L'éditeur et le philosophe - Derrière la querelle entre ces deux intellectuels, deux France qui s'opposent : Le livre de Anne-Sophie Beauvais

Livre reçu (très tardivement, plus d'un mois après la date annoncée) dans le cadre de la Masse Critique. Un grand merci à Babelio et aux Editions Robert Laffont. Raconter l'amitié entre l'Éditeur, Jean-Paul Enthoven, et le philosophe, Michel Onfray, une idée, qui, pour certains, pourrait paraître étrange voir saugrenue, en tous cas, originale et courageuse au final. Anne-Sophie Beauvais, s'est attachée à approfondir la personnalité des deux protagonistes de cet essai par des rencontres, des échanges téléphoniques, mais s'est aussi fixée d'en savoir plus par d'autres personnes, d'autres personnalités, appartenant et oeuvrant dans le cercle de ces deux intellectuels qui s'opposent par leur conception et lieu de vie. Une amitié  sincère (?) naît au début de leur relation bâtie sur des bases professionnelles - l'édition du premier livre d'Onfray par Enthoven, éditeur chez Grasset, et de facto, le lancement médiatique de sa carrière de philosophe- écrivain. Rencontre de deux hédonistes : pour Onfray, le plaisir de la bonne chair, des vins capiteux, des plaisirs simples et sincères de la vie au plus près de la nature, en Province, pour Jean-Paul Enthoven les belles femmes, élégantes et talentueuses, les mondanités, le faste culturel de la capitale, les parfums de Saint-Germain -des-Prés . Amitié qui se transmue en détestation réciproque, définitive, justifiée (en partie sans doute mais pas totalement) par la proposition d'Enthoven faite à Onfray de changer de mode de vie, de venir vivre à Paris, d'adopter les us et coutumes de l' intelligentsia parisienne, en un mot, devenir un germanopratin éclectique mais toujours porteur des valeurs culturelles de Paris. Cette rupture, se traduit par des regrets (authentiques?) , pour au moins l'un d'entre eux, une amitié métamorphosée en aversion. Ces deux là, intelligents, brillants; avaient besoin, dans leur carrière, l'un de l'autre, mais le temps de l'amitié leur était compté « l'amitié est le mariage de l'âme et ce mariage est sujet au divorce » (Voltaire, citation reprise page 61). Anne-Sophie Beauvais précise : « J'y voyais néanmoins assez clair sur le déroulé desdits évènements : un éditeur parisien,… avait découvert les talents d'écrivain d'un jeune type provincial autodidacte qui enseignait la philosophie dans un lycée technique d'une petite ville de province, grâce à l'éditeur, le jeune type allait se transformer en auteur, se faire connaître, être introduit dans un monde littéraire et intellectuel plutôt fermé et élitiste… le jeune auteur allait recevoir de la part de l'éditeur un enseignement rare : celui des usages, des codes utiles à la déambulation parisienne. » La deuxième partie du livre m'a plus intéressée, Anne-Sophie Beauvais s'y investit plus dans les réflexions et les analyses personnelles. Il me semble qu'elle aurait peut être pu, avec d'autres entretiens plus tardifs et plus complets découvrir, percer, sous le vernis mondain d'Enthoven, un homme sinon différent, du moins plus « humain », c'est l'impression que j'ai ressenti à travers la lecture de son dernier roman «  Si le soleil s'en souvient » une enfance qui a laissé des scarifications qu'il a longtemps occulté   "cette tranche pittoresque d'ancienne vie, cet autrefois qui en vaut bien d'autres, car c'était bon à vivre tout ça et peu commun ".