Entre frères de sang : Le livre de Ernst Haffner

" Il n'est ni un reportage, ni une chronique sociopolitique, mais bien une œuvre de fiction. Refusant tout jugement moral sur la bande de petits truands, l'auteur donne à voir la misère sans jamais – et c'est assurément sa plus grande réussite – sombrer dans le misérabilisme et le défaitisme. On est saisi par la vivacité de ce voyage qui éclaire comme rarement la petite criminalité berlinoise de l'époque. "

" Il est de ces livres explosifs qu'il fallait brûler tant leur contenu dérangeait : c'est ce que firent les nazis avec l'ouvrage de Ernst Haffner en 1932. "

"Ce pourrait être du Zola, c'est bien mieux que ça. [...] Sa description d'un Berlin déliquescent est extraordinaire, et ses portraits de gamins survivalistes, d'une finesse terrifiante. "

"Reste son témoignage, à sa façon un chef-d'oeuvre."

"Publié en 1932 à Berlin, ce livre fascinant, visionnaire, sombre et émouvant nous catapulte au coeur du quotidien de la jeunesse des rues berlinoises de l'entre-deux-guerres."

"Ernst Haffner ne brode pas. Son roman se rattache au réalisme. Les scènes sont rapides, entrecoupées de dialogues brefs, les lieux indiqués avec précision : le romancier donne les adresses des bars gluants, des asiles de fortune, comme le ferait un guide du Berlin underground. [...] La description des bas fonds a encore des relents infernaux."

" L'exhumation inespérée de ce qui est à la fois un cri de désespoir, un document humain précieux et le testament d'Ersnt Haffner permet en tout cas de se convaincre qu'il s'agit là d'une véritable réussite littéraire."

"C'est violent comme la misère, brutal et sans concession comme la jeunesse. A mi-chemin entre le documentaire et le roman."|Nathalie Kosciusko-Morizet

"Ecrit avec une froideur imprégnée de révolte et de colère, le roman prend aux tripes. [...] Une atmosphère qui bizarrement nous fait penser aux temps que nous vivons, notre société minée par les conséquence d'une autre crise économique."

"Jusqu'à cette dernière édition du mois d'août, ce livre était tombé complètement dans l'oubli tout comme son auteur. Nous sommes en 1930, à Berlin, l'Allemagne comme beaucoup de pays d'Europe est frappée par la crise économique, le chômage est endémique, une pauvreté s'est installée. La fin de la Première Guerre Mondiale a laissé beaucoup de jeunes dans la rue sans que l'on puisse s'occuper d'eux, ils sont abandonnés à leur triste sort. Des bandes se forment composées de fugueurs, d'orphelins, avec une certaine débrouillardise ces jeunes garçons parviennent bon an mal an à s'en sortir, une solidarité se forme comme une longue chaîne face à leur ennemi commun la police qui les arrête pour les envoyer dans des prisons pour jeunes. Nous allons donc suivre Jonny et sa bande de copains en découdre pour défendre leur territoire . Ce livre peut se lire comme un documentaire, un long reportage sur ce Berlin pauvre et cette jeunesse désoeuvrée. L'écriture légèrement surannée nous permet de sympathiser avec Jonny et quelques uns de ses amis parfois faisant preuve de malchance, ils sont arrêtés puis relâchés car on ne sait pas vraiment quoi faire d'eux. Et mine de rien sans jamais l'évoquer, l'auteur nous décrit le terreau sur lequel fleurira plus tard les années sombres de l'Allemagne. "|David Goulois

"Berlin, 1930. A la veille de la Seconde guerre mondiale, des milliers d'enfants abandonnés à eux-mêmes sillonnent les rues de Berlin où, dans un conteste de dépression économique grave, ils affrontent le froid, la maladie et la faim.

Un petit groupe de ces âmes errantes se forme, les Frères de sang, instaurant dans cette microsociété leur propre morale et leurs propres règles. Ensemble, plus forts, moins démunis, moins seuls, ils essaient de s'en sortir comme ils le peuvent.
Les enfants, chargé chacun d'une histoire personnelle lourde, tentent malgré tout de grandir dans cette société qui dont ils sont exclus.
Un roman dur, réaliste et bouleversant, victime des autodafés nazis, qui témoigne d'une époque sombre sous la plume d'un auteur qui lui-même s'est trouvé mystérieusement " effacé " après la sortie de son livre."|Laetitia Vonau

"Berlin, 1930. Ils sont des milliers d'enfants, orphelins de la Première Guerre, ados en rupture, échappés d'orphelinats ou de centres divers, à tenter de survivre en bandes, en cumulant combines et petits larcins. La vie est rude mais entre frères de sang, on est plus forts. On apprend à faire d'un maigre repas un soir de fête et de quelques marks une parenthèse d'amitié alcoolisée ou les souvenirs joyeux primeront pour les longues soirées de disette. Mais lorsque certains veulent tenter des " gros coups " alors que d'autres veulent s'en sortir honnêtement, les dissensions apparaissent et le sort de la bande semble vaciller.

Facile de comprendre pourquoi le III° Reich a condamné publiquement ce livre en 1932 ! Ernst Haffner nous décrit le quotidien de ces gamins déjà trop vieux avec une objectivité et un sens du détail quasi documentaire. Pourtant, rien de clinique, et l'auteur nous invite dans ces petites familles cabossées avec un amour et une compassion toujours palpables. Une lecture importante, pour comprendre entre autres l'état du pays peu avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir."|Yvain

"Ernst Haffner a écrit ce texte en 1932. Depuis, ce tableau de la jeunesse allemande était tombé dans l'oubli, remisé au placard par un gouvernement soucieux du contrôle des écrits. Qui était Haffner : journaliste, travailleur social... nul ne le sait. Pourtant, cette œuvre n'est pas seulement une découverte, elle est un formidable témoignage sur l'Allemagne des années 1930, sur cette jeunesse livrée à elle-même. Le roman permet de comprendre comment Hitler est parvenu au pouvoir total. Là réside la force de ce texte : le détachement politique complet, au profit d'une description sincère de la vie des rues. En suivant les aventures – car il s'agit bel et bien d'aventures – d'un groupe de gamins et de leur chef Jonny, le lecteur prend autant de plaisir et de peur mêlés que dans un western urbain. Sans fard ni pitié déplacée, mais avec authenticité, Haffner nous conduit dans le dédale des rues, dans des lieux pitoyables. Cette bande est poignante. Parfois, pourtant, l'espoir surgit pour ceux qui veulent s'en sortir, la joie également pour fêter un anniversaire. Parfois, au jour le jour... Haffner décrit aussi les établissements où sont enfermés les jeunes Allemands. Cette œuvre est remarquable, car elle est écrite sur le vif, comme un reportage. Haffner ne pouvait prédire le chaos des années suivantes, mais ce roman apporte une réponse aux mystères de la montée en puissance du parti nazi. Cette plongée dans la misère la plus totale, économique et affective, culturelle aussi, permet d'appréhender les mécanismes inhérents à la soumission quasi volontaire à un pouvoir dictatorial. Ce texte dur, beau, émouvant et éprouvant reste, malheureusement, d'une brûlante actualité."|Jean-Bapiste Hamelin

"Berlin, ville de fantasme, ne cesse de surprendre celui qui s'intéresse à sa géographie, son histoire, ses habitants. La guerre a définitivement anéantie une partie de la métropole et de son caractère grouillant, ne laissant que peu de traces de ses millions d'habitants venus de toute l'Allemagne qui la peuplait. On peut retrouver cet esprit dans le chef-d'oeuvre d'Alfred Döblin Berlin Alexanderplatz. Grâce aux Presses de la Cité, c'est un autre aspect de la période d'avant-guerre que nous découvrons, puisque cette maison d'édition dont on découvre une ligne éditoriale qui multiplie les excellentes surprises, édite un livre englouti par l'Histoire signé Ernst Haffner, Entre frères de sang. On aimerait dire quelques mots de son auteur mais nul ne sait ce qu'il est advenu de ce journaliste et travailleur social quand les nazis prirent le pouvoir, condamnant son livre au bûcher. Paru en 1932 sous le titre Jugend auf der Landstrasse Berlin (jeunes de rue à Berlin) il a été réédité il y a peu sous celui de Blutdbrüder – Ein Berliner Cliquenroman et traduit en français par Entre frères de sang (qui fait certes moins berlinois mais c'est dommage). Ce livre rescapé de l'oubli tient plus du document que du roman tant l'auteur évite, autant que faire se peut, l'exploitation des règles romanesques qui conviennent bien aux textes sur la misère, formidable vivier littéraire. Ecrit au présent de narration, il fait se succéder les épisodes mettant aux prises des gamins livrés à eux-mêmes dans une ville gangrénée par la misère de la Grande Dépression : la plupart ont fui les terribles foyers où l'on parquent les orphelins en attendant ces 21 ans qui les libèrent de cette oppression qui ne dit pas son nom. La ville immense où on peut se fondre et où tous les rêves sont possibles les fait fantasmer malgré son lot d'horreurs quotidiennes, le froid et la faim qui les tuent plus ou moins lentement, la prostitution à laquelle certains se condamnent par absolue nécessité, la police qui les récupère pour les renvoyer derrière les barreaux d'institutions perdues dans les campagnes allemandes. Et quand un leader apparaît, un plus malin, un plus sauvage que les scrupules n'étouffent pas, il devient chef de bande, aimantant sur sa figure les désirs de liberté de chacun. L'aspect documentaire du livre (un document empreint d'une vive empathie) sauve la relative faiblesse de son écriture, minimale, et la violence sous-jacente évite le bon sentiment qui affleure parfois un peu, et la morale qui n'est pas loin : si tu travailles et que tu serres les dents, tu t'en sortiras. Ce qui fait surtout le côté édifiant de l'entreprise est cette reconstitution d'un monde d'hier qui n'avait rien de rose : qu'on le rappelle aux amateurs de nostalgie à deux sous. Le Berlin d'avant-guerre est une vaste machine à broyer impitoyablement les individus les plus fragiles. Et la solidarité est bien souvent un vain mot dans cette société où la pitié est toute relative. Voilà qui permet aussi de comprendre sur quel terreau ont germé les plantes mortelles du nazisme. Car si les adolescents se disent " frères de sang ", c'est qu'ils sentent instinctivement qu'ils jouent leurs misérables vies dans ses courses contre la montre pour survivre, et il n'est pas anodin que Haffner les appelle une " armée de vagabonds de la grande ville ". Car nous savons, à la lumière de l'Histoire, que ces bataillons disparates de crevards fourniront des contingents de chair à canon d'une guerre immonde où l'honneur sera aboli. Ce n'est pas la moindre qualité de ce livre impressionnant que de nous rappeler que de la misère ne peut naître que le pire et que la lumière s'y fait rare et brumeuse. "|David Vincent