Le silence des agneaux : Le livre de Thomas Harris

C'est un de mes livres policiers préférés du siècle passé. Pour deux raisons, la première c'est que ce livre fonctionne à la lisière du genre fantastique. La seconde qui ne sautera pas forcément aux yeux des autres lecteurs mais je ne serais pas surpris si quelqu'un avait déjà fait le parallèle : Le Silence des Agneaux est une formidable réécriture post-moderne et urbaine de Dracula quand on regarde un peu dans les détails. Et franchement, qui n'aime pas le chef-d’œuvre de Bram Stoker ? Hannibal Lecter peut être perçu comme le comte Dracula sur bien des aspects, notamment sur leur dualité commune, cette humanité perdue mais toujours perceptible cohabitant avec l'horreur et la monstruosité, part abstraite et démoniaque évidente. Clarice Starling n'est rien de moins que Mina dans ce contexte. Elle se fascine pour Lecter comme Mina pour le Comte. Son inexpérience la pousse à l'initiation de la mort à travers Lecter mais aussi Buffalo Bill. Clarice est le personnage peut-être le plus réussi du roman puisqu'on s'identifie très fort à elle. Harris l'a rendue très humaine dans cette histoire et c'est la seule bouée de raison, la seule lumière à laquelle on peut se raccrocher et s'identifier dans ce petit monde des meurtriers en série où l'extrême et la souffrance sont la norme. Autre élément qui fait que : outre la maîtrise narrative impressionnante et la construction rythmée au métronome de l'histoire et son suspense tendu comme jamais à la fin, et ce sans tomber non plus dans des artifices fort communs aujourd'hui, ce qui me plaît dans ce livre c'est l'aspect doux-amer de la psychologie de l'intrigue qui renvoie obligatoirement le lecteur à ses propres démons. Ce livre est comme une version fin de millénaire de Dracula, où l'on découvre que l'humanité reste enfouie même au plus profond des ténèbres de la psyché des individus qui semblent perdus, quand bien même doivent-ils être stoppés voire enfermés. Dracula nous expliquait que le monstre avait un cœur humain capable d'aimer, capable de ressentir de l'amour, et que cela le rendait tout autant fragile que les Hommes, Le Silence des Agneaux semble dire qu'à l'intérieur de nous existe un univers de ténèbres dans lequel on ne peut totalement se fier aux lumières que l'on distingue. L'amour est là mais dans quel état dégradé se trouve-t-il ? Dans l'univers, à cause de la vitesse de la lumière, certaines étoiles nous apparaissent mais sont déjà "mortes" depuis longtemps. Il existe en filigrane de l'intrigue une sorte de sensualité sombre dans Le Silence des Agneaux. Le film de Jonathan Demme qui est une très fidèle adaptation est tout autant remarquable. Ce réalisateur avait tout compris à la puissance du livre, à son souffle, son rythme. Plus qu'un film à Oscars ou film policier, c'est aussi un thriller stylé et lyrique qui pousse le spectateur à s'interroger sur la nature même de ses pulsions de haine et d'amour. Ces objets invisibles qui vivent à travers nous et en nous, ne viendraient-ils pas tous du même endroit même s'ils semblent se faire la guerre avec passion ?

Soyons clairs, Harris a un talent indéniable pour tisser des toiles d'araignées narratives où se prennent les pires spécimens de l'humanité. Son écriture est précise, chirurgicale même, disséquant les psychés torturées avec une froideur clinique qui fascine autant qu'elle révulse. On est loin des envolées lyriques et des métaphores à outrance. Ici, on est dans le concret, le viscéral, le dérangeant. L'intrigue, on la connaît : une jeune recrue du FBI, Clarice Starling, est envoyée quérir l'aide d'un psychiatre cannibale emprisonné, Hannibal Lecter, afin de traquer un tueur en série qui dépèce ses victimes. Sur le papier, ça sent le cliché à plein nez. Et pourtant… Harris parvient à transcender les poncifs du genre grâce à une construction narrative impeccable et des personnages d'une complexité rare. Lecter, bien sûr, est la star du spectacle. Un monstre d'intelligence et de culture, capable des pires atrocités tout en citant les classiques. Son dialogue avec Starling est un véritable ballet macabre, une joute verbale où chaque mot est une arme. On en vient presque à regretter de ne pas avoir un psychopathe aussi raffiné sous la main pour animer nos dîners mondains. Quant à Starling, elle est loin d'être la simple faire-valoir de service. Son ambivalence, sa vulnérabilité face à l'horreur, son désir de prouver sa valeur dans un monde d'hommes, en font un personnage attachant et profondément humain. Elle est le contrepoint parfait à la monstruosité de Lecter, l'incarnation d'une certaine forme d'innocence confrontée à l'abîme. Alors, adaptation cinématographique réussie ou trahison ? Disons que le film a le mérite d'avoir popularisé l'œuvre et d'avoir offert des performances d'acteurs mémorables (Hopkins en tête). Mais il faut bien admettre que le livre possède une profondeur psychologique et une noirceur que le grand écran a eu du mal à restituer pleinement. L'écriture d'Harris, par sa précision et sa capacité à sonder les tréfonds de l'âme humaine, offre une expérience bien plus immersive et troublante. En résumé, « Le Silence des Agneaux » est un thriller psychologique intelligent et diablement efficace, qui explore les frontières troubles entre le bien et le mal, la normalité et la folie. Après avoir vu le film, la lecture du livre s'impose comme une plongée encore plus profonde dans les méandres de l'horreur humaine. Une lecture à conseiller à tous ceux qui aiment frissonner intelligemment… et qui n'ont pas l'estomac trop sensible.

Écouté via les livres audio proposés par Spotify et narré par Michael Maïno. Très bon comédien de doublage. Les 10h d’écoutes étaient agréables. L’histoire est très bien ficelée et prenante. Il y a beaucoup de description, qui m’aurait semblé indigeste à lire plutôt qu’à écouter. À environ la moitié du livre, l’histoire prend un autre tournant ce qui est intéressant. Malheureusement je trouve la fin trop précipitée, aux alentours des 90% (je dirais 100 pages), se joue le dénouement. C’est quelque chose qui me déplaît dans les histoires. J’aurais aimé plus de détail, plus d’action. Il y a certaines prévisibilités dans l’histoire, mais cela ne m’a pas empêché d’ouvrir le bouche d’étonnement à certains moments. Maintenant, go visionner le film !