La première croisade libérer Jérusalem, 1095-1107 : Le livre de Jacques Heers

« Les fils de prêtres, diacres, sous diacres et chanoines ne doivent pas être admis aux charges et dignité de l'Église, à moins qu'ils ne soient devenus moines ou chanoines réguliers ». C'est un des canons adoptés au concile de Clermont en 1095. Par ailleurs le roi de France y fut résolument excommunié pour ses libertés répétitives avec le sacrement du mariage. Au moins 205 bâtons épiscopaux furent représentés à ce concile. Avec le précédent à Plaisance, c'est le point d'orgue de la restauration triomphale de l'autorité pontificale dans l'occident chrétien. Dans un champs hors les murs à Clermont le pape en personne prêche la croisade. Il écoute et il va répondre aux plaintes des pèlerins car la route des lieux saints est coupée par les forces turques.. Il exprime alors la nécessité de restaurer la route du Saint sépulcre ,de secourir les chrétiens d'orient et de se détourner des guerres et des querelles au sein de la chrétienté. Au saint sépulcre à Jérusalem les croisés auront la possibilité d'expier l'intégralité de leur péchés et ce sera le salut pour les martyrs morts pour le Christ. C'est le 27 novembre 1095 et dans le froid et sous le vent en Auvergne que le saint pontife de l'occident latin prêche une foule nombreuse et hétéroclite et il désigne l'évêque de Clermont comme le légat pontifical pour cette cause. A Vézelay le pape accorde l'exemption à ceux qui se croisent et c'est au même endroit que sera prêché la seconde croisade ultérieurement et ce sera concrètement aussi un point de ralliement et de départ. L'histoire c'est les textes mais c'est aussi la méditation dans des lieux imprégnés d'histoire qui sont comme des capsules temporelles. Vézelay est un lieu exceptionnel de ce type car là on ressent la puissance et la vivacité du christianisme médiéval . Dans un champs en pente ouvrant sur une riche plaine une croix en bois et en pierre se dresse et brise la pente et c'est de là précisément que un des Bans de barons s'ébranle vers Jérusalem sur les lieux précis où le pape a prêché l'occident. Aller à Vézelay un jour d'hiver couvert et venteux est une expérience médiévale unique et un moment de connexion absolu, intime et intense avec le passé médiéval. La première croisade est un épiphénomène qui permet d'exprimer la quintessence du XIIe siècle. L'église resserre la visse en interne pour limiter les débordements du siècle qui nuisent à l'église comme institution et comme idée et qui confisque la religion au profit des laïques .C'est là l'objet de ma citation en introduction. Ensuite l'église s'impose aux rois et aux seigneurs qu'elle n'hésite pas à excommunier s'ils ne respectent pas la religion. Excommunier empêche le souverain d'accéder aux sacrements et notamment de communier. le saint siège peut aussi jeter l'interdit et interdire ainsi de sonner les cloches dans un royaume ou un fief et c'est une vraie malédiction pour les populations et cela peut avoir des conséquences politiques redoutables et justifier des guerres privées et des soulèvements de feudataires. Le douzième siècle est le début de l'apogée du moyen-âge occidental. C'est presque alors que se met en place le monde plein où d'un clocher on voit un autre clocher au loin. Avec la densité des terroirs ,la jeunesse de la population s'impose et la conséquence est une expansion explosive qui débouche sur des constructions spectaculaires (des mottes castrales ,des forteresses ,des villes ,des remparts, des essartages, des églises de pierres et des cathédrales ,des lavoirs ,des moulins ,des fourneaux, des forges, des villes ,des bains publics (qui sont encore édifiés en ville). Des institutions resserrent leur maillage et des paroisses et fabriques afférentes («parlements de villages ») prennent forme ,certaines communes apparaissent avec les prémisses des libertés communales et des villes ou bien des bourgs débordent des abords des abbayes ou des abords des châteaux monastères, lieux ecclésiastiques ou seigneurie banales et foncières. Les gens sont sur les routes ,des pèlerins, des ecclésiastiques des politiques, des populations rurales qui se meuvent, des marchands et des colporteurs et des Héraults qui disent les lois alors qu'ils sont mandatés par les autorités légales qui les envoient aux populations. Tout circule ,l'information ,les gens ,les armées ,le savoir, les biens pondéreux ou non. Les taxes attendent les usagers des ponts (pontennages). Des taxes pour usage de moulins ou pressoirs hydrauliques, fleurissent. le système bancaire basique et continental est en place et les taxes et les budgets prennent corps. C'est ce monde jeune ,bouillonnant et en expansion et anxieux du salut qui génère la première croisade. En effet elle est imposante ,double et incroyable. Une ligne populaire et « mendiante »s'élance depuis le Rhin avec son cortège de larcins et de massacres de communautés juives malgré la défense quasi systématique des évêques locaux. Ils sont 15000 au bords du Rhin à marcher en direction de Constantinople. En Asie 25000 seront massacrés. Les Barons suivent quatre trames et le Bosphore passé ils sont rejoints par des Byzantins et 3000 survivants de la croisade populaire. Ce monde rural et urbain en mouvement et ses forces vives et diversifiées fonderont l'orient latin qui sera une aventure sociale et politique durable et qui épanchera pour un temps les vives nécessité d'une noblesse à l'étroit dans un monde désormais plein. Cet ouvrage offre un accès intime avec ce monde qui se met en mouvement et qui créera des nouveautés aux lourdes conséquences politiques et civilisationnelles. Lorsque vous dites Salut à vos amis sachez que ce n'est pas par hasard .Vous perpétuez la tradition du souhait de gagner le Salut spirituel. Cet espoir fut l'élan fondamental qui a nourri la croisade. Mais avec d'autres facteurs comme des espérances économiques et sociales ou politiques. Les croisades expriment l'élan relativement encadré d'un univers déjà très structuré. Mais cet élan révèle aussi l'énorme importance des conduites d'insubordination irrépressibles et protéiformes qui chiffonnent constamment l'ordre établi du monde médiéval. Fondamentalement et contrairement à ce que l'on s'imagine l'occident chrétien est un monde libre et la première croisade en est la preuve et la nécessité.