Le pays où vont mourir les rêves - tome 1 1898-1919 : Le livre de Olivier Cojan

Par cette immense fresque romanesque, Olivier Cojan s'appuie sur la grande histoire de France pour nouer les destins de deux familles, au cœur de la campagne dans les environs de Dreux. L'une industrielle, les Franquin et les Gautron, dirigée par le chef de famille Étienne, l'autre paysanne, les Cochereau et les Callac voit ses enfants partir à l'usine Franquin ou au service de la famille de l'industriel. Les trahisons, les liaisons amoureuses, les conflits familiaux, les enfants illégitimes, la passion, l'humiliation, dessinent un tableau grandiose sur fond de syndicalisme, de conservatisme, de bolchevisme, d'antisémitisme et de lutte des classes. Cette lecture n'a pas été sans me rappeler la saga de Ken Follett, "Le siècle", et de celle de Marie Laberge, "Le goût du bonheur", teintées de l'ambiance de révolte de "Germinal" de Zola. L'appât insatiable du gain pour les uns, la liberté, l'humanité et la justice pour les autres semblent rythmer la vie de la multitude des personnages. Pourtant, le monde, à l'époque comme aujourd'hui, n'est pas régi par la fatalité. Il ne se scinde pas en deux de façon si drastique. Les "riches" et les "pauvres", s'ils évitent de franchir les barrières de leur caste par la rigidité des codes sociaux du début du XXe siècle, se côtoient quotidiennement, le travail des uns assurant le train de vie des autres. C'est ainsi que deux jeunes garçons vont tracer l'un des fils rouges de cette saga. Hubert Franquin et Joseph Callac se lient d'une amitié indéfectible. Malgré la colère de leurs aînés (on ne mélange pas les torchons et les serviettes), l'Indochine, la Grande Guerre, meurtrière entre toutes, leurs amours, la hiérarchie militaire, aucune pression ne peut briser leur lien. Devant le nombre impressionnant de personnages, il serait un peu difficile de s'y retrouver si l'auteur n'avait pas pris soin de munir son volume d'une liste complète des membres de chaque famille ainsi que les liens entre eux. De plus, chaque sous-paragraphe est titré du nom de celui dont il va dérouler un épisode de sa vie. Ainsi, plus aucun souci pour suivre le destin plus ou moins complexe de chacun. Ayant traversé l'hécatombe des tranchées, puis celle provoquée par la grippe espagnole, je vais m'octroyer un intermède dans un autre univers avant de replonger avec délice dans la seconde période de ses familles fières, souvent bouleversantes, avec le volume suivant, "Le pays où les rêves prennent vie". Je me prépare à affronter le deuxième conflit mondial avec son cortège de tragédies, mais aussi de petits et grands bonheurs, évoqués par la plume magistrale d'Olivier Cojan.