De Gaulle : Le livre de François Kersaudy

Dans cet ouvrage François Kersaudy nous fait découvrir l'aspect visionnaire du Général de Gaulle, à la fois dans sa carrière militaire et politique. Ironiquement, de Gaulle a servi sous les ordres de Pétain pendant la 1ère guerre mondiale, et leur entente était excellente à l'époque. On apprend que Pétain était aimé de ses hommes et peu apprécié par sa hiérarchie, car il remettait en cause la stratégie du haut commandement, l'attaque à outrance. Cette tactique stupide a envoyé à la mort des milliers de soldats qui se ruaient sur leurs adversaires qui les attendaient avec des mitrailleuses. Ni Pétain ni de Gaulle ne cautionnaient un tel carnage. De Gaulle a passé la plus grande partie de la guerre dans un camp de prisonniers en Allemagne, où il a beaucoup réfléchi à la manière d'organiser une armée moderne et efficace. Une séparation stricte des pouvoirs, la politique au gouvernement et la conduite de la guerre aux militaires, les interférences menant forcément à la catastrophe. Et puis la constitution des forces armées elles-mêmes, il voulait des bataillons de chars pour ouvrir la voie à l'infanterie, tandis que les généraux de l'époque voulaient quelques chars dans chaque unité. Il a écrit un livre sur le sujet, qui n'a eu aucune influence en France mais a été très lu en Allemagne avec le résultat que l'on sait. L'armée française a volé en éclats lors des assauts des divisions blindées, et l'infanterie allemande a suivi derrière pour éliminer toutes les poches de résistance. Son côté visionnaire a été observé également pendant la seconde guerre mondiale. D'une part il a compris ce qui attendait la France et a appelé à continuer le combat, en s'appuyant sur les colonies françaises. C'est de là que sont parties les armées qui ont pris part à la guerre du désert en Afrique, au débarquement en Italie, à celui de Provence, et à la libération de Paris. Il a annoncé la défaite de l'Allemagne nazie dès juin 1940 ! "Hitler ne résistera pas à l'envie de régler le sort de la Russie, et ce sera le commencement de sa perte". C'est exactement ce qui s'est passé à Stalingrad. Fin 1941, lors de l'attaque de Pearl Harbor, il déclare " "Maintenant la guerre est définitivement gagnée ! Et l'avenir nous prépare deux phases : la première sera le sauvetage de l'Allemagne par les Alliés ; quant à la seconde, je crains que ce ne soit une grande guerre entre les Russes et les Américains...". Il voyait déjà la fin de la guerre, le sauvetage de l'Allemagne (qui aurait été entièrement envahie par l'URSS si les Américains n'avaient pas débarqué), et la guerre froide qui allait suivre. De Gaulle disait qu'il fallait toujours avoir un coup d'avance, là il en avait plusieurs. Pendant la guerre et à la libération, il se méfiait des communistes qui voulaient conquérir le pouvoir, sans doute dans l'idée de faire de la France un vassal de l'URSS. De Gaulle avait été allié des Russes, mais ne leur faisait pas confiance, et encore une fois l'histoire lui a donné raison. Ensuite il a soutenu le principe d'une défense nationale, indépendante, au lieu de s'appuyer sur l'OTAN, trop tributaire des Américains. D'où le développement de la bombe atomique française. La fin de sa carrière est marquée par son retour au pouvoir en 1958, sa conduite de la guerre d'Algérie, et mai 68. Ce ne fût sans doute pas sa meilleure époque, mais on ne peut pas tout demander à cet homme qui a été sans conteste le grand Monsieur du 20ème siècle.