Le commerce des Allongés : Le livre de Alain Mabanckou, Alain Mabanckou

Je le vois avec son nœud papillon blanc de travers, sa chemise verte, une veste orange, pantalon violet et des chaussures en cuir de crocodile… Que fais-tu là, j’ai envie de lui demander. Seul sous le grand manguier sous la lune bleue sous les étoiles du cimetière du Frère-Lachaise. C’est ma nouvelle demeure, paraît-il, un coup sur la tête et flag six pieds sous terre. Quatre jours à attendre avant que mon corps s’y repose, en attendant on m’expose dans les rues pauvres de la ville, surtout pas les riches que le défilé risque d’importuner. On me prie, on me chante, on me sourit surtout. Avec quelques caisses de Primus dans l’assistance, les gazelles remuent leur popotin et les oncles ou voisins célèbrent ma mort, mon passage vers l’au-delà. Et toi que fais-tu alors pendant ces quatre jours, ces quatre nuits ? Je rencontre mes voisins de tombes, des sages, des vieux, des pauvres, le Frère-Lachaise n’est pas le cimetière des riches. Je discute de mon pays et de son indépendance, comme ce soir de 15 août qui m’a valu de finir ici. Sur la piste de dance, les corps s’échauffent, le cul d’Adeline me chauffe autant qu’un verre de rhum, surtout quand elle se frotte contre mon bambou. La sueur dégouline de ma chemise, de son débardeur, des tams-tams cognent dans ma tête, des coups de cœurs, des coups du cœur qui martèle la latérite de ma vie. D’autres rencontres, des politiciens corrompus, des sorciers et des sorcières venus marabouter d’autres vies, et toujours ces pauvres gens sur le bord de la route qui survivent de mangues et de cacahouètes, vendeurs à la sauvette. Sous le regard de la lune voilée par l’oubli, je me rafraichis de cette littérature africaine, toujours souriante, souvent truculente. Ça serait un plaisir de partager ta tombe, jeune Liwa Ekimakingaï tant je sais que je ne m’ennuierai jamais avec tes histoires, de noirs et de grand-mère, deux bières.

J'aimai beaucoup l'idée d'écouter le livre lu par l'auteur lui-même... Toutefois, peut-être fallait il l'écouter autrement qu'en fond sonore de télétravail, pour ne pas perdre le fil de ce récit foisonnant. Il y a des moments drôles, d'autres flippants (le sort réservé aux personnes albinos)