Tant que fleuriront les citronniers : Le livre de Zoulfa Katouh

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lisant ce roman, je ne peux pas dire que je suis déçue. Néanmoins je ne serai pas aussi enthousiaste que beaucoup de lecteurs. Les points positifs d'abord : On est immergé dans Holms détruite, bombardée, attaquée, immergé dans la révolution syrienne et l'attachement charnel des personnages à leur pays, le combat qu'ils doivent mener intérieurement pour accepter de quitter la Syrie pour se mettre en sécurité avec leur famille sont déchirants. Salama est bouleversante, et l'histoire d'amour adorable et plus crédible que dans bien des romans. J'ajoute avoir beaucoup aimé les couleurs de cette histoire. Ce que j'ai moins aimé : le nombre de morts par page... (condensées en un temps très court les attaques racontées rajoutent à la violence du propos), la redondance des références à Ghibli (parfois très belles, parfois un peu immatures), la nouvelle à la fin du livre (après les remerciements) qui gache le côté Austenien revendiqué de l'histoire d'amour. Et surtout, alors que je suis d'habitude très bon public, je n'ai pas été emportée par cette histoire qui manque de profondeur dans les émotions malgré le sujet. Touchée, oui, choquée parfois, contente du dénouement heureux mais malgré tout, c'est parfois un peu "superficiel". Une lecture marquante au demeurant.

Salama a vécu l'indicible à seulement 17 ans. Étudiante en pharmacie, elle se retrouve "promue" médecin lorsque survient la guerre et assiste impuissante au naufrage de son pays... Sa rencontre avec un jeune homme vient chambouler ses certitudes au sujet de son pays, son devoir, sa famille. Vraiment bien écrit, on se laisse emporter par le récit de cette jeune syrienne qui fait courageusement face à un quotidien terrible où elle risque sa vie à tout instant pour aider les autres. L'amitié qu'elle développe au cœur de cette guerre nous donne un peu de baume au cœur. Certains passages décrivent crûment la guerre, les violences, les blessures et les victimes. Âmes sensibles s'abstenir. Mais cela est nécessaire au propos car comment raconter la guerre en passant sous silence les atrocités qui en découlent ?

Un retour à la réalité qui est à la fois brutalement doux et percutant. La plume de Zoulfa Katouh m’a vraiment touchée, elle brise le cœur puis le reconstruit avant de le briser à nouveau, ne laissant qu’un soupçon d’espoir qui nous fait renaître. L’histoire m’a profondément secouée et a laissé une cicatrice en moi longtemps après avoir tourné la dernière page. Le choix de semer une graine d’espoir au milieu du chaos apaise notre cœur, en proie à l’indignation face aux horreurs de la guerre. En lisant, j’ai presque été aux côtés de Salama, assistant à la mort d’un petit garçon qui se demandait “qui racontera tout à Dieu” quand il le rencontrera. J’ai tellement pleuré. C’est un livre magnifique, porteur d’un message puissant, une réalité brute et sans filtre – tristement réelle – mais surtout une histoire qui continuera de résonner en vous des mois après que vous ayez lu le dernier mot.

Quel voyage! J’en sors toute retournée, chavirée, presque naufragée. C’est la révolution, la survie pour la liberté de la Syrie. La résistance a l’horreur, à la barbarie, à l’horreur des corps mutilés et des familles disloquées. Et dans cet environnement chaotique Salama, petit bout de jeune femme qui survit à côté de son corps, qui respire un air qui ne suffit pas à ses poumons mais qui détient en elle une force dont elle ne soupçonne même pas l’existence. Tant que fleuriront les citronniers c’est des histoires d’hommes, de femmes, d’enfants pris dans cette guerre, non dans cette révolution et qui continuent à vivre, à aimer, à rire et à espérer. Ce livre c’est une fleur qui germe sur un bitume de désolations, une simple pâquerette prête à montrer la beauté des fleurs dans un univers où rien ne subsiste. Quelle belle histoire, quelles belles histoires, quelle horreur, quelle beauté, quelle tristesse mais quelle joie! Très bon moment de lecture .