Un amour fou : Le livre de Catherine Hermary-Vieille

Le 20 octobre 1496, Jeanne de Castille, Infante d’Espagne, fille des Rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, et Philippe, souverain des Flandres, fils de Maximilien de Habsbourg, se marient près d’Anvers. Au premier regard, Jeanne tombe follement amoureuse de son beau mari. Les premiers mois les voient s’épanouir dans une grande passion, mais très vite, Philippe, homme joyeux et volage, va se fatiguer de l’adoration que lui porte sa femme et se détourner d’elle pour prendre du bon temps dans d’autres lits, la rendant folle de douleur et de jalousie. Elle va donner naissance à plusieurs enfants, dont Charles, le futur Charles Quint. Ce livre est une plongée vertigineuse dans l’époque et les mœurs des cours européennes des XVe et XVIe siècles, un voyage en Espagne et dans les Flandres, l’autrice va nous faire assister à la descente aux enfers de Jeanne qui ne cessera d’aimer son mari à la folie au sens littéral du terme. Philippe et Ferdinand, à la mort de la reine Isabelle, ne cesseront de se disputer le trône de Castille dont le titre revient à Jeanne, mais qu’ils veulent écarter du pouvoir pour cause de folie. Jeanne restera connue dans l’histoire sous le nom de Jeanne la Folle, mais ce sobriquet la reflète-t’elle vraiment ? Ses comportements ne sont-ils pas plutôt liés à la jalousie extrême et à son amour fou pour son mari qui va la malmener, la mépriser et l’enfermer, dans un château près de Bruxelles, puis, lors de leur voyage pour prendre possession du trône à la mort de la reine Isabelle, dans le château de Tordesillas où elle finira ses jours, entourée de gêoliers plutôt que de sa cour. Ce roman se lit comme un thriller psychologique, la lecture est oppressante, j’ai souffert pour Jeanne qui sera toute sa vie écartée et manipulée pour des raisons politiques, religieuses, sacrifiée sur l’autel des ambitions et de l’orgueil. Ce terrible destin de femme est touchant, malgré sa froideur, sa personnalité introvertie et ses emportements, Jeanne passera avec ardeur d’un amour démesuré pour son mari à la haine, de nouveau à l’amour au point de refuser d’admettre sa mort et de l’enterrer. La plume sobre de l’autrice raconte élégamment les jeux de pouvoir, les guerres intra européennes, la tension installée dans les relations de Jeanne avec ses contemporains,; si je peux lui reprocher quelque chose, ce sont quelques longueurs. Je retrouverai avec certitude cette écrivaine car j’ai déjà noté un autre livre d’elle qui me fera revenir à la cour de Louis XIV et à l’affaire des poisons, La marquise des ombres, qui retrace l’histoire de la marquise de Brinvilliers.