La chambre des officiers : Le livre de Marc Dugain

Mobilisé dès le début de la guerre de 14-18, Adrien est blessé au visage dans les Ardennes. Il est rapidement rapatrié sur Paris. La guerre est finie pour lui, il n’a pas combattu. Une autre bataille s’engage. Une reconstruction. Très bouleversée par ce livre. Aucun de mes ancêtres n’a été défiguré durant la grande guerre. Un de mes parents a été défiguré dans un accident de voiture. Jamais aucun récit ne pourra faire ressentir aux autres ce qu’un blessé peut endurer. Ce huis-clos est prenant. Comment ces hommes essaient de survivre, comment ils voient leur avenir, comment ne pas sombrer et commettre irréparable qui serait (qui est) une délivrance pour certains. La lecture est facile, à la portée de tous mais ce qu’elle raconte est puissant. A lire, en mémoire de tous ces hommes et femmes.

Il m'aura fallu 40 ans pour enfin plonger le nez dans les livres de guerres. Il était temps! Ici nous sommes en 1914 et confrontés à une guerre de tranchées avec les allemands. Les affrontements font de nombreux morts mais également des survivants à la "gueule cassée".. On suit le destin de l'un d'entre eux : Adrien, et de ses amis dans un combat difficile, jalonné d'opérations, de regards de dégoût, d'amitiés extraordinaires, d'amours perdus.. Un visage de cette 1ère guerre mondiale que je ne soupçonnais pas.

Certains thrillers sont réservés à un public averti. Ici, pas de mise en garde, Marc Dugain, enfant, a passé ses vacances dans un château, au milieu de visages monstrueux revenus de la première guerre, dont celui de son grand-père maternel. C’est l’histoire réelle et dure de cet aïeul qu’il nous romance sans concessions. La peinture de la couverture de l’édition de poche donne la couleur sombre du livre. Peut-être avez-vous vu le film fidèle au roman ? Si vous n’avez pas ces références : “Voyons voir. Destruction maxillo-faciale…Béance totale des parties situées du sommet du menton jusqu’à la moitié du nez, avec destruction totale du maxillaire supérieur et du palais, décloisonnant l’espace entre la bouche et les sinus. Destruction partielle de la langue. Apparition des organes de l’arrière-gorge qui ne sont plus protégés. Infection généralisée des tissus meurtris par apparition de pus.” Vous avez l’image ? Adrien Fournier n’aura pas connu la guerre, touché par un obus à sa première mission. Il passera le conflit dans “La chambre des officiers” du Val de grâce, d’opérations reconstructrices en greffes pour restaurer le palais et lui permettre de recouvrer la parole. La perte de l’odorat et du goût sont inéluctables. Mais plus que ces manques, c’est l’image de soi d’une “gueule cassée” qui sera le drame d’un jeune homme. La tentation du suicide est comme une ombre portée sur ce récit mais “Je n’ai pas eu le courage de me suicider. J’ai eu le courage de ne pas me suicider.” dit-il. “Ce n’est pas l’image de ma mère, ni celle de mon grand-père qui m’empêche d’appuyer sur la détente. c’est simplement l’idée que je suis en train de terminer un travail commencé par les Allemands.” Le romancier nous livre aussi une scène poignante de retrouvailles avec celle qui l’avait quitté alors qu’il avait une tête séduisante et le prestige du futur héros, celle avec qui il avait partagé la dernière nuit de paix (cf. citation). C’est une scène à faire pleurer comme le sont les scènes d’amours contrariées. Sur la quatrième de couverture, Jérôme Garcin parle d’un style “simple et sanglé”, je ne vois pas la référence mais le style prenant et touchant sert un grand récit.

Alors que la première guerre mondiale éclate, Adrien, jeune officier, est envoyé en mission de reconnaissance sur les bords de la Meuse. Un éclat d'obus le défigure et l'oblige à passer cinq longues années dans une chambre d'hôpital aux côtés d'autres gueules cassées, avec l'espoir de retrouver un visage et une vie civile. Entre désillusions, opérations à répétitions, espoirs et profonde amitié, il va apprendre avec ses compagnons d'infortune à s'accepter et à affronter le monde en dehors de cet hôpital dans lequel il se sent en sécurité, loin du regard des autres. Il cherchera également à retrouver une femme dont il est tombé amoureux la veille de son départ et qui hante ses pensées depuis. Mais acceptera-t-elle de voir au-delà de l'apparence d'Adrien ?! Un très beau roman qui fait honneur aux poilus, à tous ces hommes qui sont partis en guerre un été de 1914 pour n'en revenir que quelques années plus tard, traumatisés et souvent défigurés. Malgré le propos difficile, l'auteur sait ajouter des touches d'humour à ses personnages qui, au lieu de se morfondre, décident de vivre et d'aider ceux qui, comme eux, ont perdu le goût de la vie en perdant leurs visages. C'est un roman très différent de ceux que l'on peut lire habituellement et qui relate en général de la vie dans les tranchées (à lire et à faire lire également car il ne faut jamais oublier). Ici, il est question de reconstruction, d'acceptation et d'espoir pour ces jeunes garçons devenus soldats bien malgré eux dans une guerre qui n'était pas la leur et pour laquelle ils ont pourtant fermement défendu leur pays, au prix de leurs vies pour plusieurs millions d'entre eux. Il était destiné à rester un témoignage familial à la mémoire du grand-père de l'auteur et c'est pourtant un très beau livre qu'il aurait été dommage de ne pas faire découvrir.