Une guerre au loin - Annam, 1883 : Le livre de Sylvain Venayre

Quand l’acuité d’un récit de bataille dépasse son auteur et se transforme en drame sociétal aux antipodes des lieux du crime, car crimes et sauvageries il y en eut lors de la prise du fort d’Hué en 1883. On reproche à l’article d’être trop réaliste, d’exhiber la force sauvage « civilisationnelle » des marsouins français alors qu’en fait, il ne fait qu’illustrer les contradictions de la bourgeoisie française et peut-être plus généralement occidentale, de ce qu’on a pudiquement appelé « la belle époque ». En seulement quelques pages (155) et à partir d’un « reportage de guerre » publié dans le Monde illustré par l’écrivain en puissance, le marin, le militaire, l’explorateur, l’amant, l’efféminé, le charentais, Lucien Viaud alias Pierre Loti de son nom de plume, l’auteur traite de la colonisation, de ses atrocités afférentes, de la fascination de l’exotisme et de l’orientalisme malsain, du besoin d’Empire et de la suprématie de l’occident, de la rigueur journalistique, de la puissance évocatrice de la plume et du maniement de ce pouvoir. Un travail salutaire qui donne à voir les constructions mentales d’une société où l’effroi et les protestations ne sont pas tout à fait dirigées vers la bonne transgression en contradiction flagrante avec ses aspirations pseudo-humanistes.