Voici venir les rêveurs : Le livre de Imbolo Mbue

2007, New York. Ça y est : Jende Jonga, sa femme Neni et leur fils Liomi, Camerounais de naissance, sont en Amérique et ont un appartement à Harlem. Rien de luxueux, mais leur rêve de vivre aux USA se réalise enfin. Si elle a un visa d’étudiante, lui espère obtenir prochainement la fameuse « green card », sésame pour rester travailler en Amérique, puis devenir citoyen américain. Chance inouïe, Jende trouve un emploi de chauffeur pour Carl Edwards, cadre dirigeant de la banque Lehman Brothers. Les dollars rentrent, la vie est belle, l’espoir de papiers en règle est immense. Au fil des jours, Jende et son patron vont nouer des liens professionnels et personnels. Mais la crise des subprimes n’est pas loin, et les cartes vont être cruellement rebattues pour Jende et sa famille. Au point de voir ses rêves balayés ? J’ai emprunté ce roman dans ma médiathèque dans le cadre du challenge « Globe-trotters » sur Babelio, et je ne regrette pas ce choix. L’auteure nous dépeint le désir d’une famille camerounaise de migrer en Amérique, pays où tout est possible alors rien ne l’est au Cameroun. Ce rêve de vie américaine est entretenu par les films et les séries diffusés à longueur de journée à la télé camerounaise. De plus, le statut social au Cameroun empêche beaucoup d’évolution, et être pauvre vous condamne trop souvent à le rester. Alors quand la chance et l’aide de la famille permettent à Jende de partir, il fonce et fera tout pour faire venir sa femme et son fils. Une fois son vœu réalisé, Jende sera confronté à l’obtention de papiers légaux, indispensables à la pérennisation de leur situation. Avec un certain sens de l’humour, Imbolo Mbué nous décrit les avocats de l’Immigration, la constitution des dossiers, les affres de l’attente, les récriminations une fois la réponse obtenue. La bonne foi et le travail ne suffisent pas et les rêveurs ont le réveil difficile… En essayant de s’intégrer dans la société américaine, la famille Jonga fait face à des différences culturelles énormes. Entre le mode d’alimentation, les prix, les relations avec la population blanche, c’est toute une panoplie de traditions qui est mise à mal par la vie à New York. Comme les Jonga ne doivent surtout pas faire de vague, certaines situations prêtent à sourire. Cela détend un peu, alors que la situation générale de la famille tient à un fil administratif… Car finalement, migrer aux USA est-il vraiment la solution pour une vie meilleure ? Meilleure comment, pour qui, en reniant quoi ? Toutes ces questions remontent à la surface quand le rêve prend fin, que chacun doit prendre une décision qui impactera le reste de sa vie, et des siens. Imbolo Mbué a écrit un roman très agréable à lire sur un sujet universel : trouver sa place pour y vivre sa vie. Elle reste factuelle sur bien des points et s’appuie sur la culture camerounaise pour mettre en avant les difficultés à s’installer dans un pays fantasmé et qui se révèle tout autre. C’est parfois plein de poésie, ou bien de scènes cocasses. En tout cas, on ne s’ennuie pas un seul instant, et on a hâte de connaitre la fin de l’histoire. Excellente surprise que ce « Voici venir les rêveurs » que je conseille à tout le monde !

Voici venir les rêveurs" démarre au quart de tour. Tout commence dans le bureau d'une tour de New-York où Jende, immigré camerounais sans papier, joue sa vie : il passe, à coup de grosses gouttes de sueur, un entretien d'embauche pour devenir le chauffeur privé d'un riche banquier de Lehman Brother. Chapitre suivant, nous rencontrons Néni, son épouse, joyeuse et énergique, qui semble respirer à pleins poumons la liberté que lui procure New-York. Fébrile et fière d'être là, elle caresse enfin son espoir, son ambition chevillée au corps : devenir pharmacienne. La structure de cette histoire alterne entre la vie (l'avis) de Jende et l'avis (la vie) de Néni. Ce livre est construit sur de nombreuses dualités : Les Etats-Unis / le Cameroun New-York / Limbé La culture occidentale / La culture africaine Les Blancs / Les Noirs Les riches / les pauvres Les natifs installés/ les déracinés immigrés sans-papier mais aussi, les trajectoires des hommes et celles des femmes, naître femme ou naître homme ne façonne pas le destin de la même façon. Les différentes ambiances que l'on traverse sont palpables, très bien décrites. C'est un livre vivant, on croirait presque entendre les conversations des personnages. Les dialogues sont nombreux et riches. J'ai beaucoup aimé ce roman qui, au final, m'a fait ouvrir un atlas pour situer la ville de Limbé :-)