Un jour nous avons été vivants : Le livre de Julien Hervieux

Ce livre n'est pas un ouvrage historique, bien que l'auteur ait analysé et épluché des centaines de lettres et autant de témoignages ayant trait à la Première guerre mondiale. Néanmoins, le récit qu'il fait de ces hommes, engagés au sein d'un même régiment envoyé au front dès les premières heures du conflit est très intéressant à suivre. En donnant la parole à chacun des personnages, comme s'il s'agissait de fantômes revenus des limbes pour nous livrer sa version des faits. C'est comme si les acteurs de cette guerre nous parlaient directement. Ainsi, nous nous trouvons, à leurs côtés, derrière eux, à partager leur peur, leurs larmes et leur souffrances. Mais aussi leurs colères. Le tout dans une intrigue cohérente où le récit se défile sous nos yeux et nous incite à réfléchir. Nous avons ainsi le point de vue du soldat de base, des gradés, des hauts gradés, et même des infirmières et des civils. Le style est raffiné, c'est précis au point de vue des détails historiques. On aurait apprécié, cependant, le point de vue de "ceux d'en face" (même si parole est donnée à quelques soldats allemands) mais le livre rend hommage à nos anciens qui combattirent sur cette portion de terre de France et assurèrent sa liberté. Liberté, oui, mais à quel prix ? Ce livre insiste d'ailleurs sur ceux qui revinrent des tranchées, atteints de ce que l'on nomme aujourd'hui le "stress post-traumatique" et que, à cette époque, nul n'était capable de traiter. La souffrance de ces vétérans qui ne pouvaient pas parler de ce qu'ils avaient vécu. A qui d'ailleurs ? Et comment le dire ? Ces gens nous parlent à nous, comme des spectres venus d'un passé centenaire et nous questionnent sur nos vies. Sur la chance d'être vivants dans un monde en paix. Mais au prix du sacrifice de ces hommes, tombés jeunes pour la plupart ou d'autres, revenus, mais qui vieillirent prématurément sans jamais avoir profité de leur jeunesse. Une lecture nécessaire, à l'heure où certains entendent parfois remettre en cause et menacer les fondements de notre sécurité collective. Un travail de mémoire utile afin de ne pas oublier.