Prix littéraire
Thibault Trameson est finaliste du Prix Jean Anglade 2025
Publié le 27/02/2025 , par Presses de la cité

Découvrez Thibault Trameson, notre finaliste 2025 :
Je me présente toujours et avant tout comme Berrichon, natif d’un petit village rural situé en rebord de la vallée de Germigny, fils d’une famille de paysans. Ayant une appétence première pour la botanique, le parfum et les contes, j’ai lentement cheminé vers la voie du paysage. Mon entrée à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles a permis de faire le lien entre tous mes intérêts. Aujourd’hui architecte paysagiste, j’adjoins à ma pratique professionnelle celles du dessin, de la peinture et du récit. Du pays paysan au paysage, le glissement phonétique reste subtil. Il n’en va pas de même pour la révolution du point de vue. Ainsi, cet itinéraire devait-il relever d’une seule coïncidence ?
Découvrez Nobilis umbra :
Le deuil de l’enfance, voilà sans doute la chose que je rechignerais toujours le plus à faire. Cela fait pourtant des années que je tourne autour du sujet : dessins, peintures, poèmes, chorégraphies, scénographies et réflexions diverses. Ces différentes recherches n’auront finalement eu qu’une seule issue, m’en faire rendre compte. Après plusieurs années de travail, cela devait aboutir à ce texte, Nobilis umbra. J’ai d’abord pensé à une erreur. Ma rencontre avec la littérature ayant été tardive, elle n’avait donc jamais joué de rôle décisif dans ma vie, elle ne m’avait jamais épaulée. La littérature, non ; mais le récit, oui.
Fils d’une famille de paysans, l’amour de la terre lourde et récalcitrante ainsi que la passion pour l’irrévérence de la végétation des bouchures ont toujours sommeillé en moi. Mais ce que j’aime vraiment en Berry, ce sont ses mille cachettes que je connais si intimement et au creux desquelles je peux disparaître à loisir. J’aime me dire que, paradoxalement, je n’aurais jamais pu pleinement comprendre l’ensemble de mon attachement à ces paysages comme aux personnes qui les façonnent sans avoir eu la chance de pouvoir prendre du recul, et peut-être même de les avoir momentanément oubliés. Dire qu’il m’aura fallu venir à Paris pour connaître la province, moi qui n’avais jamais rien respiré d’autre que l’air coincé entre ces quelques villages. Mais une chose encore m’est apparue plus nettement, et m’a fait plus de mal, c’est de constater les ravages dont ces paysages agricoles font encore l’objet.
Je vis maintenant en ville, et suis employé dans une agence en tant qu’architecte paysagiste. C’est peut-être cette distance qui m’a permis d’écrire. Je ne m’étais cependant pas totalement dévêtu des fables de mon enfance, elle dont les souvenirs heureux me manquaient tant. Le deuil qu’il est socialement exigé de réaliser de cette période me saigne toujours autant, moins peut-être depuis que j’ai réussi à le comprendre en écrivant à son sujet. Nobilis umbra vient donc de loin, elle vient du Berry, elle a commencé à poindre là-bas, et elle y fleurissait, cachée quelque part au creux de la nuit. Le chemin a été long pour parvenir jusqu’à elle. D’ailleurs, avais-je réellement conscience que je la cherchais ? Et l’ai-je seulement aperçue ? Entre nous, je n’espère pas ; pas tout de suite. Et c’est ainsi que je viens vous présenter ce texte, celui qui m’a permis d’effectuer un bout du chemin ; chemin fabulé, menteur en apparence, mais dans le fond si sincère.