La nuit nous emportera : Le livre de Mahi Binebine

Une histoire simple, une histoire où la vie se façonne avec les joies, les peines, les peurs, les espoirs. Toute une myriade d’évènements pour dessiner le parcours d’un enfant qui découvre les perceptions d’une relation, où les mots : amour – fraternité – respect, ont un sens. Un témoignage tout simplement sur l’authenticité de rapports humains pour nous conter au-delà de la rigueur de l’existence des différents personnages, la sincérité du lien malgré des conditions difficiles qui les unit.

C’est l’histoire de Sami, un petit garçon espiègle, un brin naïf, qui grandit au cœur de la médina de Marrakech dans une famille sans père, mais portée par l’amour inconditionnel de Mamaya, une mère aussi courageuse que battante. Entre jeux dans les ruelles animées, odeurs d’épices qui s’échappent de la cuisine et récits racontés au coin du feu, Sami vit une enfance heureuse. Mais tout bascule lorsque son frère aîné Abel, qu’il admire comme un père, est emprisonné après un coup d’État manqué contre le roi. À travers son regard d’enfant, on ressent toute l’innocence de l’enfance confrontée à la brutalité du monde des adultes. L’écriture de Mahi Binebine est un véritable voyage sensoriel : on entend le bruit des souks, on sent les parfums de la cuisine marocaine, on ressent la chaleur des liens familiaux, mais aussi le poids des absences et des silences. Ce roman, c’est un condensé d’émotions : il parle de l’amour maternel, de la fraternité, des blessures du passé, mais aussi de cette nostalgie de l’enfance qui s’efface trop vite. Une lecture douce et poignante, qui nous laisse une trace comme un souvenir d’été : un peu flou, mais rempli de lumière et de chaleur.

"La nuit nous emportera" est un des romans de la rentrée littéraire d'hiver, paru aux éditions @robert. Je ne connaissais pas du tout Mahi Binebine avant de découvrir ce roman, mais je savais que j'allais sortir de ma zone de confort puisque ce n'est pas le genre de roman vers lequel je me dirige habituellement. La quatrième de couverture m'a cependant tout de suite intriguée et je ne regrette absolument pas ma lecture! Ce roman a été une très belle découverte! J'ai totalement été embarquée par la plume de l'auteur dès le premier chapitre. Mahi Binebine donne ici la parole à Sami, un petit garçon qui n'a pas trois ans au début du roman. Il va nous montrer de ses yeux naïfs, rieurs, son enfance dans le Marrakech des années 1960-1970, où il vit avec sa "Mamaya". Sa maman est une femme courageuse et incroyable qui élève seule ses quatre enfants. Elle qui se bat quotidiennement pour nourrir sa famille est aidée depuis plus de vingt ans par Johara. Si cette dernière est une "servante", elle est en fait tellement plus pour cette Mamaya et les siens. Même si les deux femmes se chamaillent sans cesse, elles prennent soin l'une de l'autre et il existe une vraie tendresse entre elles. J'ai adoré leurs réparties ! Au côté de ce petit monde, il y a Abel, le grand frère de Sami, auquel il voue une admiration sans faille. Il le considère comme le père qu'il n'a jamais connu. Abel est militaire, et ne rentre à la maison qu'occasionnellement lors de ses permissions. Sami va donc vivre quelques années de bonheur auprès des siens, jusqu'au jour où une tentative de coup d'Etat contre le Roi a lieu. La vie de la famille ne sera plus jamais la même. L'auteur est un véritable conteur, il a réussi à me transporter instantanément au côté de Sami et sa famille. Ce petit garçon tellement attachant m'a beaucoup émue, il possède une innocence caractéristique à l'enfance et ne voit ni ne comprend pas le mal. Au fur et à mesure de la lecture, son histoire m'a bouleversée, j'ai souri, ri, eu les larmes aux yeux, mais plusieurs passages m'ont aussi révoltée. J'ai découvert ici un pan de l'histoire marocaine que je ne connaissais pas jusque là. Mahi Binebine conte avec amour et passion son pays, ses traditions, sa culture. Les descriptions qu'il apporte au récit permettent de s'imaginer facilement chaque lieu. Le voyage est alors immédiat entre les ruelles animées et colorées de Marrakech et la ferme de sa "maman-du-Bled" dans la région d'El Kelâa. Je découvre donc avec ce roman une plume délicate et emplie de tendresse, qui m'a donné envie de découvrir ses précédents romans.

Ce roman est le treizième de l’auteur que je ne découvre que maintenant… Il y donne la voix à Sami, cadet d’une famille de cinq enfants élevés par leur mère. L’enfant nous raconte la vie dans les rues de Marrakech, les difficultés et surtout comment sa mère est un pilier inébranlable qui porte sa famille et le monde à bout de bras! Écrit avec poésie et précision, ce roman happe et colle à la peau! La critique l’a qualifié de « conte philosophique moderne », j’ajouterai l’adjectif bouleversant pour lui donner toute sa grandeur! Ce petit garçon est si attachant et cette mère courage est incroyable! C’est un livre qui révèle la nature humaine, rend hommage à la maternité et, malgré la dure réalité relatée, qui illumine souvent d’espoir. Je suis ravie d’avoir découvert un nouveau talent et j’espère lire d’autres récits de l’auteur!