Interview
Rencontre avec Aline Thomas
Publié le 29/02/2024 , par First Editions
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Dans une société où les normes de beauté et de santé sont souvent étroitement liées à une certaine apparence physique, les personnes grosses sont malheureusement souvent confrontées à des préjugés et à des discriminations dans le système de santé. Aline Thomas, journaliste, réalisatrice et fondatrice de l'association « La Grosse Asso », a décidé de briser le silence et de mettre en lumière cette réalité méconnue à travers son livre, « Montez d’abord sur la balance ! ».
Dans cette interview, elle partage avec nous son expérience personnelle et son engagement contre la grossophobie médicale, expliquant les conséquences dévastatrices de cette forme de discrimination et offrant des solutions pour un changement nécessaire. Découvrez ses réflexions percutantes et ses conseils inspirants pour un système de santé plus inclusif et respectueux de tous les corps.
Pouvez-vous vous présenter vous et votre livre ?
Bonjour, je m’appelle Aline Thomas. Je suis journaliste, réalisatrice et la fondatrice d’une association qui s’appelle la Grosse Asso, une association qui lutte contre la grossophobie. J’ai écrit le livre « Montez d’abord sur la balance ! », se soigner malgré la grossophobie médicale. J’ai voulu faire de la grossophobie médicale le sujet de mon livre car j’ai moi-même été confrontée à la grossophobie médicale dans le soin. J’ai été confrontée à la discrimination dans mon parcours de soin et je me suis aperçue que des millions de personnes étaient confrontées comme moi à cette discrimination.
Qu’est-ce que la grossophobie médicale institutionnalisée ?
La grossophobie médicale, c’est le fait de ne pas avoir accès aux mêmes soins que les personnes qui ont un corps normé. Quand la grossophobie médicale est institutionnalisée, ça veut dire que tout le monde est d’accord avec ces discriminations et que toutes les structures de soins sont organisées pour ne soigner que des personnes normées, ce qui écarte les personnes grosses.
Quelles sont les conséquences de l’évitement des soins de santé ?
Les conséquences de l’évitement des soins de santé sont assez graduelles. Ça commence avec le fait de ne pas aller chez le médecin, donc de ne pas découvrir ce dont on souffre à un stade précoce. Et puis ça peut aller très loin, c’est-à-dire que ça peut aller jusqu’au décès, parce que quand on laisse se dégrader sa santé, parfois c’est trop tard pour se soigner. Donc ça peut aller jusqu’à la mortalité.
Quels sont les préjugés les plus courants que vous avez rencontrés dans votre enquête auprès des professionnels de santé ?
Les préjugés les plus courants sur les personnes grosses dans le milieu médical sont le fait qu’elles mangent trop ou qu’elles ne font pas assez de sport, voir les deux cumulés. Ça raconte quoi ? Ça raconte qu’en fait, on considère que les personnes grosses sont responsables de leur poids, et par conséquent de leur état de santé.
Comment pouvons-nous contribuer à changer la situation ?
Pour changer la situation, il y a plusieurs choses à faire. Il y a évidemment améliorer la relation patient-soignant. Du côté des patients et des personnes grosses, ça veut dire s’écouter plus. Ça veut dire oser dire quand un soin ne nous convient pas ou, quand on arrive dans une structure de soin qui n’est pas adaptée à notre corpulence, quand on a un lit qui n’est pas adapté à notre corpulescence, quand on a un brassard médical qui n’est pas adapté à notre corpulence… C’est oser le dire, parce que sans ces examens médicaux, on ne peut pas détecter les maladies, ou en tous cas, on ne peut pas élaborer un diagnostic. Donc c’est oser dire, faire plus attention à soi et se sentir légitime. Et puis, du côté des soignants, c’est peut-être ne pas se focaliser uniquement sur le poids, ne pas se focaliser forcément sur le fait qu’il faille faire maigrir les personnes grosses pour mieux les soigner, mais les regarder au-delà de leur IMC. Et puis, évidemment, se former plus sur les spécificités des corps gros pour mieux les soigner.
Quel serait votre message à toutes les personnes subissant la grossophobie médicale ?
S’il y a un message que je voudrais transmettre aux personnes grosses, c’est que, quelque soit la raison pour laquelle ils sont gros, rien ne justifie d’être discriminé, humilié ou écarté du soin.
Pour en savoir plus sur la grossophobie médicale, la discrimination dans les soins de santé et l’enquête d’Aline Thomas, découvrez « Montez d’abord sur la balance ! » :
"Montez d'abord sur la balance" Guide de survie à la grossophobie médicale
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Quand on est gros·se, la majorité des consultations médicales commencent par le même rituel : " BONJOUR, ENLEVEZ VOS CHAUSSURES ET MONTEZ SUR LA BALANCE. "
Quel que soit le motif de votre visite, le seul fait de passer la porte suffit dans la grande majorité des cas, à déclencher cette injonction.
S'en suivent bien trop souvent une série de remarques, dans le meilleur des cas maladroites et infantilisantes, dans le pire, humiliantes. Alors, petit à petit, pour ne pas souffrir, pour ne pas être humilié·e ou infantilisé·e, on espace les rendez-vous.
Ne pas se faire soigner parce que l'on a peur cela porte un nom : l'évitement des soins de santé.
Et si la surmortalité des personnes grosses n'était pas seulement dues aux comorbidités, mais aussi aux discriminations et à cet évitement
des soins de santé ?
D'où vient cette grossophobie médicale institutionnalisée qui éloigne
du soin ? Comment la reconnaître ?
D'où vient ce lien implicite entre minceur et santé ?
Soigne-t-on un corps gros comme on soigne les autres corps ?
Comment prendre soin d'un corps gros si on ne sait rien
de ses spécificités ?
Ce sont à ces questions que répond Aline Thomas dans ce livre, qui s'appuie sur les recherches les plus récentes et fruit d'une enquête minutieuse auprès de professionnel·les de santé autant que d'un engagement personnel et associatif.
Son objectif : inciter les patient·e·s gros·ses à retrouver le chemin
des cabinets médicaux et sensibiliser les soignants à leur souffrance.