Les Souffrances du jeune Werther : Le livre de Johann Goethe

Magnifique livre sur l’amour impossible d’un jeune homme charmant et cultivé, un dandy je dirai. Les mots et les phrases sont toutes plus belles les unes que les autres, un vrai plaisir à lire. Une leçon de romantisme. Attention à la préface de Pierre Bertaux qui m’a bien « spoilé »!

A ma connaissance, deux oeuvres poussent au suicide: celle-ci, qui aurait lancé une grande vogue de suicides par amour lors de sa sortie, et Gloomy sunday, une chanson hongroise des années trente remastérisée/ trahi par le jazz US, qui aurait vu le Danube charrier de nombreux noyés. Dans les deux cas, la mort est choisie par dépit d'aimer sans être aimé en retour. Werther adopte une forme épistolaire à l'instar des liaisons dangereuses (c'était la mode) et montre peu à peu la décomposition du jeune homme de 17 ans devant le déséquilibre des échanges avec son aimée. Légende ou pas, c'est peut-être ce réalisme du courrier qui nous met de plain pied avec la douleur de Werther. Pour ma part j'ai beaucoup aimé sans retour, souffert et fait souffrir, et j'attends encore, on verra bien.

Wilde écrivait dans le portrait de Dorian Gray que la meilleure façon de résister à un penchant, c'était d'y céder pleinement. Le jeune Werther, lui, y a absolument succombé. Chuté raide comme un pivert dans les affres d'une passion à sens unique, de celle qui flambe tout sur sa traversée, abandonnant son possesseur déplumé, calciné par le brasier d'un amour vain. On peut affirmer sans circonlocution que Charlotte est une créature ravissante. La première fois qu'il la verra, c'est le coup de tonnerre, de celui qui ne frappe qu'une unique fois. Une physiologie gracieuse, une bonté d'âme qui déborde, qui transparaît, des yeux noirs à faire trembloter les parois du cœur. Elle est la velouté personnifiée. Cependant, dès le coup d'envoi, Werther, ce peintre dilettante sensible à la nature et à l'esthétique des mots, sait que cette histoire est vouée à l'insuccès. Qu'elle se ralliera à retrouver ces compagnes dans le désert des ardeurs non consommées parmi les cactus, sa dulcinée étant promise à un autre. Cela n'empêchera pas notre artiste de s'y lancer à corps perdu, d'espérer, d'attendre. Il est semblable à ce type qui attend un train SNCF qui ne viendra jamais, mais qui souhaite quand même se hisser à l'intérieur. Rédigé en 1774, ce classique de la littérature allemande est touchant par la justesse de ses propos. Werther est un être libre, inapte à se courber aux règles de la société et de la bienséance, et en dépit de sa détresse émotionnelle qui prend intégralement toute la place, il reste d'une clairvoyance déconcertante.