Le Colonel Chabert : Le livre de Honoré de Balzac

L'histoire commence dans le bureau d'un avocat avec de jeunes clercs qui se moquent d'un vieil homme décrépit... qui s'avère étonnamment être un célèbre colonel laissé pour mort dix ans auparavant lors d'une bataille napoléonienne*. Nous suivons le processus juridique ainsi que les tribulations physiques et psychologiques endurées par le protagoniste qui essaie tant bien que mal de prouver son identité puisque oui, le mort est bien vivant ! #128584; Bien sûr, entre temps, la société a changé et les gens qui étaient proches de lui ont tourné la page, ont évolué (pas pour le meilleur). Notre héros malchanceux et le lecteur vont devoir affronter cynisme, méfiance, froideur et cupidité égoïste. Comme cette oeuvre fait partie de sa Comédie humaine, Balzac mentionne certains de ses autres romans dans le dernier chapitre, "spoilant" ainsi la fin du Père Goriot... donc attention si vous ne l'avez pas encore lu ! #128584;#128517; Pour être honnête, j'aurais aimé qu'on insiste davantage sur l'effet de surprise. Peut-être ai-je été trop influencée par le roman à sensation typiquement victorien ? Ici, le suspense est relégué au second plan, étant donné qu'il ne s'agit point de ménager les effets menant à une grande révélation. Au contraire, Balzac utilise plutôt ce dispositif comme prétexte pour dénoncer l'hypocrisie sociale. *[Ce n'est pas un spoiler, puisque cette information nous est révélée très tôt dans le récit].

Il y a des romans où j’adore détester le méchant. Ici, avec l’histoire de Chabert, j’aime suivre le sens du tragique de Balzac. L’Empire suivi par la Restauration, c’est l’époque où de très nombreux Français connurent un revers de fortune. Les premiers deviennent les derniers. « J’ai été enterré sous les morts ; mais, maintenant, je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre ! »

Dans Le Colonel Chabert, Balzac nous plonge au cœur d’une France post-napoléonienne, tiraillée entre les vestiges de l’Empire et les ambitions bourgeoises de la Restauration. Le roman, publié en 1832, raconte l’histoire d’un héros oublié, le colonel Chabert, laissé pour mort sur le champ de bataille d’Eylau, qui réapparaît des années plus tard, défiguré et méconnaissable, pour réclamer son identité et sa place dans un monde qui l’a effacé. Ce retour d’entre les morts, à la fois physique et symbolique, devient le point de départ d’une réflexion sur l’identité et la mémoire. Chabert, figure tragique et pathétique, incarne l’homme broyé par l’Histoire, dont la quête de reconnaissance se heurte à l’indifférence d’une société en pleine mutation. Balzac, avec une acuité psychologique remarquable, explore les fractures intimes d’un homme déchiré entre son passé glorieux et un présent qui le rejette, révélant ainsi la fragilité de l’existence face aux bouleversements sociaux. La désillusion est le fil rouge de cette œuvre, tissée avec une ironie mordante et un réalisme implacable. Chabert, qui espérait retrouver sa femme et son statut, découvre que la comtesse Ferraud, autrefois son épouse, s’est reconstruite une vie sur son absence, épousant un noble et refusant de reconnaître l’homme ruiné qui se présente à elle. Le mariage, institution sacrée, est ici réduit à une transaction, une alliance stratégique où l’amour et la fidélité n’ont plus leur place. Balzac dépeint une société où l’argent et le pouvoir corrompent les âmes, où les idéaux se dissolvent dans l’égoïsme et l’opportunisme. Le personnage de Derville, l’avoué honnête et lucide, sert de contrepoint à cette noirceur, offrant une lueur d’humanité dans un monde cynique. Mais même lui ne peut empêcher Chabert de sombrer dans une résignation amère, illustrant ainsi l’impuissance de l’individu face à un système impitoyable. Balzac ne se contente pas de raconter une histoire : il dépeint une époque, critique une société, et interroge la condition humaine avec une profondeur qui reste troublante aujourd’hui. Le Colonel Chabert est bien plus qu’un roman historique : c’est une méditation sur la dignité, l’oubli et la résilience, une œuvre qui, par sa force et son humanité, continue de captiver et de provoquer la réflexion. En cela, Balzac confirme son statut d’observateur inégalé de l’âme humaine et de la société, offrant une œuvre intemporelle qui résonne encore avec une pertinence déchirante.

Paris , étude de Maître Derville . Un homme vêtu de hardes se présente demandant à voir l’avocat : il prétend être le colonel Chabert laissé pour mort à la bataille d’Eylau en 1807 . Moqué par les jeunes gens de l’étude il est invité à se présenter à 1 h du matin pour rencontrer maître Derville , ce qu’il fait . L’avocat l’écoute et le récit de cet homme est des plus surprenants … J’ai vraiment bien aimé ce court roman : bien sûr il y a les portraits et descriptions mais pas seulement ; la duplicité de Rosine , la candeur de ce général d’empire , la bienveillance de Derville et puis la justice et ses limites , la politique sans limites … à lire ! « Un point c’est tout. »