L'Adresse - Les rendez-vous du déversoir : Le livre de Arthur Teboul

Avec ce recueil de poésie, version luxueuse et revisitée de son précédent livre le déversoir, l'auteur Arthur Teboul, propose ici un concept burlesque et insolite, celui d'une consultation poétique à quatre mains avec des inconnus, afin d'écrire sa poésie de manière collective et automatique. Un peu dans l'esprit de ses illustres aînés, les dadaïstes, les surréalistes ou la beat génération, il laisse opérer la magie de l'inspiration spontanée, au simple contact visuel de ces personnes lambda, venus consulter le docteur-poète Teboul dans son cabinet de poésie, qui en quelques minutes leur délivre son ordonnance poétique salvatrice. Une fois posé le décor et l'ambiance iconoclaste de cette démarche unique en son genre. L'artiste se met en piste, recevant à tour de rôle ces cobayes volontaires, fiers d'être pendant de courts instants les faire-valoirs d'une star de la chanson française et poète génial de surcroît. Dans un style de prose courte, fluide et percutante, le leader du groupe "feu chatterton" construit pour ses invités guest star, une étrange rhétorique poétique aux confins d'un surréalisme du quotidien, oxymore magnétique d'un équilibriste des mots, jouant avec la frontière fragile des mondes connus et inconnus, pour emmener ces poètes d'un jour et les lecteurs dans son univers baroque à souhait. Mais si l'auteur transcrit une prose exhalant une atmosphère loufoque et déjantée, il sait parfois dans un ton plus posé, non sans humour grinçant, évoquer des thèmes sérieux tel le vote blanc en politique. Néanmoins, le vocable principal de ce recueil demeure les joies et les soucis de tous les jours, traité avec un décalage rempli de légèreté et plein de fantaisie ubuesque tendre et bienveillante.

Arthur TEBOUL. L’adresse. C’est au cours d’un café-lecture que j’ai entendu parler de ce poète, chanteur, parolier, pour la première fois. Il est vrai que j’écoute peu de musique, ne regarde pratiquement pas la télévision, ce qui explique un peu mon ignorance. Mais j’aime la poésie et une lectrice m’a vivement recommandé ce recueil de poèmes fort original. Arthur TEBOUL a ouvert, à Paris, une permanence pendant une semaine. Au cours de ces sept journées, il a reçu 236 personnes, inconnues et il a écrit ces petites poésies, en leur présence, sous leur regard. Un excellent résultat. Ces vers libres relatent des histoires intimes et qui ont beaucoup plu à leurs destinataires. Les éditions Seghers en ont fait un bel ouvrage. Dans ce recueil, j’ai eu beaucoup de difficultés à vous en sélectionner trois afin de vous permettre de gouter à ces diverses mélodies qui abordent toutes des thèmes variés. L’amour, la famille, les amis, le temps qui passe, les enfants, le bonheur, la tristesse, la tendresse,l'amitié, la séparation, la fin d'un amour, l’écologie, et j’en oublie, etc.… Cet auteur a beaucoup d’imagination. De plus, il est très réactif. En un jet d’une dizaine à une vingtaine de minutes, il rédige des textes limpides, clairs et représentant des scènes de vies quotidiennes, des rencontres entre deux êtres, des rendez-vous amoureux, des repas entre amis, en famille, en un mot des situations banales. Mais quelle force porte ces écrits jetés sur une page, au hasard d’une rencontre. J’aimerais bien le rencontrer…. Peut-être renouvellera-t-il son expérience ? Les textes sont très rythmés ; ils sont mélodieux ; de l’humanité, de l’humilité, de la sensibilité, de la tendresse, de la bienveillance, affleurent dans ces pages. Je vais rendre l’ouvrage à la médiathèque et me l’offrir pour Noël. Si vous aimez la poésie, je vous invite à lire, même au hasard quelques pages. Vous aurez peut-être, comme moi, envie de poser ce livre sur votre chevet et l’ouvrir, au petit bonheur à une page quotidiennement et lire à voix haute le texte. Je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année, une excellente année 2025. je vous donne rendez-vous prochainement pour de nouvelles critiques. (13/12/2024 ).

Chanteur et parolier de l’excellent groupe Feu! Chatterton, poète minute et maintenant déverseur, Arthur Teboul ne cesse de surprendre en prenant sous son aile sensible et artistique de nombreux projets fascinants. Et celui présent dans cet ouvrage est certainement un des plus fous, des plus intimes. C’est l’an dernier qu’il a pris la décision d’inventer un métier, celui de déverseur : un poète qui possède un cabinet et que tout un chacun vient voir pour se faire écrire un poème minute, sans rien échanger de plus qu’un nom. Il réalise ce souhait, installant son bureau dans une rue parisienne pendant une semaine. Temps qu’il aura suffit pour réunir 236 personnes de tous les âges et prouver que nous avons plus que jamais besoin de poésie dans nos vies. Ce recueil répertorie tous les textes écrits à cette occasion, nous plongeant véritablement dans le cabinet feutré en nous transmettant à chaque instant sa douceur et son intensité. J’ai fini la préface les larmes aux yeux. Arthur semblait m’y assurer que nous nous comprenions, que je pouvais entrer dans le Déversoir sans embûche et que nous partagions la même vision de la poésie, ce genre brillant à désacraliser dans lequel tout a place et auprès duquel notre devoir est d’oser. Il pratique l’écriture automatique, méthode créée par les surréalistes que j’aime tant (écrivant et lisant moi-même beaucoup de poésie dans ce style, cela m’a beaucoup plu). La plupart des textes sont en prose et s’inscrivent en plein dans la continuité du mouvement de Breton. On s’émerveille des idées jetées sur le papier sans même y faire attention, de l’assemblage des mots toujours juste, des quelques facéties dispersées çà et là et parfois accompagnées de précisions en bas de page sur les coïncidences qui ont eu lieu dans le cabinet et que les « patients » et le déverseur ont eu la générosité de nous transmettre. Il y a des inégalités au sein du recueil, on est parfois indifférent à certains poèmes puis soudainement happé par une phrase qui paraît nous parler. C’est touchant, saisissant, tendre, hors du temps et regroupé dans un très bel objet, délicat et stylisé qui participe à l’immersion. Enfin, pour ne pas quitter immédiatement le cabinet et sa moquette orange, Arthur nous joint un questionnaire qu’il a envoyé à tous les participants et leurs réponses respectives. On y parle de tout avec humour et passion : de la vie, du poème et de ce nouveau métier devenu indispensable dès sa création. On entre dans l’intimité des gens et c’est une partie du livre presque aussi apaisante que celle des poèmes : on y rencontre des humains et on se rassure de leur sagacité, de leur culture et de leur espièglerie. J’ai refermé l’ouvrage avec l’envie de créer, la certitude qu’il réside partout autour de nous des sensibilités formidables, et la tentation d’à mon tour enfiler le costume de déverseur que je me souhaite un jour d’expérimenter.