Une minute de silence : Le livre de Siegfried Lenz

Il est des récits loin du bruit, de la foule, des petitesses du quotidien. Des livres dont la délicate puissance imprègne doucement le coeur d'une mélancolie dont on sait en achevant de lire les dernières lignes qu'elle donnera à l'oeuvre une place à part dans vos souvenirs de lectures. Une place qui est celle d'une petite cabane secrète, sur une plage, avec pour seul horizon une mer pâle et pour seul bruit le cri des mouettes. Ce court roman alternant passé récent et présent traite d'une double initiation pour le jeune narrateur : l'amour qui consume l'âme et le deuil laissant un impossible futur se diluer dans l'eau salée de la mer. L'usage tantôt du "elle" tantôt du "tu" permet de saisir combien l'intimité côtoie le mystère, combien la personne aimée follement reste étrangère malgré les moments partagés. L'écriture se montre fluide, délicate, d'un lyrisme pudique. J'ai refermé ce livre en pensant à ce que j'avais éprouvé, et je ne dois pas être le seul !, à la fin du sublime film de Clint Eastwood : "Sur la Route de Masison", une émotion intense qu'on aimerait partager mais dont on sait qu'elle est indicible.

Merci aux internautes de Babelio qui m'ont fait découvrir ce très joli roman allemand dont je n'avais jamais entendu parler. Vos avis élogieux m'ont convaincu de le lire, et j'ai bien fait. Un texte sobre et puissant, porté par une écriture d'une grande poésie, qui glisse insensiblement du passé - le temps d'un été radieux - au présent, le moment du deuil qui ne peut pas être vécu ouvertement. Il y a tout dans ce court roman : la force du premier amour, le poids du secret et de l'interdit, la beauté, la grâce, mais aussi la douleur. Il n'y a aucun mot de trop. Sur un sujet qui n'est certes pas nouveau en littérature - l'amour entre un tout jeune homme et une femme un peu plus âgée, sa prof en l'occurrence - Siegfried Lenz nous offre de merveilleuses pages de littérature.