Le vestibule des causes perdues : Le livre de Manon Moreau

Une semaine de dépaysement pour moi, deux ou trois mois d’endurance, de rencontres, de souffrances et d’éclats de lumière pour eux. Eux, les pèlerins de Compostelle racontés par Manon Moreau : de la petite jeune fille quasi anorexique au Breton désespéré, en passant par le nouveau retraité, les Brésiliens toujours prêts à danser et à s’extasier, la bourgeoise au teint pâle et au cœur de maman, le taciturne perdu dans cette bande, le Hongrois au cœur gros et le Parisien lettré. Sans oublier ceux qui accueillent dans les auberges et ceux qui quittent le chemin plus tôt. Dans une narration un peu éclatée, qui revient, qui repart, qui change de point de vue, nous allons de l’un à l’autre et nous les accompagnons dans leur chemin de vie. Car oui, c’est un chemin de vie : tous arrivent avec leur « cause perdue », et espèrent trouver le remède. Grâce à la compréhension, à la compassion de leurs co-randonneurs, ils avancent. Et ils apprennent à s’apprécier, à s’aider, à s’aimer, même. Le roman se présente de façon légère, sans prise de tête, et les problèmes sont exposés par petites touches, dévoilés au fur et à mesure des pages. L’auteure n’est pas pressée, on sent bien qu’elle aussi a fait ce chemin. Le lecteur suit donc le mouvement, et à vrai dire à quelques moments je piétinais, même si les paysages sont splendides, du moins ceux révélés par l’auteure. A part les problèmes d’ampoules et de chaussures en déroute, de douche froide et d’escaliers à monter à la fin de la journée, rien ne m’a fait penser au roman de Rufin, « Immortelle randonnée », qui détaillait avec d’innombrables précisions les difficultés de ce pèlerinage. C’est pour cela que j’affirme que ce roman est léger et peut-être trop « gentil » dans les rapports entre les gens. Mais peut-être suis-je trop incrédule, et peut-être cela se passe-t-il vraiment de cette façon ? En tout cas, c’est sûr que cette histoire remonte le moral et fait entrer la lumière dans cet hiver qui n’en finit pas. Alors, à défaut de sac à dos et de grosses bottines, empoignez ce livre, et bon voyage !