Les Fleurs du mal : Le livre de Charles Baudelaire

Je n'en est de souvenir que les poèmes qui m'ont marqué. Je n'ai pas tout lu et je crois que c'est pas grave. C'est comme ça que ça se lit un recueil de poèmes il me semble. Important, de préciser qu'il faut lire des éditions avec les Épaves, car il y a parmi ces poèmes probablement les meilleures du recueil.

Baudelaire, Baudelaire… Encore toi. On t'avait pourtant prévenu : il y a des limites à faire rimer tristesse avec prouesse, putréfaction avec satisfaction, spleen avec routine. Mais non, toi tu fonces tête baissée dans la mélancolie stylisée, tu cultives ton désespoir comme une orchidée malade, persuadé qu’on peut parfumer le néant à coups d’alexandrins impeccables. Tes Fleurs du Mal ? Parlons-en ! Un catalogue soigneusement composé de vices dorés sur tranche, un herbier d’âmes fanées, de désirs rassis, de nostalgies moisies. Tu pensais déranger les bien-pensants avec tes charognes enrubannées et tes amours à l’odeur de soufre, mais au fond, tu les as surtout ennuyés. Trop beau pour être cru, trop cru pour être beau, on ne sait jamais vraiment si tu hurles de rire ou si tu pleures à chaudes larmes—probablement les deux, en bon dandy bipolaire que tu es. Oui, Charles, on aime bien ton spleen, ta déprime soigneusement orchestrée comme un suicide raté en smoking. On reconnaît volontiers que tu as du génie : personne avant toi n’avait réussi à élever l’ennui au rang de philosophie esthétique. Ton talent, c’est de nous donner envie de relire tes poèmes par pure morbidité, comme on revient contempler l’état de décomposition avancée d’un bouquet offert par erreur à un amour perdu d’avance. C’est charmant, vraiment. On navigue entre ton obsession pour les femmes toxiques, ton goût prononcé pour les paradis artificiels, et cette formidable propension à nous rappeler qu’on est mortels, fragiles, et probablement ridicules. Mais soyons honnêtes : après deux cents pages, on a surtout envie de te prescrire un antidépresseur, Charles, voire deux, histoire que tu comprennes enfin que le Mal est un peu surfait quand on le cultive comme une rose noire dans un pot doré. Et pourtant, paradoxe suprême : on ne te lâche pas. Parce que quelque part, on te ressemble : cyniques, désenchantés, désespérément attirés par tout ce qui nous blesse avec élégance. Baudelaire, tu es l'ami toxique qu'on aime inviter parce qu’il rend nos propres misères un peu plus présentables. Alors, bravo pour ces Fleurs du Mal—ce cimetière fleuri d’émotions soigneusement désabusées—qu’on aime sincèrement détester, en espérant toujours ne jamais finir par leur ressembler complètement.

Un très joli recueil de poème que j'ai été contrainte (comme beaucoup) de lire adolescente pour le bac. Je n'avais pas été particulièrement touchée à ce moment par l'écriture et par les thèmes abordés (et leur interprétation trop littérale par les professeurs). Néanmoins, à ce jour, en relisant certains poèmes et certains thèmes, la poésie est très bien écrite, très touchante et tout me paraît plus limpide, plus clair à ce jour. Je pense qu'il faut le lire à l'âge adulte pour comprendre véritablement les vers et qu'ils résonnent en nous.

Encore une lecture scolaire que je critique à posteriori. J'’ai toujours entendu parler des Fleurs du Mal comme d’un monument incontournable de la poésie française, mais rien ne m’avait préparée à l’expérience presque hypnotique que cette lecture a été pour moi. Baudelaire a un talent unique pour capturer l’ambivalence du monde, entre beauté et décadence, lumière et ombre. J’ai été frappée par la puissance évocatrice de ses vers, capables de peindre des tableaux d’une sensualité troublante, avant de sombrer dans des abîmes de mélancolie. Ce qui m’a le plus marquée, c’est la musicalité du texte. Chaque poème semble avoir son propre rythme, tantôt lancinant, tantôt envoûtant, et j’ai parfois eu l’impression d’entendre une mélodie derrière les mots. Certains vers me sont restés en tête bien après ma lecture, comme s’ils avaient imprimé une empreinte sur mon esprit. L’alternance entre spleen et idéal est l’un des aspects qui m’a le plus séduite. Baudelaire explore l’aspiration à l’absolu et la chute inévitable dans le désenchantement avec une justesse qui résonne encore aujourd’hui. Ses thèmes – l’amour, la mort, la beauté, la fuite du temps – ont une universalité qui transcende les époques. J’ai particulièrement aimé les poèmes où il sublime le quotidien en lui insufflant une touche de mystère, où il parvient à transformer le banal en un tableau saisissant. Cela dit, certains passages m’ont paru plus hermétiques, plus difficiles à appréhender. L’exploration du mal et de la déchéance, aussi fascinante soit-elle, peut parfois être éprouvante. Il y a quelque chose d’étrangement addictif dans cette poésie, un parfum de souffre qui attire autant qu’il dérange. Une œuvre intemporelle, à lire et à relire, pour le plaisir des mots et l’expérience sensorielle qu’elle offre.