Fils de tueurs : Le livre de Rachel Corenblit

Clément Duval est le fils unique d'un célèbre couple de tueurs en série. Après avoir tout oublié de son enfance passée avec eux, le voilà contraint de rencontrer sa mère en prison, car celle-ci promet de révéler l'emplacement des corps de nouvelles victimes à chaque fois qu'elle pourra voir son fils. Que lui veut donc cette femme qui n'a de mère que le nom ? Un face à face dérangeant commence... J'ai apprécié de nombreuses facettes de cette lecture : - s'intéresser aux descendants de tueurs est un angle différent des polars et thrillers habituels, - la relation étrange entre Clément et sa mère est vraiment prenante : on se demande quelles sont les motivations réelles de la meurtrière et comment Clément va pouvoir lui tenir tête. - Clément se questionne sur son héritage familial : est-il condamné à être un monstre lui aussi ? Porte-t-il aussi la responsabilité des meurtres de ses enfants, qui l'utilisaient pour amadouer leurs victimes ? Est-il digne d'aimer et d'être aimé malgré son histoire familiale ? Toutes ses interrogations sont bien amenées et finement traitées tout au long du récit. - les personnages secondaires sont attachants et bien développés, notamment l'avocat qui défend la mère de Clément, ainsi que la famille d'accueil du garçon. Ce qui me laisse un peu sur ma faim : - on n'a pas droit à une enquête à proprement parler dans ce roman. J'aurais apprécié un suspense plus soutenu dans le traitement de l'affaire criminelle à proprement parler. - beaucoup de fautes de frappes, d'erreurs grammaticales et même d'incohérences dans l'orthographe des prénoms des personnages : c'est dommage car ça coupe vraiment la lecture. Enfin, j'ai trouvé un peu étrange que l'autrice, dans la note en fin de livre, réfute l'idée que son roman a été inspiré par des histoires vraies. Elle prétend qu'absolument tout n'est que pure fiction sans ancrage dans la réalité... Pourtant, on reconnaît assurément des nombreux éléments de l'affaire Fourniret. Pourquoi ne pas simplement le reconnaître ? Ou même pourquoi ne pas donner quelques pistes ou ressources pour poursuivre la réflexion grâce aux nombreux reportages ou témoignages sur cette affaire ? En résumé, un bon livre noir sur le poids de l'héritage familial, sur ce qui constitue une famille, sur la toxicité des relations parent/enfant et sur la violence inouïe qui peut parfois se manifester chez les personnes desquelles nous sommes le plus proches.

Clément Duval a dix-sept ans, il est le fils de la veuve Suzanne Duval, la femme et la complice du tueur en série Étienne Duval, aujourd'hui décédé. Celui-ci a reconnu l'enlèvement et le meurtre de trois jeunes filles, Sabine Lefur, Emilie Cantona, Tatiana Sailhan mais il est évident qu'il a assassiné d'autres jeunes filles. Suzanne Duval est prête à donner l'identité et le lieu d'inhumation de huit autres victimes mais uniquement à son fils si celui-ci vient la voir en prison. Clément, sous la pression de Maître Peletier, l'avocat de Suzanne Duval et du juge Marelle en charge de l'affaire, accepte de revoir sa mère. Elle va lui révéler les meurtres de Lola Dumont, Yasmina Bendaoud, Anne Socrates, Jane Kovalik, Fanny Epstein, Sarah Longchamp, Lucie Debequere et Margaret Mansfeld. Elle va surtout le manipuler pour que ses souvenirs ressurgissent ; en effet, Suzanne Duval enfermait son fils Clément dans un placard donnant sur la chambre des tortures de son mari et Clément a entendu toutes les victimes jusqu'à la dernière, Alexandra Dewitt. Clément vit dorénavant dans une famille d'accueil chez des agriculteurs, Laetitia et Yves Aubry dit Papou. Une jeune femme, Valentine, y travaille aussi. Il est heureusement suivi par une psychothérapeute, Joanna, qui va l'accompagner dans cette période terrible. --- --- --- Rachel Corenblit est née en 1969. Après des études de philosophie, elle devient professeur de lettres. Elle habite à Toulouse. Elle a publié de 2007 à aujourd'hui, 47 romans pour la jeunesse, notamment au Rouergue. --- --- --- Rachel Corenblit prétend dans une note en préface s’être inspirée de plusieurs affaires et ce roman serait seulement un ouvrage de fiction. Le roman raconte l’histoire d’un garçon, l’enfant d’un couple de tueurs en série, enlevant des jeunes filles afin de les séquestrer, les violer et les assassiner. Le roman est le récit a posteriori des visites de ce garçon devenu un jeune homme à sa mère emprisonnée afin qu’elle lui révèle le nom d’autres victimes de son père et l’emplacement de leur dépouille. Ce récit est entrecoupé des retranscriptions d’un podcast monté par une femme passionnée par cette affaire. De fait, Rachel Corenblit raconte l’histoire de Sélim Fourniret, le fils de Michel Fourniret et de Monique Olivier. Elle utilise les caractéristiques de cette affaire : comment l’enfant était utilisé comme appât pour approcher de jeunes filles sans les effrayer, comment les victimes étaient emmenées en camionnette au château de Sautout pour être finalement enterrées dans la forêt du parc du château. Rachel Corenblit utilise même l’histoire du trésor en lingots d’or du gang des postiches d’un des co-détenus de Michel Fourniret, Jean-Pierre Hellegouarch. L’histoire de Sélim Fourniret a fait l’objet d’un livre écrit par le journaliste Oli Porri Santoro, Le fils de l’ogre : Révélations inédites de Selim, le fils des tueurs en série Michel Fourniret et Monique Olivier. Et Sélim Fourniret a effectivement tenu une correspondance avec son père en espérant que celui-ci donnerait le nom d’autres victimes. Il nous semble que Rachel Corenblit aurait dû le mentionner tant les parallèles sont troublants. Le texte, sous la forme d’un thriller psychologique, s’interroge à la fois sur la famille, la transmission des parents aux enfants, l’héritage assumé ou non, la culpabilité. Le héros, jeune homme, dans le roman, a accompli un gros travail psychothérapique et il est relativement stable pour un homme ayant vécu tous ces traumatismes durant l’enfance alors même qu’il ne se souvient pas totalement encore de tous les épisodes traumatiques. Il interroge bien sûr sur le mal en soi, la veuve Duval représentant le mal absolu avec ces meurtres de jeunes filles mais aussi l’absence de remords et la manipulation de ses interlocuteurs, elle apparaît dans le roman totalement perverse manipulant les mots pour obtenir ce qu’elle souhaite. Elle est effrayante à souhait ! En roman adolescent, il permet en revanche au lecteur adolescent de lire le témoignage d’un jeune homme ayant été confronté au pire et s’en étant sorti ; ce jeune homme a l’espoir d’un avenir heureux avec l’amour de sa famille d’accueil et l’amour tout court d’une jeune femme du village. En conclusion, ce roman semble presque elliptique dans le portrait du héros pour bien saisir et comprendre son parcours et tenter de comprendre la résilience après l’horreur des crimes de ses parents tueurs en série.

Si le roman a su me captiver par son ambiance pesante et son suspense bien dosé, je ressors pourtant avec un sentiment mitigé. Le suspense est là, tout comme une tension psychologique oppressante, notamment à travers la relation toxique entre Léo et sa mère, une manipulatrice redoutable. Ce duel mère-fils est l’un des aspects qui m’a le plus marqué #128552;. J’ai aussi apprécié les thématiques profondes abordées : la peur d’hériter de la cruauté de ses parents, la lutte contre un destin qui semble tracé, et cette angoisse d’être condamné par son propre sang. C’est un sujet puissant et fascinant, qui donne matière à réflexion #129327;. Mais malgré ces qualités, je n’ai pas totalement accroché #128533;. J’ai trouvé que tout allait trop vite, sans vraiment laisser le temps de creuser les émotions des personnages. Ce rythme effréné m’a empêché de m’attacher pleinement à Léo et aux autres protagonistes, ce qui a freiné mon immersion. Cependant, j’ai aimé que le roman ne se contente pas d’être sombre et angoissant : il délivre aussi un message optimiste #128161;. Il rappelle que l’on peut se libérer de son passé, que l’on n’est pas condamné par ses origines. Un thriller psychologique efficace, intense, mais qui m’a laissé un peu sur ma faim. #128073; Une lecture intéressante pour ceux qui aiment les intrigues psychologiques immersives et les thématiques fortes, mais qui m’a manqué d’un petit quelque chose pour vraiment me happer.

Un thriller psychologique qui ne laisse pas indifférent... A lire à partir de 16 ans. On sent que l'autrice s'est minutieusement documentée avant de se lancer dans l'écriture de ce roman: le sujet en est totalement maîtrisé. Il s'agit de revenir sur une affaire criminelle plutôt sordide qui ressemble beaucoup à celle des époux Fourniret: pendant des années, un couple a enlevé de toutes jeunes filles, puis l'homme les a torturées, violées et tuées. Enfin, sa femme l'a aidé à enterrer les corps. Contrairement à d'autres lecteurs dont j'ai lu la critique sur le site, je n'ai pas été gênée par cette similitude avec un fait divers réel; pour moi, là n'était pas l'enjeu du récit. L'intérêt, je l'ai trouvé dans l'angle choisi pour raconter l'histoire: car le narrateur est Clément, 17 ans, fils du couple de tueurs en série. Il avait 7 ans lors de l'arrestation de ses parents, et depuis, il a tenté de surmonter le traumatisme, aidé par la bienveillance de la famille d'accueil à laquelle il a été confié depuis 10 ans. Il est aussi suivi par une psychologue qui l'aide à démêler les émotions qui l'agitent, répondant présente à chaque fois qu'il se sent mal. Dans les premières pages du roman, Clément est contacté par l'avocat de sa mère, qu'il n'a pas revue depuis son emprisonnement; elle propose un marché, ou plutôt un chantage: si Clément accepte de la rencontrer, elle lui livrera le nom et l'emplacement du corps d'une des victimes que le couple est soupçonné d'avoir assassiné, mais pour lesquelles aucune preuve n'a été trouvée. Clément accepte. C'est le début d'une confrontation aussi malsaine que déstabilisante entre la mère et le fils. Une mère manipulatrice, dont la violence psychologique nous souffle, et un fils qui doute de sa totale innocence (petit garçon, dans la voiture de ses parents, il servait d'appât; il était présent lors des enlèvements et des meurtres). Clément a peur d'une possible hérédité, d'une fatalité génétique qui l'empêcherait d'être "un gars bien" et d'accéder au bonheur. J'ai beaucoup apprécié la profondeur des personnages, même si les âmes sombres des époux Duval m'ont fait froid dans le dos. Car heureusement, cette noirceur est contrebalancée par l'humanité et la luminosité des personnages qui gravitent autour de Clément et qui l'entourent d'un cocon protecteur: ses parents d'accueil, sa psychologue, l'avocat de sa mère, et sa possible future petite amie. Cela donne un roman qui, malgré l'horreur de son thème, se révèle porteur d'un message optimiste à propos de l'espèce humaine: même dans la fange, une fleur peut pousser et s'épanouir si on lui procure les soins nécessaires.