Exercices de Staël : Le livre de Stéphane Manel, Stéphane Manel

« Ceci n’est pas une biographie » p192. Nous voilà définitivement prévenu pour ceux que le titre de l’ouvrage n’avait pas éclairé sur les intentions de Stéphane Manel. « Exercice » du latin : exercitium. Pratique de quelque chose. Manel renifle Staël, snife ses ressorts, flaire ses failles, hume son génie. Il tourne autour du personnage pour en comprendre son magnétisme. Il exerce son imagination autour de cet échalas à l’âme dramatiquement slave, perpétuel amoureux transit à la sensibilité exacerbée : surprenant que cet éternel tourtereau n’ait pas cherché à fixer ses conquêtes féminines sur ses toiles. L’orphelin Staël veut être aimé : Manel répond à la quête intime du peintre. Comme pour contredire la complexité de sa vie, Staël s’acharne à simplifier une peinture figurative dans une exaltation de la couleur brute en larges aplats pour un rendu tendu et nerveux, associée par moment d’épaisses couches de peinture superposées, d’empâtements de la matière. Nicolas de Staël, c’est un Georges Seurat convulsif. Pour illustrer le style évolutif de Staël, Manel brouille délicatement les pistes à travers des illustrations variées éloignées du « style Staël » tout en prenant soin d’y disperser de malins clins d’œil. Si la vie de Staël n’est pas le sujet de cet opus, Manel cherche les raisons de sa propre attirance. Nicolas de Staël meurt à 41 ans en se jetant de la terrasse de la maison où il avait son atelier à Antibes. Cette mort tragique et prématurée contribue au « mystère Staël » et à son attractivité morbide comme si la mise en scène de cette mort parachevait la plastique flamboyante d’une œuvre. Stéphane Manel se noie dans le tragique de l’âme russe. Égoïstement, ne le repêchons pas et goûtons notre plaisir.