Prof - Une journaliste en immersion : Le livre de Anna Benjamin

Prof : métier qui fait jaser. Tout le monde est allé à l’école et donc, a un avis sur l’école, les profs…mais être prof au quotidien ça donne quoi ? Anna Benjamin, journaliste de formation, décide de jouer le jeu. Elle devient prof contractuelle pendant six mois dans deux établissements différents. Étant moi-même jeune prof, j’avoue m’être reconnue sur pas mal de points bien que chaque expérience est différente (et mériterait bien son livre).

Dans son ouvrage "Prof", Anna Benjamin nous offre une plongée percutante et réaliste dans le monde complexe de l'éducation nationale française. Elle parvient avec brio à mettre en lumière les dysfonctionnements multiples qui gangrènent ce système vital, renforçant ainsi la portée de son message. Ce livre n'est pas seulement une critique ; c'est un appel à la prise de conscience et à l'action. Ana Benjamin met en exergue les dérives des réformes successives qui ont marqué l'éducation. Trop souvent, ces changements, impulsés par des gouvernements successifs, semblent déconnectés des réalités du terrain. Les véritables acteurs du système éducatif — enseignants, directions, CPE et autres personnels — sont, hélas, rarement consultés. L'autrice démontre combien cette absence de dialogue et de confiance est néfaste, non seulement pour les professionnels de l'éducation mais aussi pour les élèves qui en subissent directement les conséquences. Elle illustre avec justesse comment ces réformes, censées apporter des améliorations, se traduisent souvent par des bouleversements inutiles qui sapent l'engagement des enseignants. L'un des points les plus frappants du livre est la question de la charge de travail des professeurs. Loin des clichés qui dépeignent ces derniers comme bénéficiant de 18 heures de travail hebdomadaire, Benjamin expose le véritable visage de leur quotidien, où une implication de plus de 40 heures est la norme. Son honnêteté et sa clarté face à la complexité de cette réalité font résonner un cri de désespoir face à un système qui semble souvent vouloir minimiser leur rôle, tout en augmentant leurs responsabilités. L'autrice souligne également l'absence de confiance dont souffrent les enseignants, un manque de reconnaissance qui accentue le sentiment d'isolement et de dévalorisation des professionnels. Elle appelle à rétablir un dialogue authentique entre les décideurs et les praticiens, suggérant que seul un véritable échange peut permettre d’envisager des solutions durables aux problèmes rencontrés. Par sa prose éclairante et ses observations précises, Anna Benjamin nous invite à réfléchir sur l'évolution du métier d’enseignant. Elle nous rappelle que la passion pour l'éducation ne doit pas être étouffée par des structures rigides et des directive inefficaces. Au contraire, c'est en écoutant réellement ceux qui œuvrent au quotidien dans les salles de classe que le système éducatif pourra espérer se réformer en profondeur.

J'ai été happée par ce témoignage très réaliste et me suis retrouvée dans l'expérience d'Anna Benjamin, journaliste en immersion. Notamment lors de sa deuxième expérience dans le Paquebot, collège de cité, classé REP +. Anna Benjamin détaille très bien les dysfonctionnements de l’Éducation Nationale et dresse de beaux portraits d'enseignant.es qui sont engagé.es auprès des élèves. Elle décrit également des professeur.es qui cherchent à se protéger et à sauver leur peau car, oui, ce métier peut broyer quand on veut faire de son mieux. Par exemple, la journaliste évoque les TRZ qui passent plusieurs heures dans les transports, les néotitulaires envoyé.es dans des collèges difficiles parce qu'il n'y a pas suffisamment de personnels, les contractuel.les envoyé.es sans formation. Les élèves aussi, abandonné.es et en souffrance scolaire. Avant d'en commencer la lecture, j'étais pleine d'a priori. Je n'avais pas envie de lire un témoignage objectif de notre métier. Anna Benjamin met beaucoup de sensibilité dans ses propos. Elle a vécu ce que touste débutant.e (et plus aguerri.e) peut éprouver : le stress avant l'arrivée des élèves, la préparation de la salle, les moments d'échecs qui peuvent miner, les petites réussites, les moments de cohésion et les discussions avec les collègues, si importants. Bref, c'est une belle tranche de vie de prof. J'en conseille la lecture, y compris à celles et ceux qui ne sont pas enseignant.es.

Je remercie Anna Benjamin pour cette démarche d'écriture. Journaliste spécialisée dans le domaine de l'Education, elle a choisi de plonger dans le grand bain durant une année afin de témoigner au plus près. Cela m'a (presque) donné envie de reprendre mes classes en cette veille de rentrée! Par contre, la dure réalité que vivent certains de mes collègues n'est peut-être pas assez divulguée: les élèves sont montrés comme difficiles mais attachants, les profs se font parfois bordélisés mais oublient le jour d'après, les parents sont effacés mais à priori non dérangeants (ils ne s'opposent pas aux sanctions...). Le fait qu'Anna Benjamin refuse de poursuivre l'expérience nous laisse comprendre qu'être prof n'est pas facile, mais les anecdotes ne sont, je pense, pas assez creusées pour révéler l'amplitude du mal être qui règne à l'Education Nationale.