Moi qui ai servi le roi d'Angleterre : Le livre de Bohumil Hrabal

Un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale ! Un énorme cadeau, comme une revanche juste après avoir subi la lecture de "Bristol" d'Echenoz (exercice certes assez divertissant quoique..., plutôt genre "pasatiempo" adapté aux universitaires, avais-je trouvé) . Ici, on est aux antipodes de la littérature de laboratoire ; j'ai retrouvé le souffle magique de l'écrit. Le fond comme la forme m'ont ravie. J'avais déjà lu, il y a un moment, ce Bohumil Hrabal. Pour moi, c'était un intellectuel tchèque brillant qui a vécu le communisme. Il me restait l'image du personnage d'un de ses romans, dont le travail consistait à détruire, en les pilonnant, les livres interdits. Ou encore les images pathétiques du film adapté de son livre "Trains étroitement surveillés". On a ici moins de 300 pages et pourtant quelle densité ! Il faut dire que les phrases sont très longues mais cela ne gêne pas du tout la lecture, car le récit imagé fourmille de détails, de blagues, de considérations sur la vie vue par les yeux du personnage principal, le narrateur. On est en Tchécoslovaquie entre 1920 et les purges staliniennes. On peut penser à Rabelais, à Fellini, on vit dans L Histoire qui bouleverse les destins. C'est truculent, c'est tragique, c'est tout à la fois ! Et au final, la Victoire revient à la littérature. Dans l'histoire racontée, le narrateur en fait la louange en citant beaucoup d'auteurs. Et, maintenant, il nous reste cet opus magnifique, ce feu d'artifices improbable, baroque, ébouriffant... j'arrête là.

Le narrateur est un petit bonhomme qui travaille dans un hôtel, il rêve de faire de l’argent. Quand il arrive à en avoir un peu, il découvre le cul avec les prostituées. Il rêve de réussite sociale mais il réalise qu’il n’arrive jamais à être accepté. Il épouse une allemande et se met du côté allemand lors de l’invasion, mais il est toujours à part. Il monte un hôtel de grand luxe qui n’a pas son pareil. Il demande à se faire interner avec les millionnaires car lui aussi est millionnaire même si l’administrateur l’a oublié. Il montre ses livrets d’épargne comme preuve. Internement doré. En sortant son hôtel a été dévasté et c’est tant mieux. Il part à la campagne dans un endroit où il sera totalement isolé pendant l’hiver avec son cheval, sa chêvre, son chien et le chat qui ne se laisse pas caresser. Il devra faire un travail vain : maintenir une route en état. Il pourra ainsi réfléchir à la seule chose importante : la mort. Même les villageois n’arriveront pas à le comprendre car il tient un langage curieux. Lui qui ne rêve que de se faire accepter par la « société » (n’importe laquelle), se retrouve toujours à part.