Les Larmes de l'assassin : Le livre de Anne-Laure Bondoux

C'est ballot, j'ai lu ce bouquin juste après un opus de S.Collette qui évoque la poussière et place son intrigue dans une région comparable d'Amérique du Sud, toute de froidure et de lande aride éventée, où la vie humaine est à peine plus facile que celle du bétail. Je n'aurais pas dû : les ambiances et les climats comparables, le danger vague, l'errance ou la fuite en avant sont des constantes qui fonctionnent ici aussi, mais j'ai eu un peu de mal à ne pas mélanger les intrigues, un moment. Pourtant j'ai fini par la ressentir, l'empathie pour le petiot qui s'accroche aux basques du meurtrier de ses parents. Empathie de même pour l'adulte voyou qui n'a pas reçu les bons atouts et s'éveille trop tard à quelque chose comme le souci de l'autre. Avec son final à mi-chemin entre l'amertume et l'espérance, je présume que l'auteure a pensé son opus pour un public plutôt... "djeunes" disons. Mais sa partition est assez modulée pour ratisser large, la preuve ça m'a chopé un peu. Voire plus, parfois ! J'ai ressenti ça. Et c'est déjà ça...

"Les Larmes de l'Assassin" est un roman écrit par Anne-Laure Bondoux il y a 20 ans. On y trouve déjà le thème central de son dernier grand succès "Nous traverserons des orages" à savoir la transmission et les conséquences de la violence. Ce roman est beaucoup plus court et l'action resserrée. Il se passe dans une région aride et sauvage du Chili, qui correspond tout à fait aux personnages que l'auteure y fait évoluer. Les paysages et le coût de chaque besoin (eau, nourriture, abri) rend ce contexte très présent. Mais ce sont les personnalités qui m'ont le plus emballée. Si on se prend immédiatement d'affection pour Paolo, quel plaisir d'assister à l'évolution d'Angel ! Avec le sens du temps et des détails absolument pas anodins qu'on lui connaît, Anne-Laure Bondoux rend le cheminement de l'assassin tout à fait crédible. Et l'on se surprend à espérer que son lien avec Paolo suffira à le sauver. Entre rencontres, inquiétudes et voyage, le lecteur ne s'ennuie pas une seconde. Et il est invité l'air de rien à s'interroger sur la justice et la rédemption, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. Un très beau roman.

Un des livres de mon enfance... Je l'ai encore dans ma bibliothèque. Je sais que ce livre a joué un rôle important, j'ai eu envie de lire d'autres livres pour ressentir de nouveau des émotions fortes. Je remercie cette autrice et j'ai envie aujourd'hui en tant qu'adulte de re-découvrir sa plume notamment "Nous traverserons des orages" qui me tente beaucoup...

Sur la terre aride et déserte du sud du Chili, Paolo Paloverdo est un enfant qui pousse seul, tant bien que mal, à côté de ses parents, qui ne l'aiment ni ne le détestent mais l'ignorent plutôt, ne lui parlent pas, se contentant d'être vivants. La ferme des Paloverdo surgit tout à coup, au bout de nulle part, et les visites qu'ils ont le plus souvent sont celles de scientifiques, d'astronomes, de poètes voyageurs ou de cinéastes en repérage. Mais, un jour, arrive un assassin, Angel, qui tue les parents de Paolo, mais comme il n'a jamais tué d'enfant, il hésite, et finalement ne le tue pas. Il décide même de rester dans cette ferme avec l'enfant, qui, aussi étonnant que cela paraisse, trouve en lui un père, un adulte qui qui s'occupe de lui, qui lui parle, et Angel, quant à lui, trouve un être humain qui ne manifeste envers lui aucune défiance ou peur, et qui lui accorde même une confiance totale. Cette relation va enrayer la machine à tuer qu'il était, et de ce jour là, il ne tuera plus personne, comme un réveil, une prise de conscience des valeurs qu'il n'avait pas ou plus. Ils se sont apportés mutuellement l'humanité dont ils manquaient l'un et l'autre. Paolo appellera même Angel papa, ce qui déroutera complètement cet homme, qui devient tout à coup un être de chair... Intervient ensuite un troisième personnage, Luis Secunda, qui va aussi rester un peu avec eux et lier avec Paolo un lien fort, en lui apportant la connaissance... C'est un roman magnifique, à l'écriture sobre mais très forte et où la poésie est dans les personnages, leurs relations, leur quête, leurs émotions et tous les symboles de cet éveil à la vie d'un enfant solitaire et d'un assassin, pour lesquels le lecteur ressent une profonde sympathie.