Indispensables et indésirables - Les travailleurs coloniaux de la Grande Guerre : Le livre de Laurent Dornel

La thèse de l'auteur est des plus stimulantes. Dans le recrutement par la France de 220 000 travailleurs coloniaux en 1916, afin de pallier à l'insuffisance de main-d'œuvre liée à la guerre, l'historien voit l'occasion d' " inverser le regard ", de " saisir le colonialisme en métropole et non dans les colonies ". Dans cette " première expérience d'immigration 'organisée'", il perçoit aussi la " matrice à partir de laquelle vont s'ordonner les politiques d'immigration ultérieures ". Les archives jusque-là inexplorées, qui nourrissent son enquête, donnent lieu à une approche extrêmement précise des rouages menant à la radicalisation des populations concernées. [...] Il s'engage là dans une voie historiographique encore peu arpentée par les historiens, qui ont jusque-là focalisé leurs efforts sur les soldats coloniaux.| Anaïs Heluin

Durant la Grande Guerre, la France a recruté plus de 220 000 hommes dans ses colonies pour travailler en métropole. Un afflux d'hommes à la fois indispensables pour leur labeur, et indésirables en raison de leur origine. Indispensables et indésirables : le titre du remarquable livre de Laurent Dornel décrit parfaitement l'inconfortable tension générée par ces recrutements massifs. [...] L'auteur consacre des pages neuves aux stratégies d'évitement et d'insubordination permettant aux travailleurs coloniaux de desserrer l'emprise étatique, par des ruptures de contrat voire des protestations collectives. Un jalon d'importance pour l'historiographie de la colonisation et de l'immigration.|André Loez

L'ouvrage est passionnant de la première à la dernière page. À l'heure où un Premier ministre peut évoquer sans ambages une " submersion migratoire ", sa lecture éclairante, dramatiquement nécessaire, éclaire le rôle de l'État dans l'élaboration des constructions racialistes.|Danielle Tartakowsky

Laurent Dornel redonne vie et voix à ces hommes venus d'Indochine, d'Afrique ou de Madagascar, déracinés par la nécessité, perçus avec méfiance mais essentiels à l'effort de guerre d'une France en difficulté. Ouvriers de l'ombre, ils ont reconstruit les chemins de fer, fabriqué des armements, soutenu l'industrie, tout en suscitant la crainte diffuse d'un métissage honni et d'une proximité jugée inopportune. L'ouvrage met en lumière la surveillance dont ils ont été l'objet, les contraintes pesant sur leur quotidien, les interdits marquant leur séjour en métropole. Il interroge aussi l'empreinte durable de cette première immigration organisée, sur les représentations de l'autre en France. Grâce à cette entreprise érudite et minutieuse, Dornel ressuscite des existences qui résonnent avec les mutations sociales et politiques de la guerre, révélant une complexité que le temps avait enfouie sans pour autant l'effacer.