La Religieuse : Le livre de Denis Diderot

Roman du XVIIIème siècle, féministe et anticlérical au temps des lumières. C'est l'histoire d'une jeune fille, rejetée par sa famille qui la contraint d'entrer dans les ordres et qui va subir toutes les humiliations possibles lorsqu'elle tentera d'en sortir. C'est bien sûr une critique de l'Eglise, et de tout ce système d'asservissement des âmes qui est déjà très critiquée par ses contemporains, mais pas une critique de la religion. On y parle pas d'athéisme. Suzanne croit bien en Dieu mais ce sont les institutions et leurs dérives que Diderot critique dans ce roman. "Jésus-Christ a-t-il institué des moines et des religieuses ? L'Eglise ne peut-elle absolument s'en passer ? Quel besoin a l'époux de tant de vierges folles ? Et l'espèce humaine de tant de victimes ?" Il y dépeint ce qui pour lui résulte de cet enfermement permanent: la violence, la folie. Dans la première partie, Suzanne va subir une multitude de tortures physiques et psychologiques, à telle point qu'on pourrait se poser la question du réalisme du roman. Pourtant dans la préface de mon édition, ils expliquent que ce point a été longtemps débattu mais qu'il existe effectivement des traces de ces comportement et l'histoire de son héroïne était tout à fait plausible dans certains couvents. Dans la deuxième partie, elle arrive dans un nouvel endroit, où sa nouvelle supérieure va s'éprendre d'elle. Celle-ci va manipuler la jeune et candide Suzanne pour l'amener dans son lit avant de sombrer dans la folie. On entre donc dans le registre des violences sexuelles et les frustrations que peuvent entraîner les vœux de chasteté. C'est également une critique de la société d'un point de vu féministe. Suzanne doit prononcer ses vœux pour absoudre le pêcher de sa mère et garantir la sécurité financière de ses sœurs qui sont passé sous la coupe de leurs maris. En réalité aucune d'elle n'a de libre arbitre dans ses choix de vie.

C'est la deuxième oeuvre de Denis Diderot que je lis et je l'ai beaucoup plus apprécié que Jacques le Fataliste, où l'auteur faisait exprès de faire chier son lecteur. Je l'ai lu pour un cours. J'étais investi dans les malheurs de Suzanne, surtout quand j'ai su que ce roman est tiré d'une histoire vraie. Ce texte me conforte dans l'idée que le principe de chasteté est plus handicapant qu'autre chose. Ça provoque trop de frustration, en plus d'être contre-nature. Diderot ose, comme à son habitude, critiquer la religion et même parler de suicide (presque un tabou pour l'époque). En soit, toutes les religions ont des gros défauts parce que les humains sont extrêmement cons et qu'ils ne comprennent pas leur propre Dieu. Diderot remet donc en question certains principes de la religion chrétienne qui seraient discutables, plus que la religion dans son ensemble. Et c'est très bien.

Je connaissais Diderot encyclopédiste, essayiste et critique littéraire, mais j’avais oublié qui’il était aussi romancier. C’est donc très récemment que j’ai découvert La Religieuse, un ouvrage magistral. Nous suivons la vie de Suzanne, forcée par sa famille à prononcer ses voeux malgré son absence de vocation. Elle va tenter de refuser, puis réfléchir à son évasion, puis tenter de rompre les voeux qui lui ont été arrachés de force. Elle se bat pour sa liberté pendant qu’elle reçoit des mauvais traitements et la violence physique et psychologique des femmes de foi qui l’entourent. Suzanne est une vraie rebelle comme je les aime, elle ne plie jamais, ne se soumet pas et reste droite, fière et combattive malgré tous les obstacles et l’enfermement. Elle n’a jamais cédé à la revanche là où tant d’autres finissent par courber l’échine en apparence et distiller leur venin en coulisses dans ces huis-clos mystiques où la folie et la tentation guettent dans chaque couloir. Suzanne est une héroine admirablement servie par la plume puissante et anticléricale de Diderot. Vous l’aurez compris, je vous recommande ce livre passionnant!

Lu dans le contexte de la fac, j’ai beaucoup aimé l’étudier. Roman-Mémoire qui nous présente les malheurs du jeune fille du 18e siècle conditionnée à faire ses vœux et devenir religieuse au couvent. Ce roman est en réalité initialement une mystification, Diderot voulait faire une blague à son ami le marquis de Croismare, et lui envoyait régulièrement des lettres de la part d’une jeune fille désespérée demandant de l’aide pour sortir d’un couvent, mais une fois cette blague terminée Diderot voulu pousser l’histoire plus loin, et en faire un réel roman. j’aimais bien cette anecdote. De plus le roman est vraiment prenant, même si il est parfois très dérangeant (par les actes cruels et inhumains des autres religieuses qui persécutent Suzanne). En somme j’ai beaucoup apprécié ce récit, il dénonce la mauvaise utilisation de la religion que faisait les gens à cette époque, mais il peut également nous parler à nous, contemporains, qui vivons dans un monde où la religion est parfois un utilisée à des fins oppressives et mal interprétée.