évident puisque 5 personnages à aborder et à construire en une centaine de pages chacun peut sembler plutôt court. Mais le fait que chaque personnage vive à travers les parcours des autres fait qu'on a l'impression de ne jamais perdre complètement un personnage. Personnages qui sont vraiment l'atout numéro du roman selon moi et participe à la constitution d'un tableau complexe, vivant et organisé de multiples relations. J'ai trouvé l'écriture très immersive et poétique. On sent vraiment une maîtrise de la narration par l'auteur. Les décors sont très variés avec un vrai voyage autour du monde. Les personnages prennent le temps d'être construits, développés, affinés. L'auteur arrive à garder un entre-deux entre l'explicite et l'implicite très plaisant puisque le lecteur ne se contente pas d'être spectateur, il participe en tentant de comprendre au fur et à mesure les liens qui unissent chacun des personnages et la manière dont les trajectoires de ceux-ci peuvent se croiser. Je n'ai jamais été perdu une seule fois dans le roman, parvenais toujours à retrouver l'histoire d'un personnage très rapidement dès lors que l'histoire retournait sur lui. Le roman se lit très facilement et rapidement : le fait que chaque personnage renvoyait à une étape-clef d'un autre personnage rendait le récit très accrocheur et donnait envie d'en lire toujours plus. Je remercie l'équipe Babelio et Pocket pour cette très belle découverte d'un livre qui devrait (très probablement) intégrer mon top 3 de l'année !

J’ai beaucoup aimé ce premier roman : je l'ai lu comme le roman d'une génération. Renaud Rodier peint un portrait émouvant et dense de quatre personnages qui sont plutôt des anti-héros. Tous nés dans les années 80 dans des milieux et des lieux très divers et parfaitement campés, tous ont une enfance fracassée. Tous à leur manière cherchent le salut (et l’âme sœur) en prenant la fuite le plus loin possible. Ces quatre narrateurs en alternance nous baladent ainsi sur tous les continents, ce qui leur arrivent est surprenant de sens et de profondeur et bien sûr les destins se croisent, le dénouement est passionnant, l’intrigue est certes compliquée mais la langue est fluide, simple, et belle, l'ensemble laisse au lecteur la douce impression d'être enfin arrivé au bon endroit après un long voyage.

« Les Echappés » est un roman choral, un pont qui mène hors du temps et de l’espace. Il nous conduit vers Lauren, Emilie, Aashakiran, Aaron, Nathaniel, Kip et Harry , des âmes sœurs égarées qui ne se connaissent pas mais qui seront irrémédiablement attirées l’une vers l’autre tel des aimants. Ils se sont tous donnés rendez-vous au carrefour de la vie, que cela soit de manière directe ou indirecte. Leurs destins sont liés, les uns ne peuvent être et exister sans les autres. Chacun de leur geste ou mot fait écho aux autres, de manière parfois dissonante. A travers ce roman choral, ces « échappés » (ou plutôt ces égarés) vont devoir apprendre à se reconstruire après des traumatismes et expérimenter la notion de résilience. Mais comment se reconstruire alors que l’on est ne s’est pas encore construit ? Ce livre est une véritable quête de soi, un voyage initiatique, une plongée à l’intérieur de son corps et son être pour arriver jusqu’à l’âme. Tout est extrêmement bien ficelé et bien pensé. Ce que l'on pense être vrai peut s'avérer trompeur. Ce roman fut telle une épopée de par son écriture musicale qui a touché mon cœur et parlé à mon âme. Les mots sont justes et poétiques, méticuleusement choisis. Je n’ai qu’un seul mot à dire: merci #x2764

#127795;Chronique#127795; « Au début, j’ai pourtant bien essayé de garder la notion du temps. » Et puis, je l’ai perdue, cette fameuse notion. Dans ces pages, avec ces personnages. Ils m’ont happé. Envoyée dans un autre espace-temps, où on peut (se) questionner le chaos, la destinée, les ponts entre ces deux concepts. Et je crois que le temps n’a plus été une donnée, mais une valeur. Quelque chose qui prenait du sens, quand je les ai vu fuir, échapper, prendre leurs destins en mains. Ils sont là, avec leurs solitudes à se débattre avec leurs manques. Et moi je ne pouvais pas les quitter. C’est devenu des amis de papier, parce qu’ils ont l’audace de me montrer leurs cœurs. Même ravagés, ils n’en restent pas moins, attachants. Et mon temps, je le voulais à leurs côtés. Je voulais comprendre comment on s’arrache à soi, aux autres, au chaos. Comment on se débrouille dans la tragédie, la maltraitance, l’exil. Comment on devient quelqu’un, quand tout dans ce monde nous ramène à notre insignifiance. Et puis, j’avais besoin de réfléchir autour de ces dynamiques abordées par Renaud Rodier, et sur cette façon de se réécrire dans le chaos. Il est trop facilement établi qu’on est la somme de nos géniteurs, prisonniers plus ou moins consentis de nos passés, conditionnés par nos blessures d’abandons, de rejets ou d’injustices, mais, avec cette lecture, peut-être pas tant que cela, et c’est certainement ce que j’avais besoin de voir, ce possible échappatoire. Recouvrer la vue comme Nathaniel, mieux regarder en face l’amour et ses aléas, remettre dans la lumière, la force du moment présent, voir qu’à tout âge, le changement est envisageable. Ce roman choral nous présente huit personnages en quête de leurs origines, d’un amour, d’une vérité qui ne se laissent pas si facilement débusquer. Il va leur falloir beaucoup de volonté, de force et de détermination pour se rêver, se transformer, se réaliser. Mais la question que je me suis posée en les suivant dans leurs aventures personnelles, c’est comment pourraient-ils savoir ce qu’ils veulent vraiment, alors qu’ils ne savent pas qui ils sont? Les silences sont à interpréter. Les blessures sont à refermer. Tout est à reconstruire puisque la vie est ainsi, chaotique, imprévisible, fatale. Rien n’a de logique dans le hasard, et pourtant, ils se rencontrent. Ils se rencontrent, et ça change. Ça change leurs points de vues, leurs ancrages, leurs perspectives. Ça change leurs pensées, aussi. Ça change tellement tout, qu’ils deviennent autre chose. Les échappés de leurs propres vies, mais les acteurs de leurs nouvelles versions d’eux-mêmes, plus authentiques. Et à la fin, c’est la logique qui nous ramène sur ce pont. Qui nous ramène à bon port. Qui nous ramène à l’essentiel. « J'aurais aimé savoir ça avant d'atterrir ici - qu'au bout du bout, la vie humaine se mesure en souvenirs. » Je mesure la chance d’avoir pu voyager, aimer, regarder, ressentir avec Lauren, Kip, Aaron, Émilie, Nathaniel, Aashakiran, Harry…Je vais garder longtemps le souvenir de leurs éclats. Avec eux, j’ai pu voir le ciel et la mer, un miracle et une sirène, des étoiles et des paillettes, des rendez-vous pris et les manqués...J’ai retraversé avec eux les couloirs du temps, avec des drames qui nous ont tous touché de manière irrémédiable. On sait les ravages du terrorisme, de la mondialisation, des inégalités à l’international. J’ai pu voir aussi l’amour sous toutes ses formes, comment l’auteur l’emmène à dépasser les frontières, les conventions, le chaos ambiant. Je reconnais que je ne reste pas insensible à l’idée d’écrire sa vie et de trouver son livre, de collecter de si belles choses qu’on pourrait les graver en nous, comme le si joli mot « daya », de faire des rencontres qui redéterminent en profondeur, la personne que l’on est, comme par magie. Et au bout du bout, avant que tout ne foute le camp, se rappeler de vous dire, que ce livre est un coup de cœur.