Les courants de l'espace : Le livre de Isaac Asimov

Les courants de l’espace est un court roman ou une longue nouvelle, c’est selon, avec un peu plus de 200 pages en format poche. C’est un roman jeunesse qui est devenu adulte avec le temps et a été intégré au cycle de Trantor. A lire après Tyrann et avant Cailloux dans le ciel. Il est en deuxième position car, c’est la première fois, dans l’histoire du futur, d’Asimov lu de façon chronologique, qu’apparaît la planète Trantor. Elle est en train de constituer un empire et tisse sa toile à travers la galaxie grâce à un réseau d’ambassadeurs doués et roublards. Ce roman est certes moyen pour un Isaac Asimov, mais reste quand même, dans la production des années 1950, comme du haut voire du très haut de gamme. Beaucoup des thèmes chers au docteur sont traités : la géopolitique, la manipulation de l’histoire, l’exploitation des hommes, le racisme ordinaire, les discriminations, la guerre économique. Et comme toujours chez Asimov, l’action, ici assez présente, n’est qu’un prétexte à la réflexion et les dialogues d’affrontements de points de vus, avec argumentation solide, entre personnages intelligents constituent l’architecture du roman. La planète Florina produit le kirt, un textile d’une qualité absolument exceptionnelle, tiré d’un coton hybridé venue de la Terre. Mais sur Florina, cette plante, comme un miracle donne un textile d’une perfection absolue. Aucune autre planète de la galaxie ne réussit à produire une telle qualité et la possession de cette planète permet à quelques familles d’être parmi les plus riches de la galaxie. Or ces familles ne sont pas floriniennes, elles viennent de Sark, une planète voisine qui en a fait la conquête il y a longtemps et l’exploite sans aucune pitié pour les habitants locaux. Elle a mis en place un système de castes où les Floriniens sont des intouchables, discriminés, méprisés, exploités. Dans ce contexte, un personnage énigmatique surgit. Il est amnésique, Rik, travaille dans les exploitations de kirt, protégé par Lona, une paysanne un peu marginale. Rik, retrouve quelques brides de mémoires, mais semble aussi sous surveillance. Lona le conduit à la ville proche, mais son action provoque un enchaînement de circonstances qui la font entrer en contact avec la résistance florinienne et la police politique de Sark. Pendant ce temps, l’ambassadeur de Trantor aimerait bien savoir ce qu’il est advenu d’un scientifique terrien, qui aurait appris la destruction prochaine de Florina. Mais par quoi ? Et pourquoi a-t-il disparu ? Si nous, lecteur, on sait depuis le début, que ce scientifique est Rik, que lui est-il arrivé ? Qui est responsable ? Et quelle est cette catastrophe cosmique qui pourrait détruire une planète entière ? Les enjeux géopolitiques sont très important. Comment doivent réagir les clans capitalistes qui tiennent la planète Florina sous leur poigne de fer ? N’est-t-on pas en présence d’un complot qui viserait à faire passer Florina du joug de Sark à celui de Trantor ? L’originalité de ce roman dans l’œuvre d’Asimov, c’est qu’il multiplie les points de vue. En général, deux, trois personnages racontent leurs expériences. Ici, on est à neuf. Ça fait un peu beaucoup, et parfois, cela ralentit la progression de l’intrigue. Toutefois, la lecture est rapide et ne prend pas plus de trois, quatre heures. Si le rythme est au début assez lent, pour bien présenter la situation qui est, après tout pas si simple que ça, il s’accélère à partir du moment où Lona et Rik se rendent en ville. A ce moment là, on est vraiment pris pas l’action et par les enjeux de cette révolte et de cette catastrophe concomitante. Le roman traite aussi, à destination des plus jeunes, donc, de façon moins subtile que d’habitude chez l’auteur, du racisme lié au capitalisme pour exploiter une population jugée inférieure. Ce racisme, ces discriminations, sont souvent l’élément qui fait avancer le récit. Car les exploités et les exploiteurs réagissent en fonction de cette situation, pensent et réfléchissent en fonction de cette situation jugée évidente. Un roman, certes mineur dans l’œuvre d’Asimov, mais qu’il est toujours agréable de lire ou de relire.