Apprendre à se noyer : Le livre de Jeremy Robert Johnson

Ce texte semble avoir été écrit pour être lu en public. C'est l'histoire d'un homme et de son fils, en Amazonie. Ils pêchent. La journée était belle et s'annonçait bien. Et la pêche ne se passe pas comme prévue. L'attaque d'un poisson (considéré sur le long terme comme un requin-taureau) va emmener l'homme sur un chemin sombre, un chemin qu'on emprunte tous j'imagine à la fin de notre vie. Ne cherchez pas d'espoir dans ce livre, il n'y en a pas. Il y a de la lumière, ce n'est pas uniquement un livre déprimant, sombre, ténébreux. Mais cette lumière n'apportera aucun réconfort, le lecteur ne sera pas sauvé. C'est un livre qui raconte la violence avec une certaine élégance, qui cherche la beauté cachée derrière le sang et l'horreur de la nature. La nature et sa brutalité y sont permanentes, présentes comme des personnages. Mais le passage le plus réussi est bien la première partie. Lorsque l'incident se produit, les moments décrits où l'homme se lamente sur sa femme, sur sa réaction, qu'il ne pourra supporter lorsqu'elle apprendra la mort de leur enfant sont remarquables et vont droit au cœur. L'auteur y fait preuve d'une sensibilité assez rare, et ce, sans sur-écrire la chose. Comme l'homme on redoute l'anéantissement du cœur de la femme à la découverte du drame et l'on se prend à accepter sa fuite en avant dans la jungle la nuit. Le tout brille par une sensibilité à fleur de peau et juste simple, humaine. Malheureusement le texte retombe dès que le fantastique et le surnaturel apparaissent. Un côté brouillon s'installe, l'inconnu prend les commandes du récit, les émotions de l'homme sont relayées presque à néant et il m'a été impossible de ne pas décrocher. Ce passage avec La Cuja, "sous terre", sans être désastreux reste bien plombant. Même s'il rempli sa fonction de donner de l'espoir au lecteur, on se dit que peut-être tout cela n'a été que l'emportement de l'homme face à la peur. Peut-être que l'enfant est vivant quelque part, blessé, mais bien en vie. On revient vite sur terre. Heureusement le final rattrape le fil du texte in extremis, et ne termine que dans une profonde tristesse, mélancolie, injustice pour l'homme et son enfant. Même pour le poisson à vrai dire. Un petit livre inégal mais très touchant.