Tous ceux qui tombent - Visages du massacre de la Saint-Barthélemy : Le livre de Jérémie Foa
Fin août 1572. À Paris, des notaires dressent des inventaires après décès, enregistrent des actes, règlent des héritages. Avec minutie, ils transcrivent l'ordinaire des vies au milieu d'une colossale hécatombe. Mais ils livrent aussi des noms, des adresses, des liens.
Puisant dans ces archives, Jérémie Foa tisse une microhistoire de la Saint-Barthélemy soucieuse de nommer les anonymes, les obscurs jetés au fleuve ou mêlés à la fosse, à jamais engloutis. Pour élucider des crimes dont on ignorait jusqu'à l'existence, il abandonne les palais pour les pavés, exhumant les indices d'un massacre de proximité, commis par des voisins sur leurs voisins.
Car, à descendre dans la rue, on croise ceux qui ont du sang sur les mains, on observe le savoir-faire de la poignée d'hommes responsables de la plupart des meurtres. Sans avoir été prémédité, le massacre était préparé de longue date – les assassins n'ont pas surgi tout armés dans la folie d'un soir d'été.
Au fil de vingt-six enquêtes haletantes, l'historien retrouve les victimes et les tueurs, simples passants ou ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité : épingliers, menuisiers, rôtisseurs de la Vallée de Misère, tanneurs d'Aubusson et taverniers de Maubert, vies minuscules emportées par l'événement.
De (auteur) : Jérémie Foa
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
maarnaden
• Il y a 3 semaines
Je ne suis d’habitude pas très amateur de ce que l’on appelle la « micro-histoire » mais ce livre-là m’a attrapé et ne m’a plus lâché. L’auteur dresse des portraits, restitue des noms, redessine des parcours de ceux qui furent les victimes du massacre de la Saint Barthélémy en 1572 ainsi que de leurs bourreaux, les principaux massacreurs, les bons notables parisiens (et d’autres villes) qui y trouvèrent leur compte. A travers 25 chapitres et autant d’enquêtes dans les sources notariales de l’époque, les archives des prisons, les témoignages issus de diverses sources, il montre qu’il s’agissait pour beaucoup d’un massacre de voisins par des voisins. Les victimes et leurs bourreaux se connaissaient. Les enjeux politico-religieux sont une trame, en arrière-plan, un contexte éclairant mais non surplombant. Ce qui rendit le massacre à la fois si « facile » et si « préparé », ce sont les années de persécution antérieure des protestants, les habitudes et techniques de police incorporées par les uns et les autres, les réseaux de sociabilité et de notabilité des massacreurs catholiques, ainsi que les traces de guerre à l’œuvre qui lèvent les inhibitions et produisent le carnage. Le travail de l’historien (également sujet du livre) est impressionnant dans sa recherche, ses recoupements, ses mises au jour d’indices. Il permet de comprendre des mécanismes d’habitude progressifs à la violence, de franchissement de seuil, de saisie des opportunités qui pour se débarrasser d’un concurrent économique ou d’un conjoint indésirable, qui pour piller ou voler des objets, qui pour éliminer des hérétiques, etc… L’historien revient et critique les thèses sur le massacre prémédité par la royauté (qui a son rôle déclencheur, mais est dépassée par l’évènement), par une foule qui aurait été spontanément fanatisée ou violente (or, comment distinguer un catholique d’un protestant sans connaître leur identité ?) et montre comment un groupe de miliciens d’une congrégation donnée concentre la plupart des massacreurs qui ont mis en action un savoir-faire de persécuteurs patiemment construit. C’est historiquement très riche et éclairant sur l’histoire moderne française.
Tyresias
• Il y a 4 mois
"On l'a déjà souvent dit : la Saint-Barthélémy est un massacre de proximité, elle s'opère sur des voisins et dans le voisinage, sur des lieux que les tueurs connaissent par coeur." On l'a souvent dit et on le répétera tout au long de cet ouvrage, de ces histoires. Mais je ne sais pas si l'on s'en remet vraiment.. C'est "à la source" que "s'éprouve le plaisir mais aussi parfois l'embarras de la découverte." (présentation de la collection) Des détails. Dans la manière de tuer. Le degré de familiarité des assassins avec les assassinés. L'euphémisme jouxtant la réalité du massacre venant d'être commis. Sans compter la violence de la sélection, de "l'archivation" proprement dite (qui en dit long sur tous les noms oubliés) "Il n'y a pas d'archives sans destruction, on choisit, on ne peut pas tout garder. Là où on garderait tout, il n'y aurait pas d'archives. L'archive commence par la sélection, et cette sélection est une violence. Il n'y a pas d'archive sans violence. Cette violence n'est pas simplement politique au sens où elle attendrait qu'il y ait un Etat désignant des fonctionnaires qui ont compétence reconnue. Non, cette archivation a lieu déjà dans l'inconscient. Dans une seule personne, il y a ce que la mémoire, ce que l'économie de la mémoire garde ou ne garde pas, détruit ou ne détruit pas, refoule d'une manière ou d'une autre." * A lire mais à la manière des histoires de fantômes... Au risque de ne plus pouvoir dormir (* Derrida, "Trace et archive, image et art") (J'ajoute "après-coup" pour que les choses soient bien claires que nombre de ces assassins loin d'être "anonymes" furent bons bourgeois, morts dans leur lit et récompensés par la couronne qui plus est.. Tandis que le "peuple" ou "la commune" avait bon dos)
Astroploukos
• Il y a 5 mois
L'Histoire par en bas, celle qui tranche avec les chroniqueurs royaux officiels, les victimes nanties ou les persécuteurs qui cherchent à justifier leurs exactions ou se les faire pardonner. En fouillant dans les inventaires après décès chez les notaires parisiens, le maître de conférence en Histoire moderne de l'académie De Marseille rentre dans l'intimité des victimes et des bourreaux de la Saint-Bathélémy (23-24 août 1572). Il y a deux intérêts principaux au livre de Jérémie Foa. Le premier réside dans sa thèse qui tend à montrer la nature vicinale d'une guerre civile, son (in)humanité de voisinage : les pratiquants, victimes comme bourreaux, se connaissent souvent bien plus que de nom ce qui rend les exactions beaucoup plus performantes et terribles. Le second intérêt porte sur la narration qui vous éloigne de l'aridité d'un texte universitaire. Thème de la proximité oblige, l'auteur nous amène dans des récits intimes au travers des éléments biographiques glanés dans les minutes notariales. Son acuité de sondeur d'archive permet de retisser le lien rompu par la mort, entre la victime et son bourreau. le tout est très bien mis en forme par un texte direct et une focale au niveau du sol qui nous fait souvent pénétrer l'instant, le moment où tout se décide sans nécessairement de préméditation mais avec une préparation issue de la routine propédeutique des persécutions qui abouti « inéluctablement à Johnny dans le coffre » ou plus probablement dans ce cas, dans la Seine. Par conséquent, le livre se lit presque comme un roman. le choc des premiers chapitres vous fera peut-être passer les derniers pour plus édulcorés, mais quoi qu'il en soit, vous n'aurez pas l'impression de perdre votre temps et cela vous donnera envie de revisionner ou de lire « La Reine Margot » sous un autre angle (Patrice Chéreau 1994, Alexandre Dumas 1845).
Avis des membres
Fiche technique du livre
-
- Genres
- Sciences Humaines & Savoirs , Histoire
-
- EAN
- 9782348084713
-
- Collection ou Série
- La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales
-
- Format
- Grand format
-
- Nombre de pages
- 384
-
- Dimensions
- 191 x 126 mm
Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre univers où les mots s'animent et où les histoires prennent vie. Que vous soyez à la recherche d'un roman poignant, d'une intrigue palpitante ou d'un voyage littéraire inoubliable, vous trouverez ici une vaste sélection de livres qui combleront toutes vos envies de lecture.
14,00 € Grand format 384 pages