Attachements. Enquête sur nos liens au-delà de l'humain : Le livre de Charles Stépanoff

"Avec cette somme de philosophie et d'ethnologie qu'est Attachements, l'anthropologue Charles Stépanoff, par sa rigueur et son originalité, impose sa voix comme l'une des plus fortes dans un domaine où, en France, résonnent encore celles de Marcel Mauss (1872-1950) et de Claude Lévi-Strauss (1908-2009), même si l'auteur se place ici plutôt sous l'inspiration de figures contemporaines comme Bruno Latour (1947-2022) et Philippe Descola. (..) Synthétisant les acquis d'une carrière savante, Attachements n'hésite pas à contester certaines des césures historiques naguère les plus consensuelles. (...)."

"L'anthropologue Charles Stépanoff nous embarque au cœur d'une riche et exigeante réflexion autour du rapport de l'être humain à son environnement.(...) En dressant un paysage extrêmement divers des socialités humaines, Charles Stépanoff nous bouscule à deux égards. Il remet d'abord en question le mythe occidental de la civilisation, concevant la " domestication " des bêtes et des plantes comme une rupture ayant fait passer l'humanité d'un stade d'immersion dans la nature à un stade de séparation. La réalité s'avère bien plus riche et complexe. Il nous aide ensuite à penser l'horizon actuel, celui de sociétés où les rapports au vivant se sont énormément appauvris, " fondées sur des dévastations écologiques, des inégalités sociales et des pouvoirs centralisés ". (...) Le grand talent de Charles Stépanoff est de proposer un travail d'une grande érudition, tout en restant accessible à un large public. (...) Les 640 pages de son travail d'anthropologue, démonstration précise et fouillée, requièrent de l'attention et du temps. Mais cela vaut la peine !"

" Comment en sommes-nous venus à vivre dans des sociétés fondées sur des dévastations écologiques, des inégalités sociales et des pouvoirs centralisés ? " Existe-t-il une logique liant ces diverses dimensions de l'actuelle crise globale ? Telles sont les questions qui guident cette monumentale enquête combinant ethnologie, histoire, sciences de l'évolution et psychologie cognitive. (...) Ce livre incontournable propose plusieurs renversements de perspective, notamment une déconstruction salutaire de la notion de domestication, souvent conçue comme un asservissement alors qu'il s'agit de partenariats inter-espèces. (...).

Celles et ceux qui ont aimé les livres de David Graeber et David Wengrow, de Jean-Paul Demoule ou de Bernard Lahire vont se passionner pour Attachements. Cet essai érudit et brillant, qui se déguste comme du petit-lait, poursuit leurs questionnements et apporte des réponses à la fois inattendues et faisant sens avec nos expériences familières. Philosophe venu à l'anthropologie et à l'ethnographie, Charles Stépanoff éclaire d'un jour nouveau l'origine de notre espèce en croisant les dernières découverte sur le comportement animal et sur notre mode de vie durant la préhistoire avec un savoir encyclopédique sur les derniers peuples autochtones. Son propos est théorique mais limpide, et il émaille chaque étape de récits sensibles et poétiques, qui nous immergent dans l'univers mental de ces sociétés faisant écho à celles de nos lointains ancêtres. Car certaines choses ne se comprennent qu'en les éprouvant. (...)

Une somme impressionnante. [...] A partir des longs séjours qu'il a effectué en Sibérie, de travaux ethnographiques dans le monde entier, des dernières découvertes archéologiques, biologiques, génétiques, économiques, écologiques et, bien sûr, anthropologiques, Stépanoff nous livre une nouvelle définition de l'humain, à la façon de Jean-Jacques Rousseau ou de Claude Lévi-Strauss.

(...) L'anthropologue mène dans son dernier ouvrage une relecture des évolutions des sociétés humaines en s'appuyant sur de nombreux exemples à travers le monde, qui éclaire notamment les mutations de notre rapport au vivant. Outre sa foisonnante érudition, c'est la vue d'ensemble et la capacité de l'auteur à nous restituer la complexité du réel qui frappe. En effet, les schémas classiques, pour rassurants qu'ils soient, décrivaient une évolution générale de l'humanité qui ne résiste pas à l'épreuve des faits. (...)

Les liens intersubjectifs et affectifs noués avec les animaux et les plantes, que nous dotons ainsi d'une sensibilité et avec lesquels nous développons " des relations socialisées de communication, de partage et de parenté ", s'avèrent aussi puissants que les liens métaboliques qui les transforment en simples choses destinées à nous nourrir, à assurer notre survie. Cette empathie trans-espèces, ouverture sur l'altérité, le partage et l'équité, est, aux yeux de Charles
Stépanoff, bien plus signifiante que la domination inhérente à la domestication et à la centralité du pouvoir politique. Reste à savoir comment l'époque pourra faire sienne cette théorie, et faire fructifier cette immense confiance dans " l'intelligence écologique " de l'homme.

Attachements est une somme impressionnante, synthèse de décennies de terrain et d'études ethnologiques récentes. C'est une enquête anthropologique majeure qui vise à bousculer les visions parfois manichéennes du rapport de l'homme au non-humain, dans la lignée de Philippe Descola. C'est une réflexion en profondeur sur notre disposition à l'attachement, à reconnaître sa dualité complexe (à dépasser le fantasme de l'harmonie originelle avec la nature et le postulat de la dévastation occidentale) pour renverser quelques tables comme la notion de domestication. Il va jusqu'à corréler les liens que les humains nouent à leur milieu vivant avec l'émergence des inégalités et des systèmes hiérarchiques. (...) Avancer dans Attachements amène à cheminer pas à pas dans une logique inverse de nos a priori, éclairée de magnifiques pages tirées de l'immersion du chercheur en Sibérie."

Une somme d'expériences pour essayer de redéfinir le propre de l'humain. C'est en partant au loin que l'on comprend les différentes manières dont les représentants de notre espèce se lient aux autres formes d'existence : animales, végétales, ancestrales, spirituelles ou même cosmiques. Cette œuvre anthropologique qui ouvre le regard fera date, c'est certain.