Les Graciées : Le livre de Kiran Millwood Hargrave

Un magnifique « petit » roman, basé sur des faits réels, qui se déroule au 17eme siècle, dans une contrée lointaine et glaciale de Norvège, au Nord du cercle polaire. Ici vit une communauté de pêcheurs sur l'ile de Vardø, dans de très rudes conditions de vie, entre froid glacial, boue, crasse et pauvreté … Le récit s'ouvre sur une tempête qui s'abat sur la mer et qui décime littéralement la population masculine partie en mer pêcher. Désormais seules les femmes restées à terre, et qq enfants et vieillards, composent cette communauté qui doit se débrouiller pour survivre. Mais beaucoup de traditions, préjugés et superstitions divisent cette communauté patriarcale. On suit ici le destin de 2 personnages principaux : Maren, une jeune femme autochtone, qui a perdu son père, son frère et son fiancé dans la tempête, et Ursa (Ursula) la jeune épouse malheureuse d'un fanatique et violent "délégué" envoyé par le Roi pour remettre de l'ordre dans cette communauté suspectée de sorcellerie. C'est l'époque réelle où le roi Christian IV met en place une véritable chasse aux sorcières sur son territoire Danemark Norvège, notamment contre le peuple des Saamis, pour christianiser tous ses territoires notamment les plus lointains. Les deux héroines, que tout oppose, vont se rapprocher et s'allier pour échapper, non sans difficulté, à cette terreur et s'émanciper. Ce qui rend ce roman très puissant est à la fois le récit basé sur des faits réels, dans un contexte historique méconnu pour ma part, avec une communauté magnifiquement décrite et des personnages particulièrement attachants, que l'on voit évoluer au fil de récit ; L'écriture est également une des forces de ce récit, organique, immersive, puissante, et sensible. On ressent ce que vivent ces personnages, on foule à pied le village comme si on y était, on voit et on sent la pauvreté et la crasse, on vit la cruauté des rapports humains dans une petite communauté faite de ragots, de bigoterie, de peur et de jalousie… on voit la dureté des hommes fanatiques, des paysages, la toute puissance de l'environnement. Je sors hypnotisée par ce récit, qui est par ailleurs tout à fait d'actualité sur les abus des puissants fanatiques à l'encontre des plus faibles... le monde ne change pas !!!

24 décembre 1617. Un drame décime la population de Vardo, un village situé sur une île norvégienne du nord lointain. Une tempête s’abat subitement sur les bateaux au large et tue en quelques minutes une quarantaine de pêcheurs, l’ensemble des hommes de la communauté. Pendant ce temps, le roi du Danemark s’inspire de ce qui se pratique en Ecosse pour promouvoir la religion et faire cesser les rites païens. Il envoie à Vardo un inquisiteur fanatique avec pour mission d’éradiquer les sorcières de la région. Kiran Millwood Hargrave s’est inspirée de la réalité historique pour écrire Les graciées. Durant cette période sombre, quatre-vingt-onze personnes périrent au nom de Dieu dans ce coin perdu proche du cercle polaire. Dans ce roman, l’auteure décrit avec précision les mécanismes menant à l’indicible. Sa magnifique plume acérée transmet avec une forte puissance narrative toute l’horreur de l’histoire. Le christianisme n’en sort pas grandi. Une religion pas épargnée par un obscurantisme barbare et sanguinaire. L’être humain en prend pour son grade aussi. Sa bêtise, son fanatisme, mais aussi sa cupidité, sa jalousie, son envie maladive, son désir de pouvoir, l’ensemble justifié par la loi et la religion, envers et contre toute morale. Quant à la place de la femme, à sa condition de vie, à ses devoirs, sans droits, le lecteur ne peut que frémir d’épouvante en les découvrant et la lectrice se féliciter d’avoir échappé à ces traitements cruels et injustes. Quel monde ! Un grand roman dont on se souvient longtemps après lecture. Un roman bouleversant.

Il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer à la plume de l'autrice et à sa narration, mais après quelques chapitres je me suis laissée emportée par l'ambiance diffuse, poisseuse et rude qui s'installe lentement. Le rythme est lent, et si vous cherchez de l'action je vous conseille de vous orienter vers une autre lecture. On est ici sur quelque chose de contemplatif, sur des liens qui se tissent lentement entre les personnages, et une intrigue qui se noue peu à peu, emportant inévitablement les personnages et le lecture vers une fin attendue mais bouleversante. La plus grande réussite de ce roman est sa galerie de personnages, principalement féminins finement caractérisés et très réalistes. Si les deux personnages principaux, Maren et Ursa, par lesquels l'autrice déroule sa narration, retiennent particulièrement l'attention, j'ai aussi beaucoup aimé Diinna et Kirsten, solides et intransigeantes, ainsi, étonnamment, que le groupe des dévotes qui va commettre l'irréparable et s'en rendre compte bien trop tard. Absalom est l'antagonisme qu'on aime détester, froid et fanatique, mais possède également une ambivalence profondément humaine. La relation entre Ursa et Maren est très douce et naturelle, peut-être le seul rayon de soleil éclairant le récit. L'autrice distille une ambiance hivernale et désertique. Toute la solitude et la singularité de Vardø, petite île perdue aux confins du monde, le froid polaire, la crasse incrustée et la rudesse suintent des pages. J'ai aimé découvrir la culture que je ne connaissais pas, très bien retranscrite, et les journées sans fin qui s'enchaînent dans ce village singulier. Elle a également su parfaitement restituer, par petite touche, le contexte historique global, l'emprise de fer de la religion qui guide les journées et rythment les vies et les pensées, et le patriarcat ambiant. Les réflexions sur la liberté de Kristen, la découverte abrupte des réalités du mariage par Ursa, la violence de l'autorité exercée par Absalom sur Ursa et l'ensemble des femmes de Vardø, est tristement réaliste. Au fur et à mesure des pages, le lecteur sens inévitablement un piège malsain se nouer et se refermer autour de Vardø et de ses habitantes. La dernière partie, bien qu'attendue et redoutée, résonne comme un coup de tonnerre tant l'on aurait voulu se tromper. Aucune violence gratuite, rien (ou presque) n'est montré, tous est sous-entendu, pourtant la violence d'un monde fanatique, patriarcal et profondément raciste explose en un final bouleversant qui laisse le cœur au bord des lèvres. On ne ressort pas indemne et joyeux de cette lecture, tant elle laisse un goût amer sur les lèvres. Particulièrement en ces temps troubles ou les droits supposés acquis semblent chaque jour remis un peu plus en question. Plus qu'un roman féministe, loin des dystopie auxquels on est de plus en plus habitué, ce roman historique nous rappelle qu'il n'y a malheureusement pas à chercher très loin, dans notre imagination ou dans d'autres cultures, pour trouver l'horreur. Inspiré d'une histoire tristement vraie, ce roman est un avertissement que je conseille à tous pour son écriture poétique et prenante, et son thème encore tristement actuel.

Il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer à la plume de l'autrice et à sa narration, mais après quelques chapitres je me suis laissée emportée par l'ambiance diffuse, poisseuse et rude qui s'installe lentement. Le rythme est lent, et si vous cherchez de l'action je vous conseille de vous orienter vers une autre lecture. On est ici sur quelque chose de contemplatif, sur des liens qui se tissent lentement entre les personnages, et une intrigue qui se noue peu à peu, emportant inévitablement les personnages et le lecture vers une fin attendue mais bouleversante. La plus grande réussite de ce roman est sa galerie de personnages, principalement féminins finement caractérisés et très réalistes. Si les deux personnages principaux, Maren et Ursa, par lesquels l'autrice déroule sa narration, retiennent particulièrement l'attention, j'ai aussi beaucoup aimé Diinna et Kirsten, solides et intransigeantes, ainsi, étonnamment, que le groupe des dévotes qui va commettre l'irréparable et s'en rendre compte bien trop tard. Absalom est l'antagonisme qu'on aime détester, froid et fanatique, mais possède également une ambivalence profondément humaine. La relation entre Ursa et Maren est très douce et naturelle, peut-être le seul rayon de soleil éclairant le récit. L'autrice distille une ambiance hivernale et désertique. Toute la solitude et la singularité de Vardø, petite île perdue aux confins du monde, le froid polaire, la crasse incrustée et la rudesse suintent des pages. J'ai aimé découvrir la culture que je ne connaissais pas, très bien retranscrite, et les journées sans fin qui s'enchaînent dans ce village singulier. Elle a également su parfaitement restituer, par petite touche, le contexte historique global, l'emprise de fer de la religion qui guide les journées et rythment les vies et les pensées, et le patriarcat ambiant. Les réflexions sur la liberté de Kristen, la découverte abrupte des réalités du mariage par Ursa, la violence de l'autorité exercée par Absalom sur Ursa et l'ensemble des femmes de Vardø, est tristement réaliste. Au fur et à mesure des pages, le lecteur sens inévitablement un piège malsain se nouer et se refermer autour de Vardø et de ses habitantes. La dernière partie, bien qu'attendue et redoutée, résonne comme un coup de tonnerre tant l'on aurait voulu se tromper. Aucune violence gratuite, rien (ou presque) n'est montré, tous est sous-entendu, pourtant la violence d'un monde fanatique, patriarcal et profondément raciste explose en un final bouleversant qui laisse le cœur au bord des lèvres. On ne ressort pas indemne et joyeux de cette lecture, tant elle laisse un goût amer sur les lèvres. Particulièrement en ces temps troubles ou les droits supposés acquis semblent chaque jour remis un peu plus en question. Plus qu'un roman féministe, loin des dystopie auxquels on est de plus en plus habitué, ce roman historique nous rappelle qu'il n'y a malheureusement pas à chercher très loin, dans notre imagination ou dans d'autres cultures, pour trouver l'horreur. Inspiré d'une histoire tristement vraie, ce roman est un avertissement que je conseille à tous pour son écriture poétique et prenante, et son thème encore tristement actuel.