Pulsion : Le livre de Frédéric Lordon, Sandra Lucbert

Autrefois pilier du débat intellectuel jusqu'aux années 70, la psychanalyse avait été progressivement marginalisée, en partie à cause de certaines de ses dérives hermétiques, dogmatiques et parfois réactionnaires. Toutefois, récemment, un regain d'intérêt semble émerger. (...)
Dans ce contexte revigoré, Frédéric Lordon et Sandra Lucbert apportent leur contribution pour catalyser et réaffirmer la place de la psychanalyse dans le champ intellectuel, à une époque où les dynamiques de pouvoir et de domination sont omniprésentes, allant du capitalisme exacerbé à un renouveau du fascisme.|Hocine Bouhadjera

Pulsion de Frédéric Lordon et Sandra Lucbert Le penseur Frédéric Lordon a toujours le chic pour surgir là où on l'attend le moins, avec des textes parfois opaques et touffus, mais toujours inventifs et vigoureux. Le philosophe se pique cette fois – avec Sandra Lucbert, agrégée de lettres et diplômée en psychologie – de réhabiliter la psychanalyse, indispensable grille de lecture et de compréhension de notre monde. Leur ouvrage, aussi profus qu'il semble galoper, léger et digressif, propose une relecture de Freud et Lacan à la lumière de Spinoza. Le texte tutoie le lecteur, ausculte les contours de la pulsion et la fabrique du manque. On saluera leur indéniable liberté de ton et d'approche, non dénuée de fantaisie, qui observe le chassé-croisé des désirs, de la jouissance ou du refoulement. Leur cible? L'ordre symbolique, patriarcal. Et le néolibéralisme qui fait son miel de nos pulsions en exploitant les "potentialités du pire ". Audacieux.

Dans une langue rafraîchissante, le philosophe Frédéric Lordon et l'écrivaine Sandra Lucbert jettent un nouveau regard sur l'inconscient, vu comme levier d'un capitalisme et d'un fascisme décomplexés. Soudain, tout ce qu'on croyait savoir semble différent, décalé, lumineusement reformulé et faire sens d'autant plus. Pulsion est des livres qui font cet effet-là, premier tome d'un chantier immense (le second montrera comment le capitalisme nous "harponne"). [...] Attention, grand livre.|François Cusset

Comme le soulignent Lordon et Lucbert, si la psychanalyse "a fini par se rendre odieuse', elle ne méritait pas le discrédit dont elle est l'objet. "Le champ intellectuel a désappris une façon de réfléchir aux faits humains qui se proposait pourtant de les saisir par le plus enseveli', écrivent-il et elle, en insistant sur l'idée que beaucoup de catégories psychanalytiques ("névrosé', "psychotique', "pervers'...) ont été vidées de leur sens, incomprises, et qu'à ce titre, "il faut tout reprendre'. Pour les deux auteur·rices, il existe de nombreuses affinités entre la psychanalyse et le spinozisme, telles la conception partagée d'un être animé par une énergie primitive, une critique du libre arbitre, un lieu d'interrogation sur les mouvements de l'âme. Lordon et Lucbert tentent une relecture philosophique et complexe de la psychanalyse à l'aune du spinozisme. |Jean-Marie Durand