Vers la joie : Le livre de Laurence Tardieu

Je remercie Babelio pour ce livre qui m'a été attribué dans le cadre de la masse critique. J'avais déjà apprécié l'écriture de cette écrivaine et pu la rencontrer à l'occasion d'une fête du livre. Laurence Tardieu construit ces récits à partir de son vécu en y mêlant les événements marquants d'une actualité douloureuse. Elle se livre à travers ces lignes en exprimant ses sentiments face à l'épreuve qu'elle a vécu avec son fils. Son fils Adam est atteint d'une leucémie et a subi une greffe le conduisant vers la guérison. Dans la première partie de ce récit, les premières lignes de chaque chapitre reprenne cette phrase : "Revenir aux faits, seulement aux faits", comme pour se souvenir, ne pas se perdre. Il y a comme l'autrice le qualifie le temps de guerre. Mais ce qui fait le sujet du livre c'est l'autre combat celui qui survient après la dure bataille à savoir l'après guerre. Comment la vie reprend son cours, comment découvrir une nouvelle façon de vivre , comment accepter certains événements qui resurgissent, d'autres lourds qui apparaissent tant dans le domaine privé que dans l'actualité et qu'il faut affronter? La vie d'avant s'en est allée mais dans le tumulte de cette nouvelle vie l'écriture va-t-elle soulager ? La lumière se fraye un chemin, la mère défunte semble toujours accompagner et veiller, il y a toujours des éléments qui permettent de poursuivre , de se redresser. Ce livre est un tourbillon de sentiments, de réflexions, d'éclaircies, de souvenirs heureux et malheureux qui nous montrent à la fois la difficulté de la situation et l'élan vers la joie. J'ai aimé à la fin du livre ce moment artistique au rythme du Boléro de Ravel qui libère l'autrice et l'aspire vers la joie. Augustin Trapenard lui a offert au cours de La Grande Librairie où elle était invitée ce moment incroyable ou le danseur exécute cette émotion vive relatée dans les dernières pages.

Est-on jamais libre de vivre à sa guise, comme ce jeune homme qu'enviait Proust, se laissant dériver entre le ciel et l'eau, couché au fond de sa barque ? Il faudrait pour cela s'échapper à l'âpre réalité. Laurence Tardieu a perdu « le chemin du temps », elle vit sous « un monde flottant dans un tissu de soie qu'en élevant le bras j'aurais pu toucher ». Cette image, qui veut traduire la proximité de la mort, revient tel un leitmotiv et l'autrice la combat de toutes ses forces au début de son témoignage, d'un autre conseil qu'elle donne à l'écrivain qui tente de renaître en elle : « Revenons aux faits, seulement aux faits ». Comme pour raisonner sa plume qui tantôt divague tantôt s'est asséchée. Depuis le 17 mars 2020, exactement, lorsque le services des urgences de l'hôpital pédiatrique Robert Debré a diagnostiqué chez son fils Adam, quatre ans et demi, une « leucémie aiguë myéloblastique ». La médecine a l'art de fabriquer des syntagmes mortifères, comme autant de déclarations de guerre. Sur le champ de bataille qui s'ouvre, chaque date, chaque chiffre, le nombre de globules blancs refabriqués par Adam après une greffe de moëlle osseuse (cent dix, Adam peut remercier sa grande sœur), le nombre de jours passés à l'hôpital (cent cinquante huit), font l'objet d'un relevé soigneux, méticuleux, comme si les nombres étaient la dernière assurance que pouvait donner la réalité de sa consistance, pour pouvoir y greffer un espoir. Cet espoir renaît après la guerre, mais il semble alors que tout est changé pour les survivants, au nombre desquels se compte la mère, au côté de son fils. Est-ce d'avoir vu la mort de près à travers Adam ? La narratrice n'est pas certaine de pouvoir encore faire l'écrivaine, de cette écriture dont elle pense, contrairement à Duras, qu'elle « sauve ». Faire le récit de ce passage, de cette épreuve, va relancer la machine à écrire, un moment interrompu par « l'événement ». Laurence Tardieu tourne autour de lui, avance, revient en arrière : c'est que le temps, qui était linéaire « avant » est devenu cyclique « après ». Dans la bataille, le couple que formait la narratrice avec « le père de ses enfants » s'est rompu et cette rupture, curieusement, est expédiée en quelques phrases dans le prologue du livre, comme un simple dégât collatéral. Dieu, lui, a droit à une simple interjection, « Oh, mon Dieu » en guise de merci. Une page s'est tournée, une autre vie a commencé.

Merci à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une masse critique. J'avais lu et aimé le précédent récit de Laurence Tardieu, dans lequel elle relate la leucémie de son fils Adam, les traitements médicaux, les 158 jours d'hospitalisation, la greffe grâce à la moelle osseuse de sa soeur Josepha. Il s'agit d'une sorte de journal. Il commence en 2022, Adam est en rémission, il supporte bien la greffe. Le couple parental n'a pas résisté. Laurence Tardieu a trouvé un autre appartement à Paris. Elle fait une sorte de bilan de sa vie. La maladie de son fils a totalement bouleversé sa vie, elle a du mal à s'en remettre et n'arrive pas à continuer avancer. Elle évoque les maladies, les drames qui frappent aussi ses amis. C'est une écriture délicate, sans pathos. Ce qui est extraordinaire, avec elle, c'est qu'elle ne sombre jamais dans le désespoir, il reste des lueurs, de l'espoir. C'est par exemple, l'adoption d'un chaton très joueur et câlin ou une rencontre possible avec un homme, les sourires et les jeux d'Adam. C'est la vie qui l'emporte à la fin et c'est beau. Un texte touchant que j'ai bien aimé.