Rouille : Le livre de Floriane Soulas

Je découvre la plume de Floriane Soulas avec ce titre qui intègre à la fois mon challenge Vide ta Pal et celui de l’imaginaire mais aussi ce mois de mars appelé parfois "Mois du cuivre". D’un genre steampunk, il promet déjà grâce à la superbe couverture d' Aurélien Police: cette femme au corset de mécanique et de rouages qu'on ne sait s'il s'agit d'un embellissement de sa robe ou d'une partie de son corps nous plonge dans l'univers.  Serait ce Violante notre jeune héroïne amnésique ?  Sachez déjà qu’en entrant dans ce roman c’est la noirceur de l’être humain que vous allez côtoyer. Même si parfois un peu de douceur semble apparaître, souvent le profit reste le seul objectif d’un geste compatissant.  C’est ainsi que Léon, un Apache (souteneurs des bas-fonds) a sauvé Violante il y a 3 ans et l'a confiée à Madeleine, tenancière de maison close. Cela peut paraître bizarre à nos yeux mais en la "perdant" dans ce lieu de débauche, il lui a permis de survivre même au détriment de sa vertu et de sa fierté. Dans ce Paris alternatif, seuls les riches et nantis vivent dans le centre urbain sous un Dôme qui les protège des fumées noires des usines et de la pollution, de la pauvreté et des crimes.  Mais ce sont aussi eux qui viennent s’encanailler dans Les Jardins Méchaniques, la maison close où Léon a confié Violante. Sous le nom de Duchesse, la jeune femme a dû faire face au destin et mettre de côté une éventuelle fierté pour survivre. Les scènes sont parfois dures pour l’œil innocent. Cependant l 'auteure nous livre la froide réalité de ces quartiers et de la survie pour une jeune femme sans attaches . Pourtant, les passes ont beau ne pas être cachées, elles ont tout de même une sorte de pudeur . Par exemple : lorsque Duchesse nous narre les services qu'elle va offrir à son client, elle va "simplement" écrire le premier mouvement (elle ouvre sa braguette), vous vous doutez bien alors que ce ne sera pas pour jouer aux cartes mais plutôt pour lui jouer un petit air de flûte. C’est dans ce Paris des bas quartiers appelé la Souricière que Violante subit sa vie sans perdre l’espoir de retrouver sa mémoire un jour. Car ses connaissances, ce côté éduqué et ce maintien ne sont pas venus de nulle part. Depuis 3 ans, elle cherche, creuse, aidée en cela par une ancienne des Jardins qui a été "remerciée", Satine. Mais alors que son enquête semble lui apporter enfin quelques brides d’informations, elle va devoir tout stopper et la passer au second plan. Des meurtres ignobles sont commis sur des prostituées et des orphelins enlevés dans la Souricière. Les corps retrouvés sont atrocement mutilés mais beaucoup ne réapparaissent pas. Et Satine fait partie des disparus. Ajoutons à cela une drogue nouvelle pire encore que toutes celles existantes. La Rouille ! Elle permet l’évasion mais surtout rend dépendant en trop peu de temps.  Floriane Soulas nous offre un univers glauque, sombre et bien trop réel pour s'y sentir à l'aise. Cependant elle nous permet en suivant Violante d'en découvrir les règles et parfois d'en comprendre ses habitants. La survie est le maitre-mot de la Souricière. Si pour cela vous devez vendre votre corps, de la drogue ou tuer alors ainsi soit-il. Violante était mourante lorsqu'elle a été découverte par Léon. Et même si elle lui reproche à chaque fois d'être devenue une catin, elle sait aussi que sans ça elle n’aurait jamais survécu. Son amnésie et sa façon d'être la pousse à chercher ses origines. Quelque part elle se sait originaire d'ailleurs, un ailleurs plus lumineux et plus sophistiqué que ces bas-fond. Et c'est cela qui la fait tenir bon depuis tout ce temps. Elle est à la fois fragile et coriace. Elle ne se laisse pas faire, et a bien compris les règles. Lorsqu'elle va s'investir dans cette enquête, elle va aussi montrer sa pugnacité face à l'ennemi, son intelligence et sa hardiesse. Et les révélations qui vont lui être offertes seront à la fois une récompense et une douloureuse agonie. L'auteure a su nous tenir en haleine jusqu'au bout et même si je pensais avoir quelques doutes, ils se sont rarement révélés corrects en totalité. Je n'ai fait que frôler la vérité et n'en ai que plus apprécier la fin de ce roman.

Rouille est le deuxième roman que je découvre de cette auteure française. Encore une fois, c’est un coup de cœur. J’ai adoré me plonger dans ce Paris revisité, où la Belle-Époque se pare d’airs steampunk, mêlant des dirigeables et des créatures mécaniques dignes de Jules Verne. Pourtant, peu de livres sont capables de créer un univers aussi captivant en quelques chapitres. Entre roman d’aventures et enquête policière, l’histoire est très prenante. J’ai aimé Violante, la prostituée amnésique qui est la protagoniste du récit. Elle est un choix audacieux et original. De la première à la dernière page, j’ai été séduite, et je ne peux que recommander chaudement ce one-shot.

Un one shot court mais intense. Le suspens est maintenu tout au long du livre, même si des indices parsemés ont permis de deviner un peu où voulait nous emmener l'auteur. Les personnages sont super intéressants et assez bien développés pour une histoire courte. Les liens qui se créent ou ont été créés sont hyper bien décrits et bien approfondis. C'est sanglant, c'est horrifique, c'est perturbant et intriguant. Très bonne lecture ! Je mettrais une petite réserve sur la fin que je trouve un peu rapide, mais cela ne m'a déplu que parce que j'en aurai voulu plus.

Le roman Rouille impressionne par son univers steampunk captivant et son esthétique riche, qui immergent le lecteur dès les premières pages. L’intrigue, haletante et originale, peut sembler parfois un peu précipitée, avec des transitions qui auraient gagné à être plus fluides ou plus expliquées. J'ai eu aussi un peu de mal à accrocher avec les personnages. Malgré ces quelques défauts, l’imagination de l’auteur brille à chaque page. Ayant adoré Les Oubliés de l’Amas, je retrouve ici la même capacité à tisser des mondes fascinants, mais dans Rouille, cette maîtrise narrative est encore un peu en devenir. Ce premier opus est une belle porte d’entrée dans l’œuvre d’un auteur dont la plume ne cesse de s’affiner.