Réinventer l'amour - Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles : Le livre de Mona Chollet

Coup de cœur! J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce livre qui remet tout en question! Déjà, l’écriture de l’auteur est super captivante. J’avais de la difficulté à poser mon livre et ce n’est pourtant pas un roman. J’ai trouvé qu’elle avait une excellente façon de présenter et d’expliquer de façon claire et pertinente. Le sujet est important, mais pas facile à aborder. Pourtant, l’auteur y arrive avec brio. Elle ne donne pas nécessairement son opinion, elle partage surtout des faits et fait des liens entre différentes “situations “. J’ai trouvé cette remise en question très bien amené du début à la fin. Je ne peux que le conseiller à toutes les femmes hétérosexuelles. L’auteur aborde toutes les facettes du couple et va loin dans son questionnement. J’ai juste vraiment adoré. Certains chapitres sont plus difficiles (violence conjugale) mais nécessaire et apporte beaucoup de réflexion sur le pourquoi ça arrive encore aujourd’hui. Honnêtement, lisez le!

Quelle est l'image du couple dans les films et la littérature ? L'amour ne peut-il exister que s'il y a une forme de hiérarchie sociale entre l'homme et la femme ? Quel est le lien entre exotisme et érotisme dans les fantasmes masculins ? Après avoir lu Sorcières, la puissance invaincue des femmes, j'ai souhaité me replonger dans les essais féministes de Mona Chollet et ce titre me faisait de l'oeil depuis longtemps. Richement documenté, structuré et accessible, cet ouvrage nous propose de décortiquer les représentations amoureuses dans ce qui nous entoure. On évoquera la romantisation des comportements possessifs et dominants des hommes dans le divertissement, mais aussi la sexualisation des femmes racisées (fantasme de l'asiatique soumise ou de la femme noire libérée) ou encore l'invisibilisation des personnages féminins importants dans le cinéma (test de Bechdel-Wallace, pour ceux qui connaissent). Une véritable piste de réflexion qui se base sur des références aussi bien anciennes que contemporaines. On va étudier le rôle des contes et des histoires d'amour impossible, où l'amour est l'objectif final de l'intrigue et où la jeune demoiselle "attend" son prince charmant. Elle est prête à pardonner, dépasser le physique (la Belle et la Bête, coucou), se donner corps et âme dans l'espoir d'un retour (Pénélope d'Ithaque). Nombre de romances normalisent les relations déséquilibrées, où l'homme est puissant voire mauvais, il va "apprendre" à la fille innocente, et elle va le rendre bon en échange. La romantisation de criminels est également évoquée : de nombreuses femmes trouvent normal de laisser une seconde chance à des hommes ayant tué ou violé, endossant le rôle d'infirmière pour se sentir utiles. Et lorsqu'il s'agit de leur propre conjoint, elles vont souvent rester de leur côté, arguant qu'il va changer. Les femmes battues qui finissent par tuer, a contrario, sont rarement pardonnées. Il faut qu'elles défendent le fait qu'elles l'ont fait pour le bien de leurs enfants, car la simple défense de leur propre vie est rarement suffisante. Beaucoup d'exemples qui illustrent le cercle vicieux de ces représentations, qui inspirent le réel et nourrissent les préjugés installés. Une lecture coup de poing qu'il faudrait mettre entre plus de mains.

Ah, Mona Chollet. On croit qu'on va passer un bon moment. En fait non. Des mots qu'on connaissait, dont on avait l'intuition, mais qu'on a quand même envie d'entendre, de lire. De lire, surtout. Une femme qui écrit un livre, des mots qui restent et qui font tant de bien. Comme à chaque fois les mots de Mona Chollet. C'est une claque. C'est un câlin. Oui, en ce moment, l'amour hétérosexuel, c'est compliqué. On ne va pas se dire que ça va aller, qu'est-ce qu'on en sait ? Mais il y a encore un peu de place pour espérer, et ça, c'est chouette.

J'ai beau m'en défendre et plus encore en tant que féministe, j'ai longtemps rêvé d'amour… du prince des contes de fées de mon enfance à l'artiste maudit, fantasme de mes études de lettres, en passant par le bad boy des années lycées. Et je crois qu'au fond, je n'étais pas si différente des autres filles de ma génération… Evidemment, je ne rêvais pas de n'importe quel amour : moi, il me fallait le grand, le passionnel, le fracassant, celui qui ravit, qui brûle, qui transcende. Celui qui fait souffrir pour donner tant de bonheur ensuite, celui des grands frissons. Celui des films, des séries -façon Spike et Buffy-, celui des romans… Je suis d'ailleurs mi-amusée mi-dubitative de constater que mes histoires d'amour préférées étaient celles qui se terminent mal (elles le sont toujours aujourd'hui, mais je les aborde avec beaucoup plus de recul et de clefs) : « Tristan et Yseult », « Roméo et Juliette », « La Princesse de Clèves », « Les Hauts de Hurlevent », « Belle du Seigneur »… de l'amour fou, oui. de la souffrance ? Evidemment. Ces histoires ne vont jamais au-delà du flamboiement de la rencontre et des premiers instants… et quand elles s'y risquent, c'est pour mettre en scène des personnages souvent fades, mesquins… bourgeois… L'amour en littérature et dans la fiction en général n'a finalement été pendant longtemps que pris entre ces deux feux : la passion sublime versus le confort petit bourgeois. Tout s'arrête après le « ils se marièrent et vécurent heureux » alors que tout commence et quand on s'essaie à l'après… C'est « Pot bouille ». Ces représentations de l'amour interrogent d'autant plus qu'elles nous forgent, qu'elles sous-tendent notre rapport à l'amour et qu'elles disent beaucoup des relations hommes-femmes. Par ailleurs, la fiction et les chemins qu'elle emprunte, les schémas qu'elles proposent de viennent pas de nulle part : ils sont le fruit d'une société, de son fonctionnement, de ses inégalités. Ainsi l'amour hétérosexuel tel qu'il nous est représenté et tel qu'il est construit et vécu est tributaire des constructions sociales, de la culture. Les nôtres sont patriarcales, qu'on le veuille ou non. Dès lors, impossible d'y échapper, le patriarcat joue un rôle, plus ou moins conscient, dans nos relations amoureuses et dans nos représentations de l'amour. Avec « Réinventer l'Amour », Mona Chollet entend s'emparer de ces problématiques et se livre à une enquête très complète sur le couple hétérosexuel, sur la place de la femme dans le couple et par là aussi dans l'art et la société. le sujet est passionnant, un peu effrayant aussi et j'ai été heureuse de me rendre compte que le livre n'est pas qu'un pamphlet proclamant que l'amour est un esclavage mais qu'il constitue plutôt un plaidoyer pour que l'amour soit vécu le mieux possible. Parce qu'il faut bien le reconnaître, tout aussi merveilleux qu'il puisse être, le sentiment amoureux ne se suffit pas à lui-même et s'épanouit aussi en société, au monde ce qui implique qu'il puisse être pollué, abîmé par tout un tas de problématiques qui peuvent aboutir au pire à des violences, au mieux à de la déception. Après une introduction convaincante et un prologue passionnant, déjà riche (et qui déboulonne « Belle du Seigneur » avec beaucoup de pertinence !), Mona Chollet décortique la place que sont censées occuper les femmes dans notre idéal romantique, un idéal forgé à grands coups de littérature et de cinéma et imbibé de culture machiste, misogyne. Elle revient également sur les normes sociales qu'on impose aux femmes qui se doivent d'être toujours si douces et si fines, si discrètes, si …. Soumises… Sur cet impératif de rester en retrait par rapport aux hommes, de ne surtout pas être « trop », de ne pas prendre la lumière… Nourrissant sa réflexion d'exemples culturels ou de faits d'actualités, le chapitre est convaincant et je l'ai trouvé passionnant. A travers la question de l'attente de l'amour idéal et éternel (« j'attendrai… j'attendrai le jour et la nuit, j'attendrai toujours ton retour »), attente dans laquelle doivent se confiner les femmes, l'autrice met à jour la question de la domination masculine et plus finement du rapport de hiérarchie qu'implique souvent une relation. Cela lui permet de consacrer la partie suivante à la question des violences conjugales et plus largement de la masculinité dans ce qu'elle peut avoir de plus toxique pour les femmes évidemment mais pour les hommes également. de là, la réflexion mène vers ce qu'il y a peut-être de plus effrayant, à savoir que nous tous, hommes ou femmes, intégrons souvent inconsciemment ce que la société attend de nous. La question du rapport des femmes à l'amour et au domaine de l'affect vient ensuite. Il est question de charge mentale mais aussi de « charge romantique » puis l'essai balaie l'érotisme, la problématique du regard porté sur un objet plus que sur un sujet. Là encore, la démonstration est passionnante, riche, éclairante. Au-delà de l'érudition dont fait preuve Mona Chollet, au-delà de son écriture fluide et très agréable, j'ai aimé que cet ouvrage qui m'a enrichie à bien des égards ne se contente pas de faire le procès de la relation amoureuse mais qu'il plaide pour la rendre plus équilibré, qu'il pousse les femmes à aimer et à s'aimer avant tout sans s'effacer (ne jamais s'effacer !), à poser des limites, à ne plus aimer que l'amour dans l'amour mais à aimer tout de même. Avec audace, avec féminisme. « Réinventer l'amour » m'a fait réfléchir, m'a aidé à prendre conscience de mes biais (le féminisme ne fait pas tout !), de mon fonctionnement, de mes automatismes. de la nécessité de me questionner et de questionner sans cesse les modèles qu'on nous propose et avec laquelle on a grandi. Une démonstration fine, clairvoyante qui fait du bien. A lire et à faire lire.