L'empowerment, une pratique émancipatrice ? : Le livre de Marie-Hélène Bacqué, Carole Biewener

Poche

La Découverte

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Attention, livre important pour celles et ceux qui questionnent l'incapacité des politiques et des experts à répondre aux défis de notre époque troublée. Et qui s'interrogent sur la façon dont les citoyens et citoyennes peuvent construire des alternatives. Ce questionnement est en effet à l'origine, dans les États-Unis d'après-guerre, du concept d' empowerment, désignant le " pouvoir d'agir " des individus et des collectifs. Ce concept a connu depuis un succès planétaire dans le monde anglophone. Mais il n'a percé que plus récemment dans les autres espaces culturels, dans les milieux du travail social comme dans la littérature du management. D'où l'utilité de ce livre qui synthétise la foisonnante littérature anglophone sur la notion d' empowerment. Il retrace sa genèse, l'histoire de ses multiples variantes et celle des pratiques sociales qu'elles ont nourries.
Des mouvements féministes du Nord et du Sud jusqu'aux programmes de la Banque mondiale et de l'ONU, la notion est utilisée aussi bien dans une perspective radicale d'émancipation que pour conforter les visions néolibérales ou sociales-libérales. Défendant résolument sa version émancipatrice, les autrices en expliquent les limites, mais aussi l'importance afin d'éclairer les débats contemporains sur la démocratie.

De (auteur) : Marie-Hélène Bacqué, Carole Biewener

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Expérience de lecture

Avis des libraires

Les réflexions actuelles autour d'une réinvention de la politique de la ville mettent en relief l'engouement, dans le champ politique et social, pour la notion d'empowerment. Comme le storytelling ailleurs, le concept anglo-saxon s'est imposé en France au cours des années 2000. Mais la difficulté de traduction illustre ses ambivalences. Dans une passionnante réflexion, Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener soulignent que "la notion - et c'est ce qui rend difficile sa traduction - permet de saisir ensemble l'accès au pouvoir comme état ou comme objectif et le processus pour y arriver".|Jean-Marie Durand
Les Inrockuptibles
Empowerment. Ce mot rime avec management et évoque davantage l'anglais appauvri des affaires que la langue de Shakespeare. Pourtant, son origine étymologique n'est pas toute récente. Né au XIX° siècle, il " définit à la fois un état et une action, celle de donner du pouvoir ", expliquent Marie-Hélène Bacqué, professeure d'études urbaines à l'université Paris-Ouest-Nanterre, et Carole Biewener, professeure d'économie et d'études du genre à Boston. À l'époque, l'action désignée renvoie à l'impulsion d'une puissance supérieure, étatique ou religieuse. Mais à partir des années soixante-dix, des mouvements comme celui des féministes américaines mobilisent l'empowerment dans le sens d'une prise en charge par la société civile de ses propres affaires. D'où le fait que la notion intéresse aujourd'hui en France les chercheurs travaillant sur les formes de démocratie participative, ou, comme ce fut déjà le cas également aux États-Unis dès les années soixante, des travailleurs sociaux soucieux d'aider les personnes en difficulté à reprendre leur vie en main. Il n'empêche. Comme le reconnaissent les deux auteures, c'est aussi conjointement dans le management d'entreprise que le terme se répand de notre côté de l'Atlantique. Au final, l'empowerment peut se repérer tant dans le lexique d'une gauche radicale à tendance libertaire, critique envers le pouvoir d'État, que dans le champ de l'idéologie néolibérale, dont les tenants invoquent eux-mêmes l'autonomie et la responsabilisation des individus, mais cette fois pour justifier les coupes dans les budgets sociaux. Une notion qui circule entre des courants a priori contradictoires n'est-elle pas vecteur de confusion ? Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener font un travail minutieux pour bien dissocier ces différents registres. " Le projet néolibéral d'autonomisation ou d'autoprise en charge vise à produire un individu entrepreneur et consommateur, (...) qui contribue à reproduire et à faire fonctionner le système capitaliste plus qu'à le questionner ou le transformer ", conviennent-elles. Mais alors le recours à l'empowerment a-t-il vraiment un intérêt pour éclairer et renforcer les pratiques émancipatrices ? Si l'on veut bien considérer que la bureaucratie reste un point relativement aveugle à gauche, la réponse tendra à être positive. Reste à savoir si l'émancipation sociale ne suppose pas de créer une culture, et donc aussi des concepts, que ses ennemis ne puissent pas si facilement détourner.|Laurent Etre
L'Humanité
Apparue en France au cours des années 2000 en provenance des États-Unis, la notion d'" empowerment " apparaît dans de multiples domaines : entreprise, université, travail social, éducation, développement international. On la trouve, en France, associée à celle de " démocratie participative ". L'empowerment possède un double sens : celui de détenir un pouvoir mais aussi celui de se rendre capable de l'acquérir, un état donc tout autant qu'un apprentissage. De là la difficulté à le traduire en français (" empouvoirisation ", et au Québec " pouvoir d'agir ", ou " affiliation "). Par-delà les difficultés lexicales, c'est sans doute la difficulté d'acclimater l'idée à nos réalités sociopolitiques qui empêche que notre langue se l'approprie tout à fait. Aux États-Unis, le concept d'empowerment a connu une évolution notoire, employé à la fois par les libéraux et les conservateurs. Les auteurs distinguent donc trois modèles d'empowerment outre-Atlantique : radical, sociolibéral et libéral. Des premiers aux derniers, c'est la dimension individuelle qui s'affirme au détriment de celle, collective, qui prévalait à ses débuts.
L'empowerment radical " prend sens dans une chaîne d'équivalences qui lie les notions de justice, de redistribution, de changement social, et de pouvoir, celui-ci étant exercé par ceux "d'en bas' ". Le mouvement féministe des années 1970 l'utilise pour qualifier sa lutte contre les violences domestiques et le viol. Mais sa dimension critique perd de son tranchant à mesure qu'elle se diffuse. Son emploi par les institutions internationales a fini par en faire l'outil de l'individu entrepreneur de lui-même.
Or l'empowerment porte en lui une conception du pouvoir et du contre-pouvoir non plus vertical, mais distribué selon des formes inventives, créatives, toutes expérimentations collectives aptes à transformer les hiérarchies. Et le terme ne désigne pas seulement le " pouvoir sur ", mais aussi le " pouvoir de " et le " pouvoir avec ".|Thierry Jobard
Sciences Humaines
Le terme anglais empowerment - traduire (peu ou prou) "pouvoir d'agir" - occupe les sciences sociales et les luttes outre-Atlantique depuis lis d'un demi-siècle. Il ne s'est pourtant, pour l'instant, que peu diffusé en France, en dehors peut-être des membres d'Act Up-Paris, l'inventive association de lutte contre le sida, qui a fait sienne dès sa naissance en 1990 cette manière pour des individus ou des collectifs de construire des formes d'action et des alternatives. Cet ouvrage synthétise utilement l'abondante littérature anglo-saxonne sur la notion, non sans pointer ses utilisations parfois perverses par le management ou en faveur du néolibéralisme.
Politis

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10,00 € Poche 176 pages