Comme un tigre de feu : Le livre de Baptiste Touverey

Le 2 juillet 626, Li Shimin, âgé de 26 ans élimine son frère ainé, écarte ensuite son père, devient sous le nom de Tang Taizong l’un des plus grands empereurs de Chine et ouvre un âge d’or inégalé, celui de la dynastie Tang qui gouverne jusqu’en 907. Shinin entre la légende « comme un tigre de feu. » Pour en arriver là, les Tang, un clan guerrier de l’Ouest, profitent de l’échec du précédent empereur (issu du Sud) parti bêtement à la conquête de la péninsule coréenne, neutralisent les rebelles de l’Est et maintiennent au delà de la Muraille sans fin, les nomades menaçant le Nord. Les quatre forces, se combattent, s’allient, se trahissent successivement durant les années 615-623 et offrent aux historiens ou aux romanciers de quoi écrire une nouvelle Odyssée. Baptiste Touverey relève le défi et livre un roman fabuleux qui mêne son lectorat dans la Chine des années 611-648, le temps de nos mérovingiens, de Clotaire II et de l’ambitieuse Frédégonde, une époque de monarchie absolue tempérée par l’assassinat, pour reprendre la formule de Stendhal. Le romancier suit principalement trois protagonistes, Shimin, un précurseur de Bonaparte à l’ouest, Jiande, un Robin des Bois à l’est, et Yicheng, princesse (du sud), donnée comme épouse à un chef nomade (nord). Il utilise toutes les ficelles créées par les feuilletonistes du XIX siècle et exploitées par les producteurs des séries télévisées du XXI siècle. Chacun des 76 premiers chapitres s’achève par un cliffhanger qui incite à se précipiter sur l’épisode suivant. Contrairement à Alexandre Dumas, il n’est pas payé à la ligne, ce qui nous dispense d’insipides dialogues, mais comme lui, un héros est parfois immortel et revit quelques chapitres plus loin. Véritable page turner, cet ouvrage offre un scénario d’autant plus idéal pour une série télévisée que l’auteur montre finalement assez peu de scènes macabres et se contente de les résumer dans les correspondances rédigées par l’impératrice ou une sœur de Shimin, deux femmes qui savent discrètement et habilement mener les hommes là où elles le veulent. Mais cette épopée n’est pas qu’un roman de cape et d’épée car Baptiste Touverey, traducteur reconnu des nouvelles de Stefan Zweig, prolonge les réflexions de celui ci sur la destinée respective des royaumes et des empires, et s’interroge, au fil des 470 pages, sur la réelle valeur ajoutée d’une union «Les gens aiment l'unité, commença-t-il. Ou plutôt ils croient l'aimer parce que c'est simple, c'est séduisant, c'est moins fatigant que l'équilibre instable qu’implique la division. Mais ce n'est qu'un idéal de lettrés pour qui tout doit être bien en ordre. La réalité est que l'unité aboutit à l'assoupissement des énergies et à la mort.». Question d’une singulière actualité en notre époque où certains rêvent d’une America great again intégrant Canada, Groenland et Mexique, d’une Russie absorbant Biélorussie et Ukraine, d’une Communauté Européenne accueillant la Turquie, ou d’une ComCom (Communauté de communes) associant Moulinsart avec Trifouilly-les-Oies … Comme on le voit, Li Shimin, Dou Jiande et Yicheng sont d’une intemporalité qui rend d’autant plus passionnante la lecture de Comme un tigre de feu !

Comme un tigre de feu, une grande épopée romanesque dans la Chine du VI ème siècle : lutte pour le trône, aventure et passion sont au rendez-vous ! An 7 de l'ère des Grands travaux, 611 après J-C Toutes les familles éminentes de l'empire ont reçu une convocation de l'Empereur, à se rendre à l'inauguration du grand-Canal. On l'annonce grandiose. L'empereur aussi surnommé le Réunificateur, a réussi à pacifier l'Empire. Il préfère les grands travaux aux grandes batailles. Et dans chaque clan, on se raconte les vieilles batailles d'autrefois. Mais si leurs aînés se sont assagis, les plus jeunes eux, rêvent d'égaler un jour, leurs exploits militaires. Aux quatres coins de l'Empire, chacun attend son heure de gloire... Nous allons suivre les destins hors du commun de Shimin, l'un des fils du clan Li; Dou Jiande, un jeune paysan des domaines Cui et Yicheng, la jeune épouse du Khagan, le chef des nomades. Trois personnages qui vont devoir surmonter bien des obstacles. Pour Shimin ce sera sa famille qui l'a relégué à un rôle subalterne. Jiande, son père et sa condition. Quant à Yicheng, dont la sœur n'est rien moins que l'épouse de l'empereur, après avoir connu le raffinement de la cour, est envoyée dans la steppe chez les nomades, rudes et brutaux, et mariée à l'âge de 12 ans à leur chef. Passion, tensions, complots, trahisons et batailles, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne s'ennuie pas. Cela va même un peu trop vite à mon goût. J'aurais vraiment aimé rester un peu plus longtemps aux côtés de ses personnages intrigants. Et il y a en a pleins d'autres encore ! Personnellement, j'ai un petit faible pour Yicheng. Les chapitres qui lui sont consacrés sont mes préférés. Car, oui, le roman alterne entre chaque personnage, autant de petits chapitres qui donnent du rythme à l'histoire. La narration est d'ailleurs très agréable. L'auteur glisse parfois, ça et là quelques lettres, notamment entre Yicheng et l'impératrice, sa sœur, un moyen ingénieux de rendre les sentiments des personnages sans pour autant alourdir le récit. Quant au contexte historique : Le roman ne se présente pas comme un roman historique mais comme une fiction librement inspirée d'événements réels. Certains faits sont réels, d'autres pas. Heureusement, en fin d'ouvrage, l'auteur nous apporte les clefs nécessaires. J'ai grandement apprécié ce petit ajout explicatif. Vous connaîtrez donc le fin mot de l'histoire ! De nombreux ouvrages de référence, ayant servi de base à l'écriture du roman, nous sont proposés. L'auteur a parfois changé des noms ou créé des personnages pour le besoin du roman, inventé des batailles,... Démêler le vrai du faux, presque une petite enquête , après une lecture très agréable ! Mon avis J'ai passé un très bon moment de lecture. Le contexte géographique et historique ne pouvait que me plaire ! J'aurais aimé en lire un peu plus, un peu plus de descriptions, un peu plus de contexte historique, et un peu plus de détails sur la vie des personnages car tout passe trop vite. Cela aurait mérité une série ! Mais pour une fois que nous avons un tout- en-un, ne boudons pas notre plaisir ! Pas de surnaturel, nous ne sommes pas ici dans de la fantasy mais on est dans cet esprit. Alors, pour ceux, qui comme moi, ont adoré Le clan des Otori ou La trilogie de l'empire de Feist, ce roman peut être une alternative. Je remercie chaleureusement les éditions Robert Laffont et Babelio, pour cet envoi, Masse critique privilégiée.