Peut-on se passer du nucléaire ? : Le livre de Science & vie, Yves Marignac, François-Marie Bréon

François Marie Bréon est physicien – climatologue au sein du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement ( CEA – CNRS – Université Paris Saclay) , Yves Marignac est chef du pole énergies nucléaires et fossiles de l’Institut Negawatt et membre du groupe permanent d’experts de l’Autorité de Sureté Nucléaire. Ces deux experts ont été invités par Science et Vie, dans le cadre de sa collection « oui ou non » à débattre de la question du nucléaire : « nous n’avons pas demandé à Yves Marignac et Pierre Marie Bréon de se livrer à une bataille des chiffres, expertise contre expertise , mais avons sollicité de leur part un regard d’ensemble , une appréciation raisonnée des options sur la table, un regard différentié sur les forces et faiblesses des scénarios énergétiques de la France avec et sans nucléaire ». Les deux auteurs expriment clairement des avis différents sur la possibilité d’aller rapidement vers un modèle de société beaucoup plus sobre et utilisant au maximum les énergies renouvelables. Alors qu’Yves Marignac défend le scenario Negawatt qui fait le pari que la sobriété et l’efficacité permettront à l’horizon 2050 de se passer du nucléaire , François Marie Bréon ne croit pas à l’acceptabilité d’un tel scenario : « je suis d’accord pour considérer qu’il faudra mobiliser une plus grande sobriété dans nos usages énergétiques , mais je suis convaincu que nous allons devoir pouvoir compter sur une électricité abondante et decarbonnée et que le nucléaire est particulièrement bien placé pour cela ». Cependant, ils se rejoignent le constat d’un décalage important entre les discours et la réalité de la trajectoire du nucléaire en France « le choix de conserver une capacité de production nucléaire importante à l’avenir n’est pas sans difficulté. Il faut le reconnaitre, la construction de l’EPR de Flamanville est un désastre » nous dit Pierre Marie Bréon. « le constat est aussi que , pour différentes raisons, le système nucléaire est de moins en moins fiable » nous dit Yves Marignac. L’ouvrage met en exergue la place très particulière du nucléaire, . Yves Marignac souligne « le contraste entre l’importance qu’a le nucléaire dans l’histoire récente de l’humanité – c’est une technologie majeure- et son rôle extrêmement marginal dans la production d’énergie » . Le film de Christopher Nolan « Oppenheimer » est là pour nous rappeler que la première utilisation historique du nucléaire a été militaire et que le déploiement du nucléaire civil a toujours fait l’objet d’un contrôle géostratégique des premières puissances nucléaires. Quant au rôle dans l’approvisionnement énergétique, si le nucléaire représente environ un tiers de l’approvisionnement énergétique de la France, au niveau mondial c’est effectivement marginal. Les deux auteurs s’accordent aussi sur le besoin de prendre position clairement : « en fin de compte, je ne sais pas très bien ce que veut la France quand il s’agit de se projeter dans l’avenir de la filière énergétique nucléaire » « il faut qu’il y ait un débat politique – car c’est une décision politique- sans tarder », nous dit Pierre Marie Bréon. « On ne fera pas l’économie de la construction d’une vision à long terme du système électrique et du chemin pour l’atteindre », nous dit Yves Marignac. De préférence sois forme d’un débat politique et si possible citoyen et non sous forme de décision technocratique. Un petit livre rapide à lire avec sur chaque question des avis parfois contradictoires qui permettent de se faire une opinion sur les termes du débat. Un seul regret : la partie « repères » qui donne quelques chiffres, aurait mérité d’être beaucoup plus précise et pédagogique.