Vongozero : Le livre de Yana Vagner

Road-movie post-apocalyptique en pleine Sibérie… quelque peu cousu de fils blancs… Je suis partagée. Vraiment partagée par ce livre, et ce sentiment me fait penser que ce genre de récit n'est peut-être plus fait pour moi. Ou peut-être ne l'a-t-il jamais été lorsque je me souviens par exemple de mon ressenti mitigé également pour le chef d'oeuvre de Cormac McCarthy, La route. Ce n'est pas tant que le livre soit moyen, dans son registre, il est même excellent, mais plutôt que je suis devenue moins réceptive aux road-movies. Ce tiraillement reflète bien mon expérience de lecture : certains aspects m'ont captivée, tandis que d'autres m'ont laissée en retrait. L'un des grands atouts du roman est sans conteste son ambiance : cette immersion réaliste dans une Russie contemporaine ravagée par une épidémie, où un groupe tente d'échapper au chaos en traversant un pays à l'agonie, est haletante. L'exploration de la psychologie humaine face à une situation extrême est tout aussi réussie, nous confrontant à des dilemmes qui résonnent en nous. En revanche, le périple et ses nombreux rebondissements finissent par donner au récit un caractère répétitif. À force de suivre un schéma similaire, l'intrigue perd en surprise et certains développements apparaissent prévisibles. Vongozero de Yana Vagner est donc un thriller post-apocalyptique qui suit un groupe de personnes tentant d'échapper à une épidémie mortelle en Russie. Alors oui, lire une histoire de pandémie après le Covid, c'est peut-être un drôle de choix… Mais c'est justement pour ça que ça nous parle autant. Ce n'est plus juste une fiction lointaine : c'est une peur que l'on a connue, poussée ici à son paroxysme. L'histoire est racontée du point de vue d'Anna, une femme ordinaire qui vit à Moscou avec son mari Sergueï et son fils Micha. Un virus inconnu commence à se propager, et lentement, mais sûrement, tout s'effondre : les hôpitaux débordent, certains proches meurent, les autorités sont dépassées, la panique s'installe. Puis viennent les coupures, les pénuries, la violence. Un soir, leurs voisins, Léonid et Marina, sont attaqués. Alors, fuir devient la seule option. Sergueï et Anna décident de partir vers le nord, là où le père de Sergueï possède une maisonnette au bord du lac Vongozero, loin de tout. Mais ils ne sont pas seuls : Léonid, Marina, le père de Sergueï Boris, mais aussi l'ex-femme de Sergueï et son fils Anton, et d'autres compagnons d'infortune, les accompagnent, formant un groupe hétéroclite où la confiance est fragile et les tensions jamais loin. Leur traversée de la Russie devient une lutte de chaque instant : il faut affronter le froid, la faim, le manque de gasoil, les blessures, mais surtout les autres survivants, tous prêts à tout pour s'en sortir. À mesure que les kilomètres défilent, la route devient un test impitoyable des liens humains, entre entraide et méfiance, espoir et brutalité. Parce que dans ce monde qui s'effondre, le plus grand danger n'est peut-être pas le virus… mais les hommes eux-mêmes. Parviendront-ils jusqu'au lac ? Dans quel état ? Et cette maisonnette pour un aussi grand nombre de personnes est-elle vraiment la bonne solution ? Le récit se focalise donc sur Anna, dont on partage parfois les pensées les plus intimes. C'est assez fascinant de la voir évoluer : une femme encore récente dans sa relation avec Sergueï, contrainte de cohabiter avec son ex-femme, la froide et distante Irina. Ajoutez à cela la promiscuité, les tensions, l'angoisse permanente…et forcément, quelque chose en elle change. C'est d'ailleurs l'un des charmes des road-movies : les personnages ne se contentent pas de traverser un paysage, ils se transforment au fil du voyage. Comme si chaque kilomètre parcouru les éloignait un peu plus de ce qu'ils étaient avant. J'ai trouvé dommage en revanche que la psychologie des personnages secondaires ne soit pas plus aboutie, plus approfondie. Cet aspect-là m'aurait vraiment plu. Comme dit au début de ce retour, le roman est immersif, nous plongeant dans une ambiance oppressante et glaciale à l'image des paysages traversés, des paysages souvent nocturnes, plongés dans un froid glacial propre aux rudes hivers russes, sauvages, aux lacs gelés. Les lumières des voitures sur la route encerclée par de grands pins recouverts de neige dans l'obscurité, voilà ce que nous voyons, des heures durant. Un paysage en déliquescence où les routes sont désertées, parsemées de carcasses de voitures abandonnées, parfois brulées à l'entrée de villages désormais vides ou habités par des survivants méfiantes. La moindre halte est synonyme de danger. La tension est permanente, le danger peut provenir de toute part : de l'attaque de survivants, de blessures mal soignées, de la peur, de l'épidémie aussi bien entendu… Ce n'est pas seulement un voyage physique, c'est aussi une descente dans un climat de paranoïa et de méfiance, où chacun doit choisir entre son humanité et sa survie. Plus le groupe avance en direction du Nord, bon an mal an, loin du chaos des villes, plus il fait froid, plus les forêts sont denses et les étendues gelées, offrant un silence de plus en plus profond, à la fois apaisant et menaçant. Comme si la destination, le fameux lac Vogonzero était la destination ultime, le vide immense, le vide final… « le mur noir et impénétrable des forêts qui flanquaient désormais les deux côtés de la route me paraissait bien plus amical que les villages endormis – fenêtres allumées, en éveil, rues désertes, échppes vandalisées – que nous laissions derrière nous ». Si le premier tiers du livre a constitué un vrai « page-turner », j'ai trouvé ensuite que le scénario du livre était basé sur des schémas quelque peu répétitifs. le groupe est sans cesse confronté aux mêmes types de menaces finalement, que ce soit des survivants hostiles, le froid extrême, la faim ou les tensions internes, ce qui finit par donner l'impression d'une boucle narrative où chaque épisode ressemble étrangement au précédent. Cette répétitivité peut atténuer la surprise et le suspense, en empêchant le récit de surprendre réellement le lecteur. Cela a été mon cas. Les personnages, à la psychologie peu développée, hormis Anna, ont des réactions par ailleurs assez prévisibles. En conclusion, si l'ambiance et la construction des personnages captivent admirablement l'attention et représentent, à mes yeux, les véritables atouts du roman, le recours à un schéma narratif répétitif finit par en atténuer l'impact global. Chaque nouveau défi apparaît comme une variante presque identique du précédent, une sensation que l'on retrouve souvent dans les road-movies. J'aurais sans doute préféré moins de rebondissements et un développement plus approfondi de la psychologie des personnages secondaires. Pourtant, c'est un livre qui m'a tenu en haleine, d'une lecture agréable et immersive, tout en offrant une réflexion profonde sur la psychologie humaine. Il montre comment la crise peut révéler les aspects les plus intimes et parfois contradictoires de notre nature, tiraillée entre le besoin instinctif de survie et la capacité à la résilience et à la solidarité. le personnage d'Anna incarne parfaitement ce tiraillement, illustrant cette facette non univoque qui se manifeste dans les situations extrêmes. Un bilan donc en demi-teinte mais une lecture que je ne suis pas prête d'oublier ! Merci Onee, Vicky et Irlan, je vous dois cette lecture et je regrette très sincèrement de ne pas l'avoir appréciée autant que vous ! J'invite les lecteurs à lire leurs retours enthousiastes et passionnants !

Moscou ne répond plus. À quelques kilomètres de la capitale, mise en quarantaine, le village d'Anna et Sergueï s'attend au pire. Bientôt, les pillards, bientôt, le chaos... L'épidémie qui a frappé les grandes villes et paralysé le monde marche droit sur eux. Il faut fuir, le plus vite possible. Avec une poignée de voisins et l'ex-femme de Sergueï, le convoi s'organise : vivres, essence... Rester soudés, malgré les dissensions, l'égoïsme, la panique, et l'instinct de survie qui reprend ses droits et lève les masques. En ligne de mire, un lac perdu et un refuge coupé du monde : Vongozero... Yana Vagner nous livre un un thriller psychologique glaçant, une intrigue entre huit-clos et road-movie. Vongozero, c'est la destination que cherchent à atteindre une poignée d'hommes et de femmes réunis, fuyant une épidémie qui va dévaster Moscou et la Russie. Plusieurs personnages apportent la densité de leur ressenti à cette histoire où la peur domine mais aussi les sentiments humains les plus nobles et les plus infâmes. Un suspense très soutenu,une tension constante, un thriller post-apocalyptique effrayant qui tient autant du roman d'aventures que de la dystopie et du récit de survie. Yana Vagner conte l'exode d'une dizaine d'individus, entre jalousie et paranoïa. Et sonde avec finesse les rapports psychologiques entre les personnages. Une atmosphère oppressante, un thriller psychologique efficace où l'homme sauve sa peau au prix de son humanité. Pour amateurs du genre.

Prenez un groupe d'une dizaine de personnes (une famille élargie, un couple de voisins, un couple d'amis...). Ajoutez une situation de crise, ici une épidémie qui décime l'humanité. Situez l'ensemble dans un milieu hostile, le nord de la Russie, au début de l'hiver, qu'il faut traverser à marche forcée pour se mettre en sécurité (éviter la contamination, les pillards...). Observez comment ce petit groupe humain se comporte et s'efforce de survivre dans ce contexte... Cette courte citation dit beaucoup du livre : "C'est étonnant tout ce qu'on peut apprendre de nouveau sur ses proches quand on se retrouve avec eux dans une situation pareille..." Un très beau récit, sorte de road trip survivaliste, qui tient aussi du formidable laboratoire de sociologie : comment chacun va réagir, protéger les siens, rester solidaire sans une telle situation ? Certains personnages manquaient peut-être un peu de profondeur, on sait finalement très peu des voisins et amis rencontrés sur la route. D'autres en revanche étaient beaucoup plus attachants : la narratrice bien sûr, tout en fragilité mais aussi détermination, cet étonnant docteur, le mystérieux chien, aussi, que n'aurait pas renié Tarkovski. Un très beau roman dont il me tarde de lire maintenant la suite (Le Lac).

Bien calé sur le canapé, enveloppé dans un doux duvet, café au chevet, cette lecture hivernale nous fait apprécier le confort de notre chez-soi. Le sentiment de sécurité que l'on y éprouve, aussi ! Quel miracle de pouvoir voyager sans bouger... "Vongozero", roman d'anticipation se déroulant en Russie, emprunte le chemin des pandémies...à peine une décennie avant l'apparition de la Covid. Cela fait froid dans le dos de constater à quel point ce genre de récit peut vraiment se concrétiser, peut-être à un degré un peu plus extrême ici mais tout de même...d'une clairvoyance impressionnante ! Une dizaine de personnages, tous bien présents, bien étoffés - sans doute plus au niveau psychologique qu'en descriptions physiques - et si je ne me suis pas sentie particulièrement proche d'eux, j'ai par contre ressenti, comme eux, l'urgence de fuir le chaos. Fuir la vague... Le stress est au rendez-vous. Omniprésent. Anna, le personnage principal, m'a tout de suite été antipathique mais voilà quelqu'un qui n'a pas tendance à poireauter longtemps. Elle n'attend pas, elle passe à l'action. Elle dit ce qu'elle pense (lorsqu'elle daigne ouvrir la bouche ou faire autre chose que s'allumer une cigarette) ou sinon, n'hésite pas à se faire comprendre par son comportement un peu déplaisant. Froide et égoïste, elle m'a souvent énervée. Mais tous ne sont pas là pour nous plaire... La trame est, cependant, intéressante à tous points de vue. Même si le rythme semble plutôt lent, au moins le groupe ne reste jamais longtemps au même endroit donc on a l'impression d'avancer vers un but. Les surprises nous attendent à chaque tournant, imprévisibles. Tout comme les personnages et leur façon de réagir semblent réalistes. Je me rappelle avoir été déçue par le roman "L'Hôtel", de la même autrice, pour son rythme lancinant, peut-être parce que les personnages étaient justement tous confinés au même endroit tout le long de l'histoire mais avais grandement aimé la traduction. Cette fois, j'ai apprécié tant le récit que la qualité du texte, encore traduit de façon remarquable ! Dans tous les cas, une lecture d'hiver fort divertissante en cette période de l'année où le mercure dégringole bien en-dessous de zéro ! Hâte de lire le tome suivant, intitulé "Le lac". CHALLENGE PLUMES FÉMININES