Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions ? : Le livre de Vinciane Despret

Les chèvres sont-elles d'accord avec les statistiques ? Les singes savent-ils vraiment singer ? Existe-t-il des espèces tuables. C'est au travers de 26 questions plus intrigantes les unes que les autres que la philosophe Vinciane Despret nous délecte d'anecdotes sur des avancées scientifiques qui ont révolutionné notre compréhension de l'animal mais aussi bouleversé notre propre mode de pensée. A la lecture de cet abécédaire il semble désormais inconcevable de réduire les animaux au comportement que l'on veut bien leur prêter.

Pour décrire les comportements des animaux, montrer ce qu'ils font, "veulent" ou "pensent", Vinciane Despret se réfère autant à la littérature éthologique qu'aux pratiques des chercheurs dans les laboratoires et aux témoignages d'éleveurs et de dresseurs. Et il faut dire que dans son livre, organisé sous la forme d'un dictionnaire (Artistes, Délinquants, Exhibitionnistes... Watana, Xénogreffes, Youtube, Zoophilie), on en apprend de belles. Sur des coqs violeurs et des lamas mordeurs de testicules, des lions qui "signent" des compromis avec les villageois, des vaches de concours de beauté qui sur le podium "se mettent en pose" devant les photographes, des macaques ou des éléphants qui se révoltent et font de la "résistance face aux abus dont ils sont victimes", des oiseaux comme les cratéropes écaillés qui "ne cessent d'exhiber des actes coûteux" (se portent "volontaires" pour faire la sentinelle, nourrissent sans bénéfice des nichées, prennent des risques exagérés dans des combats...) juste pour "gagner du prestige aux yeux de leurs compagnons", des pies qui se regardent dans un miroir et comprennent "que l'autre devant elles n'était pas réellement un "autre"", des orangs-outans, donc, qui font de la géométrie dans l'espace... Mais Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions ? n'est vraiment pas un simple recueil de cas ou d'anecdotes : la philosophe belge, en les racontant, avec beaucoup d'humour, laisse poindre à peu près toutes les questions théoriques relatives aux recherches sur les animaux, dans la perspective d'une épistémologie de l'éthologie, capable d'éteindre aussi bien les enthousiasmes trop faciles, qui naissent quand on interprète le comportement animal de façon anthropomorphe, que le scepticisme de ceux pour qui les animaux restent... des bêtes, mues, au mieux, par le seul instinct.|Robert Maggiori

De "A comme Artistes" à "Z comme Zoophilie", la philosophe belge Vinciane Despret publie le plus audacieux de ses livres sur la question animale. Les animaux peuvent-ils se révolter ? Ont-ils le sens du prestige ? Passent-ils des compromis ? Nourries des dernières recherches en éthologie, neurologie ou psychologie, les réponses prennent à rebours beaucoup de nos a priori. Vous ne regarderez plus jamais chiens, chats, vaches ou moineaux de la même manière.

Sous ce titre intriguant, l'auteur mêle de belles anecdotes, de drôles d'histoires et des réflexions plus profondes pour démontrer que les animaux sont bien moins bêtes qu'ils n'y paraissent. Présenté comme un abécédaire, avec de fréquents renvois d'un mot à l'autre, ce livre aussi instructif que divertissant peut s'ouvrir à n'importe quel page, et s'adresse à tout le monde. Mais les bêtes savent-elles lire ?

Chez Vinciane Despret, les idées grouillent, fourmillent, prolifèrent; les bêtes, elles, répondent, et pas toujours dans les règles de l'art de la bienséance philosophique - décidemment dérangeantes depuis qu'on leur découvre des capacités artistiques, de bons usages du monde, le sens de l'équité et de la justice. Ce petit précis philosophique, à la fois accessible, vif et original, confirme que sous l'esprit aiguisé de l'auteure, l'éthologie est une science passionnante.

Dans une île des Caraïbes, les macaques ont l'habitude de chiper du rhum pour s'enivrer. Mais une étude précise sur leur compte révèle que la proportion de macaques alcooliques est identique à celle des hommes. Des éléphants d'Ouganda montrent, eux, des signes de délinquance juvénile très similaires à ceux que nous observons. Sans parler des fauves de cirque qui se mettent en grève du dressage. En 26 chapitres passionnants, ce livre philosophique fourmillant d'exemples concrets révèle ce que le refus de l'anthropomorphisme nous empêche de voir : que c'est nous, humains, qui sommes restés des animaux !|Arnaud Gonzague