Acide : Le livre de Victor Dumiot

Acide est un roman complexe, déroutant, mais tellement réaliste, qui reflète la société d'aujourd'hui. On y suit deux personnes que tout oppose mais qui pourtant auront bien plus en commun qu'on nous laisse y penser en début de lecture. Camille, victime d'une attaque à l'acide va perdre son visage, symbole de son identité, reflet des ses émotions. Une sorte de déshumanisation. On va la suivre au fil des ses pensées, de sa reconstruction, des étapes de son acceptation. L'homme dont on apprendra plus loin qu'il se nomme Julien, rejeté bien trop tôt par la société à cause de son apparence, jugé trop loin des standards de beauté. C'est construit une vie isolée du monde, se nourrissant visuellement de corps au travers le darkweb, il développera une sorte de déviance sexuelle qu'il cherchera à assouvir au travers différentes phases, jusqu'à tomber sur l'histoire de Camille . Ce roman porte à réfléchir sur l'impact du physique et de la beauté dans la société. Qu'est ce que nous considérons comme beau ou laid et pourquoi ? À l'heure où la beauté fait vendre des articles en tout genre, jusqu'au corps à travers différentes pratiques pas toujours respectables.

« On peut juger de la beauté d'un livre, à la vigueur des coups de poing qu'il vous a donnés et à la longueur de temps qu'on met ensuite à en revenir. » Cette réflexion de Flaubert trouve son incarnation parfaite dans "Acide", premier roman explosif de Victor Dumiot qui vous frappe avec la violence d'une giclée de vitriol et vous laisse marqué au fer rouge. Avec une audace stupéfiante, ce jeune auteur de 27 ans, normalien promis à une carrière confortable dans la fonction publique, a tout sacrifié pour plonger dans les eaux troubles de notre époque. À travers deux personnages qui se font miroir de nos démons contemporains : Camille, défigurée par un jet d'acide dans le métro parisien, et Julien, reclus digital obsédé par les images de violence, il compose une partition vertigineuse sur notre modernité malade. Le roman frappe par son écriture chirurgicale qui, loin de tout pathos, dissèque les plaies de notre société avec une précision glaçante. Dumiot évite magistralement l'écueil du témoignage doloriste pour créer une œuvre qui transcende le fait divers et s'élève au rang de manifeste générationnel sur notre rapport toxique aux images. La construction narrative, empruntant aux codes du thriller pour mieux les subvertir, nous entraîne dans une descente aux enfers rythmée comme un compte à rebours implacable. En créant une héroïne délibérément antipathique, qui refuse le statut de victime avec une rage sublime, et un voyeur dont l'obsession morbide nous renvoie à nos propres pulsions, Dumiot pulvérise les conventions du récit de rédemption. "Acide" s'impose comme une œuvre radicale sur notre rapport à la violence, à la beauté, dans une société qui prétend célébrer la différence tout en rejetant viscéralement la laideur. L'auteur interroge notre fascination collective pour l'horreur, notre consommation compulsive d'images traumatiques, avec une lucidité qui glace le sang. À la croisée de Bataille et Bret Easton Ellis, mais inventant sa propre grammaire du chaos, Dumiot signe un premier roman qui corrode nos certitudes et nos attentes littéraires. Une révélation d'une puissance rare, qui laisse le lecteur durablement marqué dont les coups résonnent longtemps après la dernière page. Même si la fin est trop abrupte à mon goût.