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La vérité sur ces personnages malmenés par la mémoire !
Publié le 06/06/2024 , par First Editions

Les pages de l’histoire de France sont remplies de mythes et légendes, plus ou moins proches de la réalité. À qui la faute ? Des écrivains pour qui la vraie histoire manquait de piquant, des hommes qui voyaient d’un mauvais œil la présence de femmes dans les lieux de pouvoir, des bédéistes, scénaristes et réalisateurs souhaitant apporter un petit peu de frisson à leur audience… Tout cela fait de la bonne fiction, mais n’est-ce pas juste cela : de la fiction ? Pour le savoir, suivez Jean-Joseph Julaud dans un voyage dans le temps, loin de ces fake news de l’histoire. Découvrez 50 personnages et moments historiques malmenés par la mémoire, des Gaulois à la Seconde Guerre mondiale !
Molière a-t-il vraiment vécu dans la pauvreté, errant de village en village avec sa troupe ?
Oh ! le pauvre apprenti comédien qui s’en va faire ses classes en province ! Presque chassé par son père qui n’approuve pas sa vocation, le voici jeté sur les routes avec ses pauvres compagnons de scène, sans le sou. Tourmenté dans ses libres amours, il va parcourir la campagne profonde, sillonner la France en poussant lui-même souvent la roue de la charrette où s’entassent les décors de l’Illustre-Théâtre ! Mais il croit en son destin, lui, Molière, Jean-Baptiste Poquelin.
D’ailleurs, savez-vous d’où vient ce pseudonyme ? Eh bien, de source sûre, ou presque, mais d’autres plus sûres encore l’ont confirmé : le roi Louis XIV lui-même, qui ne détestait pas se produire sur scène, aurait écrit avec Poquelin ses pièces, d’où ce pseudonyme, Moi-le-roi, Mo-liè-re… Stop !
Le coupable : Grimarest
« Votre savoir n’est que pure chimère », chante la bergère dans le prologue du Malade imaginaire de Molière. Et ce savoir-là qui nous présente l’illustre comédien en quasi-miséreux nomade se mêlant au peuple souffrant et indigent avant de briller à la cour n’est qu’invention reposant sur le fantasme fort populaire de celui « parti de rien qui réussit ». Sur quoi donc reposent ces contes bizarres qui dressent de Molière un portrait qui n’a presque rien à voir avec celui qui nous a tant fait rire et réfléchir ? Faisons d’abord comparaître le principal coupable : Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest (1659-1713). On ne sait trop pourquoi ce polygraphe s’est attelé à l’écriture de la biographie de Molière, la publiant en 1705, trente-deux ans après la mort du comédien. Cette biographie est un tissu d’inventions, d’anecdotes créées pour divertir, d’interprétations gratuites, de mensonges : Molière, toujours malheureux dans ses amours, trompé, misanthrope jusqu’au bout des ongles que prolonge sa plume vengeresse, se serait inspiré de ses mille et une infortunes pour bâtir ses intrigues !
Un mythomane et deux romanciers
Ajoutons à cela le mythe du pérégrin, du migrateur, de l’errant flamboyant qui suit sa bonne étoile et nargue le sédentaire fasciné, lui, par cette liberté qu’il voit filer vers l’horizon, et dont il rêve. Et l’on trouve tout cela dans Le Roman comique de Scarron (1610-1660) picaresques aventures, bouffonnes et facétieuses, de comédiens ambulants qui arrivent au Mans ; beaucoup plus tard, Théophile Gautier (1811-1872) nous livre son Capitaine Fracasse, pastiche inspiré du Roman comique, se déroulant à la même époque. Le Molière installé dans l’imaginaire populaire croît sur le terreau des œuvres de ses trois inventeurs : un mythomane (Grimarest) et deux romanciers (Scarron et Gautier).
Jean-Baptiste Poquelin, qui signe Molière en 1644, fils d’un tapissier du roi, tire son pseudonyme d’un mot très courant à l’époque, et qui évoque une carrière de pierre, la meulière, transformé en mollière ou molière pour désigner des lieux-dits. Il fallait en ce temps-là que chaque comédien se trouve un nom de scène facile à retenir, populaire et évocateur. Molière était un passe-partout qui est arrivé sans mal jusqu’à nous.
Le vrai Molière
Molière jouant avec sa troupe dans les petits bourgs et les villages en gagnant quatre sous ? Non. Poquelin et les siens sont protégés par de hauts personnages : Monsieur, frère du roi, le prince de Conti, et ils jouent en des lieux confortables, châteaux, vastes propriétés dont les occupants comprennent la langue utilisée à la cour. La ruralité profonde ne comprendrait rien à cette langue de prestige, elle utilise des milliers de patois différents.
Lorsque l’Illustre-Théâtre arrive dans une ville, il est logé dans les meilleures maisons, et il attend que soient livrés par les déménageurs grassement payés meubles et décors qui ont voyagé par les chemins, alors qu’eux sont arrivés la plupart du temps par le coche d’eau, bateau paisible, cher et confortable.
Troupe de la dèche et des haillons ? Voyons ! Les sommes recueillies par Molière, Béjart et compagnie sont impressionnantes. Elles viennent pour partie des entrées – une entrée n’est pas à la portée de toutes les bourses, elle coûte à l’époque environ dix euros, une petite fortune – et des subsides accordés par les « protecteurs » à divertir, ou par les États du Languedoc, par exemple. Et cela atteint l’équivalent aujourd’hui de dizaines, voire de centaines de milliers d’euros.
C’est un choc, n’est-ce pas ? Sachez, lecteur commotionné, qu’il existe aujourd’hui de très récentes biographies de Jean-Baptiste Poquelin, fondées sur d’authentiques documents, et non plus, heureusement, sur de vraies divagations. Molière génie joyeux aux dons prodigieux vous y attend.
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