Le Harem du roi : Le livre de Djaïli Amadou Amal, Marie Sohna Condé

Djaïli Amadou Amal est de retour pour aborder un pan de la société camerounaise hallucinant encore en 2024. Seini et Boussourau vivent de manière moderne, il est médecin, elle est prof. Mais un jour, il devient lamido, c'est-à-dire une sorte de roi, garant de la religion et des traditions. Ils s'installent à contre coeur dans le palais. Mais il prend goût à ses obligations. Boussourau tombe petit à petit dans un cauchemar. En effet, la tradition oblige le lamido à pratiquer la polygamie.. Révoltant et bouleversant, Djaïli Amadou Amal brise les tabous et dénonce des faits que nous ignorions.

Un livre qui parle des femmes mais pas que. Dans ce récit moderne, on découvre la vie d'un couple qui bascule à la nomination d'un homme au poste de Lamido, chef et garant des traditions et de la religion. Entre tradition et modernité, le couple s’éloigne petit à petit. Un livre qui parle d'amour, du poids des traditions, du degré d'acceptation des femmes et de l'esclavagisme déguisée dans une société pourtant moderne. Un récit qui donne à réfléchir : peux-t-on vraiment s'affranchir des traditions et de la religion ?

Quel beau roman sur la confrontation entre traditions et modernité ! Seinia médecin et Boussoura professeur de littérature forment un couple moderne, uni, monogame et vivent dans un bel appartement de Yaoundé. Mais le destin les rattrape. Seini hérite du titre de lamido, prince, roi de la chefferie, gouverneur des croyants au sein du lamidat. Les lamidats sont des micro Etats, des Etats dans l'Etat qui subsistent au Cameroun. Y persistent la condition servile et la présence concubines au sein d'un harem. Seina veut réformer, moderniser la structure du lamidat au départ mais il se heurte à des oppositions, se doit d'être garant de la tradition, des coutumes ancestrales. le lamidat au Cameroun et en Afrique subsaharienne a survécu à la colonisation et aux Etats modernes où l'esclavage est interdit. L'autrice y décrit les jeux de pouvoir, les alliances politiques au sein du harem, le désir de liberté de ces concubines. Un tableau complexe de la situation des femmes. Jusqu'où Boussara, l'épouse légitime, instruite, lettrée est-elle prête à aller par amour? Quelles concessions doit-elle accepter ou refuser ? Le harem, ancré dans des traditions séculaires, n'est plus un univers complètement clos et ne reste pas imperméable à la modernité, car l'autorité du lamido se confronte à l'existence des réseaux sociaux. Seini prétend être contraint de préserver les traditions par son rôle, mais n'y trouve-t-il pas également son propre intérêt ? le pouvoir a profondément transformé l'homme moderne et féministe qu'il était. Captivant.

C’est le deuxième livre de cette autrice que je lis et J’ADORE son talent, mais aussi sa détermination à dénoncer des situations propres à l’Afrique dont on ignore souvent l’existence. Dans ce cas-ci, c’est la servitude des femmes devant le lamido (le Roi) qui est racontée. C’est bouleversant, c’est choquant, c’est frustrant… mais c’est tellement important d’en parler. Je suis admirative du fait que l’autrice est une militante camerounaise, mais aussi devant son écriture de grand talent. Elle réussit à nous communiquer des sujets d’une cruelle actualité, mais également à nous raconter des histoires passionnantes et tellement agréables à lire!